Nouveau battant, nouvelle présentation !
-Cloche 1, « Trinitas », note sol#2, poids 4’100kg, refondu en 2010 par Paccard à Sévrier
-Cloche 2, « Thébaine », note do#3, diamètre 145cm, poids 1732 kg, coulée en 1947 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 3, « Saint Maurice », note mi3, diamètre 115cm, poids 920kg, coulée en 1818 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
-Cloche 4, « Saint Sigismond », note fa#3, diamètre 103cm, poids 620kg, coulée en 1818 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
-Cloche 5, « Saint Augustin », note sol#3, diamètre 92cm, poids 450kg, coulée en 1818 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
-Cloche 6, « Saint Théodule », note la3, diamètre 86cm, poids 350kg, coulée en 1818 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
-Cloche 7, « Marie-Madeleine », note si3, diamètre 77cm, poids 260kg, coulée en 1818 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
-Cloche 8, « Candide », note do#4, diamètre 69cm, poids 180kg, coulée en 1818 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
L’abbaye territoriale de Saint Maurice d’Agaune a été fondée en 515 par le futur roi burgonde Saint Sigismond, à l’emplacement d’un sanctuaire plus ancien érigé par Théodore d’Octodure, premier évêque connu du Valais, et abritant les reliques de Maurice d’Agaune, martyr du IIIe siècle. La cité d’Agaune a d’ailleurs pris son nom et s’appelle aujourd’hui Saint Maurice. L’abbaye est la plus ancienne d’Europe occidentale en activité à avoir été occupée en permanence. Si le premier sanctuaire, dont les fondations ont été mises en valeur, fut érigé dans le sens classique est-ouest, les nombreux éboulements successifs poussèrent finalement les chanoines à le reconstruire au XVIIe siècle dans le sens nord-sud. Cela n’empêcha pas un nouvel éboulement de créer de gros dégâts en 1942, obligeant ainsi la flèche du clocher et une partie de l’église à être reconstruits. L’abbatiale occupe le rang de basilique mineure depuis 1948. L’abbaye ne fut jamais dépendante d’un diocèse et d’un évêque, car elle bénéficia dès sa fondation de l’immédiateté pontificale, c’est-à-dire qu’elle dépend directement du Pape et de lui seul. Aujourd’hui encore, le père abbé de Saint-Maurice exerce sa propre juridiction spirituelle sur sa communauté abbatiale, ainsi que sur les cinq paroisses de son territoire. L’abbaye possède également un collège renommé ayant un statut d’établissement semi-privé.
Les cloches à la volée – L’imposant clocher roman avec sa flèche de pierre, typique de la Vallée du Rhône, semble se dresser ici depuis la nuit des temps. Or, quand on y monte, on se rend compte que les étages supérieurs et sa flèche sont en béton habillé de pierres. Le terrible éboulement du 3 mars 1942 éventra la tour avant qu’une rafale de foehn ne la fasse s’écrouler complètement deux jours plus tard. Miracle : les cloches de 1818 s’en tirèrent avec quelques ébréchures. Elles sonnent toujours, vaillamment. Trois d’entre elles ont subi un petit accordage au XXe siècle. Cet ensemble de six cloches en mi3 est l’œuvre de fondeurs veveysans déjà maintes fois rencontrés en Suisse romande : Pierre Dreffet et son neveu Marc Treboux. Nous sommes ici en présence du plus grand ensemble toujours existant réalisé par la fonderie de Vevey. Ruetschi d’Aarau y ajouta en 1947 « Thébaine », une cloche donnant le do#3. Son arrivée coïncida avec la mise en service d’un carillon électrique offert par un ancien élève du collège de Saint-Maurice. « Thébaine » fut durant plus de cinquante ans le bourdon de l’abbaye. Pour le passage à l’an 2000 fut offerte une grande cloche coulée en 1998 par la fonderie Paccard dans un chantier naval de Nantes. Cette cloche était un modèle réduit à l’échelle 1/2 de la Cloche de la Paix de Newport, un monstre de 32 tonnes égrenant la note la1. Baptisée « Trinitas », cette « miniature », d’un poids de 3’990kg, fut bénie par Monseigneur Roduit le 29 novembre 1999. Les huit cloches sonnèrent toutes ensemble pour la première fois le 25 décembre. Installée dans un beffroi dressé sur une lourde dalle de béton, « Trinitas » fut équipé d’une motorisation débrayable et d’un pédalier permettant de la sonner en piqué. Ce mode de volée ne semble toutefois pas avoir été utilisé très souvent. « Trinitas », dépeint comme magnifique par le campanologue Matthias Walter, fêla malheureusement très vite. La fonderie Paccard accepta de refaire gratuitement une nouvelle cloche donnant la même note (sol#2). Le nouveau « Trinitas » vit le jour le 18 mars 2010 dans les ateliers de Sévrier devant une importante délégation de l’abbaye. Il fut hissé au clocher le 15 juillet. Son battant fut changé à l’été 2017 par la maison Ruetschi d’Aarau (voir galerie ci-dessous).
La sonnerie avant 1818 – L’histoire des cloches qui ont précédé la sonnerie actuelle, c’est d’abord cette pittoresque légende qui rapporte que Charlemagne aurait fait un songe. L’Empereur se serait mis à chanter et les cloches de Saint-Maurice auraient donné de la voix avec enthousiasme pour l’accompagner. Tout ceci ne nous indique évidemment pas ce que contenait le clocher à son édification au XIe siècle ! On sait seulement que secousses sismiques et éboulements se sont souvent succédé pour mettre à mal l’abbaye et ses cloches au fil des ans. Il est en outre rapporté que l’incendie du 23 février 1693 causa la perte de sept cloches. Il fallut attendre 1702 pour assister à la fonte de quatre nouvelles cloches. Curieusement, toutes ne furent pas confiées au même fondeur. La plus grande fut réalisée par Jean-Claude Livremont de Pontarlier. On pouvait y lire (en latin) : Béni soit le Nom du Seigneur. Le feu dévastateur m’a fait périr en 1693, mais l’unanimité du Chapitre m’a fait renaître en 1702. Mon parrain est Pierre de Riedmatten, bailli de la Patrie éminent en noblesse ; si l’on demande le nom de ma marraine, c’est Noble Elisabeth Ambiel. Que vive et fleurisse la liberté des Valaisans. Les trois autres cloches furent coulées par les saintiers lorrains Etienne et Nicolas Besson. Mgr Georges Schiner, qui dirigea l’Abbaye de 1764 à 1794, fit refondre la grande cloche à une date indéterminée. En 1818, l’Abbé Etienne-Germain Pierraz fit briser toutes ces cloches. Il confia à Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey la réalisation d’une nouvelle sonnerie. Ces six cloches aux accents baroques nous sont par bonheur toutes parvenues.
Le carillon – Après l’ajout du premier « Trinitas » pour le passage à l’an 2000, l’abbaye, dont la réputation musicale n’est plus à faire, se lance dans un projet d’envergure : un carillon. L’idée vient d’un ancien élève du collège qui manifestait un attachement au patrimoine campanaire abbatial. Le chanoine Roten, alors maître de chœur, organiste et carillonneur de l’Abbaye entame ce projet qu’il allait superviser pendant presque trois ans. Le projet initial était plutôt modeste. Il prévoyait la construction d’un instrument de trois octaves (environ 37 cloches), utilisant toutes les cloches de 1818. Forte de son succès, la souscription fut plus prolifique qu’imaginée par la communauté. Le carillon a alors pu être étendu à quatre octaves (environ 50 cloches). Il a même été décidé que certaines des cloches de volée (les 4 plus petites) ne soient pas employées. Leur sonorité ne répondait pas aux exigences musicales d’un véritable instrument de musique. Elles ont cependant été conservées et continuent de sonner en volée. Après un appel d’offres lancé par l’Abbaye, c’est la fonderie hollandaise Royal Eijsbouts qui fut retenue pour réaliser 45 nouvelles cloches, allant de 1404kg pour la plus lourde à 9,1kg pour la plus légère. Elles ont été fondues à la fin de l’année 2003. Arrivées au mois de juin 2004, elles ont été bénies par le Père-Abbé Mgr Joseph Roduit le 20 juin 2004 avant d’être hissées dans le clocher. Durant l’été, les ouvriers se sont activés pour installer le beffroi métallique qui allait les supporter, la cabine du carillonneur qui allait abriter le clavier et la transmission. Le clavier -parlons-en- est dimensionné pour entrer au centimètre près dans la travée de la cloche Thébaine. Pour le pédalier, on a préféré la norme américaine et un pédalier droit au lieu d’une forme concave et radiale, pour qu’il puisse tenir en totalité dans l’espace restreint imposé. De plus, ce dernier ne s’arrête qu’au « la » du 2eme octave au lieu du « do » suivant. Notons que deux pédales ont été ajoutées en grave : l’une est reliée au bourdon Trinitas, et l’autre est vacante, pour un bourdon intermédiaire qui verra peut-être le jour dans un futur plus ou moins lointain. Le carillon possède donc la tessiture suivante : Sol#2-Do#3 chromatique Do#7 sans Ré3 (do# au clavier). On peut noter qu’il est transpositeur : le do n’est pas un do réel mais un do#3. Le carillon s’est calqué sur les deux grandes cloches respectivement sol# et do#. Le carillon a été inauguré en grande pompe le 22 septembre 2004, à l’occasion de la Fête Patronale par le Chanoine François Roten, son titulaire, et Andreas Friedrich, carillonneur de Carouge et alors président de la Guilde des Carillonneurs et Campanologues Suisses. Le 26 septembre suivant, c’est le carillonneur d’Utrecht Arie Abbenes qui donne le concert inaugural retransmis pour l’occasion à la radio. Dès lors, le carillon est utilisé pour les fêtes religieuses (1eres et 2emes vêpres, et messe souvent pontificale) et pour quelques concerts plutôt occasionnels. En 2017, l’Abbaye innove en proposant un festival de carillon avec visites du clocher et plusieurs concerts. L’expérience devrait être reproduite dès 2019.
De gauche à droite, la cloche de sacristie, la cloche conventuelle et la cloche de la flèche
Les autres cloches – Pour compléter la description de l’impressionnant patrimoine campanaire de l’abbaye de Saint-Maurice, citons encore trois cloches de dimensions plus modestes. La première se trouve dans le clocheton qui trône au-dessus de chœur. Cette petite cloche nommée « Marie Elisabeth » a été fondue en 1988 par la fonderie Ruestchi. Elle remplace une ancienne cloche Livremont de 1752, hélas fêlée. Ses fragments sont encore conservés aujourd’hui. Les 42 kilos de « Marie Elisabeth » ont de la peine à rivaliser avec les presque 10 tonnes de la sonnerie à la volée du clocher! C’est pour cela qu’elle ne mêle pas sa voix avec ses grandes sœurs. Si aujourd’hui elle n’a aucune fonction attitrée, elle a servi de suppléante lors des travaux de 2012 durant lesquels toutes les cloches -ou presque- étaient dépourvues de leurs moteurs et battants. La deuxième cloche est plus près du plancher des vaches. Fondue en 1860 par Georges Paccard, cette cloche d’à peine 30 kilos a été redécouverte en 2015 entreposée dans le clocher. Nul ne sait la raison de sa fonte, son commanditaire ni son usage initial. Il a finalement été décidé de l’installer dans le chœur de la basilique, au-dessus de la porte de la sacristie. Depuis fin 2017, elle a la tâche de marquer le début des célébrations religieuses. La dernière cloche est la plus importante mais aussi la plus ancienne de l’abbaye encore en fonction : il s’agit de la cloche conventuelle. Disposée dans le corridor principal de l’Abbaye, à mi-distance entre les appartements du Père Abbé et du Révérend Prieur, cette cloche annonce chaque célébration et rassemblement propre aux chanoines, et ce depuis 1790. Cette cloche ne prend congé qu’entre la messe du Jeudi-Saint et le matin de Pâques, ou elle est remplacée par l’une des deux crécelles dont dispose l’Abbaye. Cette cloche estimée à 35 kilos porte la marque d’un fondeur Français « Goussel ». Cette dynastie aux origines lorraines n’a pas hésité à se déplacer dans différentes régions, jusque dans l’arc alpin.
Crédits
Textes : Claude-Michaël Mevs « Quasimodo » sauf « le carillon » et « les autres cloches » Antoine Cordoba
Photos : Antoine Cordoba (sauf mentionné)
Montage vidéo : Antoine Cordoba
Plans vidéo : Antoine Cordoba et Claude-Michaël Mevs
Prise de son : Antoine Cordoba
Remerciements chaleureux
Mgr Jean Scarcella, Abbé Territorial
Rd chne Roland Jacquenoud, Prieur Vicaire-Général
Chne Thomas Roëdder, Recteur & Sacriste
Sources :
« Les cloches de l’Abbaye », Léon Dupont-Lachenal, paru dans « Echos de Saint-Maurice », 1947, tome 45, p. 201-213
« Une nouvelle cloche à l’abbaye », article de François Roten, carillonneur, paru dans « Echos de Saint-Maurice », 2000, tome 95a, p. 30-34. © Abbaye de Saint-Maurice 2014
http://abbaye-stmaurice.ch/page.php?id=fr56
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_territoriale_de_Saint-Maurice_d’Agaune