Cloches – Sorens (CH-FR) église Saint-Michel

La paroisse voulait un fondeur catholique

-Cloche 1, ré 3 -3/16, dédiée à sainte Thérèse, diamètre 145 cm, poids environ 1’730 kg, coulée en 1934 par la fonderie de Staad.
-Cloche 2, sol 3 +8/16, dédiée à saint Michel, diamètre 108 cm, poids environ 650 kg, coulée en 1934 par la fonderie de Staad.
-Cloche 3, la 3 +2/16, dédiée à saint Joseph, diamètre 96 cm, poids environ 510 kg, coulée en 1934 par la fonderie de Staad.
-Cloche 4 : si 3 +2/16, dédiée à saint Pierre, diamètre 86 cm, poids environ 360 kg, coulée en 1934 par la fonderie de Staad.
-Cloche 5 : do#4 +6/16, cloche de l’Agonie, diamètre 64 cm, poids environ 150 kg, coulée en 1652 par Hans Christoffel Klely et Frantz Bartolome Reiff.

Sorens, un village qui remonte à une haute antiquité – Le Gibloux est une montagne haute de 1’204 mètres, bien connue des Fribourgeois pour ses nombreux sentiers de randonnée, mais aussi et surtout pour sa tour émettrice. Haute de 118 mètres, cette impressionnante structure de béton et d’acier permet à une bonne partie du Plateau suisse de recevoir – en FM et en numérique – les programmes radio du service public ainsi que de Radio Fribourg. C’est avec la délicieuse sensation de conjuguer mes deux plus grandes passions (radio et art campanaire) que je me suis rendu à Sorens, commune sur le territoire de laquelle se dresse la fameuse antenne. Comme on peut l’apprendre son site internet, l’histoire du village remonte à une haute antiquité. Pendant que les Romains séjournaient dans la plaine, cette contrée était probablement habitée par une population patriarcale, mais peu nombreuse, qui vivait paisiblement du produit de ses troupeaux. Plus tard, Sorens fut compris dans la Seigneurie de Vuippens et de Marsens. Les demeures paysannes s’y érigent en amphithéâtre, jalouses, semble-t-il d’avoir chacune leur place au soleil, décrit avec poésie Clément Fontaine dans « Nos villages gruériens ».

Une ancienne église trop petite – C’est à l’occasion de l’installation du curé de Vuippens, le 14 avril 1463, qu’il est fait mention pour la première fois d’une chapelle à Sorens. Si on ignore où se dressait ce petit édifice, on sait qu’une nouvelle chapelle, dédiée à saint Bernard de Menthon, est construite sur les hauts du village en 1686. Cette chapelle devient église paroissiale en 1861 quand Sorens se sépare de Vuippens pour devenir paroisse indépendante. Le 30 octobre, Mgr Marilley procède à la consécration du sanctuaire agrandi pour l’occasion. Malgré ces transformations, l’église est exiguë. On peut en effet lire dans le Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg, paru en 1902 : L’église de Sorens est aujourd’hui propre, bien tenue ; mais humide et trop petite ; la paroisse sera obligée, dans peu de temps, de la rebâtir.

Une nouvelle église décorée par les meilleurs artistes – L’actuelle église Saint-Michel de Sorens fut consacrée le 8 octobre 1935 par Mgr Marius Besson. Les plans de cet imposant édifice sont de Fernand Dumas, architecte fribourgeois bien connu dans toute la Romandie. Qu’on l’adore ou qu’on la déteste, l’œuvre de Fernand Dumas ne laisse personne indifférent. J’avoue humblement ne pas être un adepte de ces grandes façades agressives (je pense surtout à Orsonnens) qui ont trop souvent remplacé d’humbles petites églises villageoises qui – à mon avis – se fondaient beaucoup mieux dans nos campagnes. Ma préférence ira sans doute toujours aux vénérables édifices médiévaux et baroques ainsi qu’aux façades exubérantes de la Belle-Epoque. Il n’empêche qu’avec le temps, j’ai appris à apprécier les réalisations des artistes dont Dumas, pourfendeur de l’historicisme, a su s’entourer. Je tiens à remercier l’excellent Jean-Marie Barras, pédagogue et historien, qui au fil de nos échanges, a su m’ouvrir les yeux sur qualité de la décoration des édifices où a œuvré le Groupe de Saint-Luc. Comme l’explique M. Barras sur son site, à chaque église de Dumas son matériau dominant : Le verre à Mézières, la céramique à Bussy, le bois à Sorens. Remarquable est surtout le grand retable dans le chœur. Willy Jordan a utilisé pas moins de 30 essences forestières différentes pour réaliser la grande effigie marquetée de saint Michel, patron de l’église. Ont également œuvré à la réalisation de la décoration intérieure :  Emilio Beretta pour le chemin de croix en bois, François Baud pour les sept reliefs du portail, Jacqueline Esseiva pour le plafond et la base de l’autel, Elisabeth Pattay-Python pour la Madone effilée, Marcel Feuillat pour le tabernacle doré et enfin Alexandre Cingria, chef de file du Groupe de Saint-Luc, pour les vitraux.

Quatre cloches saint-galloises pour une cloche fribourgeoise – Les quatre nouvelles cloches furent bénies le 19 novembre 1934 par M. le chanoine Louis Waeber, vicaire général, en l’absence de Mgr Besson, retenu par des confirmations. Elles sont l’œuvre la fonderie de Staad (CH-SG) dirigée alors par Fritz Hamm. La nouvelle sonnerie forme un motif Westminster d’une justesse relative (ré-3/16, sol+8/16, la+2/16, si+2/16). Chacune des cloches porte l’effigie du saint auquel elle est dédiée : sainte Thérèse (cloche 1) saint Michel (2) saint Joseph (3) et saint Pierre (4). Une des deux cloches de l’ancienne église a été conservée. Coulée en 1652 par Hans Christoffel Klely et Frantz Bartolome Reiff, cette jolie petite cloche possède des décors baroques très soignés. Les inscriptions latines sur le col sont courantes sur les cloches de cette époque : DEFVNCTOS PLANGO FESTA COLO ET FVLMINA FRANGO. On peut aussi lire le nom d’un édile local : ROVLE ROPRA GOVVERNEVR. La cloche présente plusieurs effigies saintes : saint Michel, la Vierge à l’Enfant et le Christ en Croix. Signalons enfin le magnifique cartouche regroupant  les blasons des deux fondeurs : le canon et le trèfle des Klely et les trois cercles emboîtés de la famille Reyff.

La paroisse voulait une fonderie catholique – Dans les années 1930, deux fonderies suisses se disputaient les faveurs des paroisses : Ruetschi d’Aarau et la fonderie de Staad dans le canton de Saint-Gall. Chacune de ces maisons avait ses arguments de vente. Dans la capitale argovienne, on se targuait de maîtriser un savoir-faire remontant au XIV siècle et d’être la seule fonderie 100% suisse. La concurrence saint-galloise, elle, se vantait d’avoir repris les profils d’Ulrich d’Appolda, la fonderie allemande qui a coulé le bourdon de la cathédrale de Cologne, à l’époque la plus grosse cloche fonctionnelle du monde. On pouvait aussi lire dans le journal local La Liberté du 21 novembre 1934 : Les quatre cloches sortent de la fabrique de cloches de Staad près Rorscharch (Saint-Gall) la seule maison catholique de ce genre en Suisse. Ce même argument confessionnel fut repris quelques années plus tard par la fonderie Eschmann, qui réalisa un grand nombre de sonneries catholiques, tout spécialement en Suisse orientale.

Moins de 70 ans d’activité pour la fonderie de Staad – J. Egger Staad St Gallen, W. Egger Staad St Gallen, F. Hamm Staad St Gallen, ou encore Glockengiesserein Staad… rarement fonderie a autant changé de raison sociale en 70 ans ! Tout commence en 1873 avec la coulée d’un bourdon de 3’800 kg pour la paroisse de Flums dans un atelier établi par Jakob Egger à Buriet (SG). Le fondeur a hélas mal choisi son emplacement : la terre trop meuble s’affaisse sous le poids du moule et le bronze en fusion se répand dans l’atelier. Direction les falaises de Staad, un terrain bien plus propice aux activités de fonderie d’Egger, qui exercera son art jusqu’à son décès en 1921. Son fils Wilhelm lui succède durant cinq ans seulement : il meurt prématurément en 1926. Fritz Hamm d’Augsbourg rachète l’entreprise en 1927 et en fait une société anonyme en 1934. La fonderie de Staad ferme ses portes en 1940, deux ans après avoir coulé sa plus grosse sonnerie : les cinq cloches monumentales de l’église catholique de Berneck, d’un poids total de 17’500 kg (le bourdon en fa2 pèse à lui seul 8’759 kg). Les locaux historiques de la fonderie sont occupés aujourd’hui par l’entreprise Graf spécialisée dans la fabrication de courroies industrielles. Les profils développés par Hamm durant ses années d’activité à Staad seront repris par Emil Eschmann, actif de 1955 à 1970 à Rickenbach dans le canton de Thurgovie. Parmi les cloches fribourgeoises issues de la fonderie de Staad, on peut citer, outre Sorens : Cressier, Ependes et Domdidier.

Extraits du livret de présentation de la fonderie de Staad

Nouveaux battants, nouveau coq – Les cinq cloches viennent de recevoir des nouveaux battants à boule et à chasse courte en acier doux. Le clocher vient en outre de se voir couronné d’un nouveau coq, l’ancien volatile ayant été pris pour cible par des tireurs désœuvrés. Ces équipements ont été réalisés et installés par la maison Mecatal à Broc (CH-FR). L’ancien coq sera conservé et exposé. Les anciens battants (certains étaient d’origine) ont été laissés dans le clocher.

Quasimodo remercie chaleureusement
La paroisse de Sorens : Maurice Grandjean, président ; Maurice Ayer, conseiller technique.
Mecatal campaniste : Jean-Paul Schorderet, directeur.
-Mes amis Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice ; Anthony Cotting, membre de la GCCS ; Aurélien Surugues, membre de la GCCS ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers (CH-NE).

Sources (autres que mentionnées)
La fonderie de cloches Emil Eschmann à Rickenbach près de Wil, extrait de de la revue Campanae Helveticae no 20.
Archives de La Liberté, éditions du 21 novembre 1934 et du 10 octobre 1935.
https://www.sorens.ch/
https://www.nervo.ch/wp-content/uploads/2017/03/styles-architecture-religieuses.pdf
https://www.grafbelts.ch/
https://de.wikipedia.org/wiki/Glockengiesserei_Egger
https://de.wikipedia.org/wiki/Glockengie%C3%9Ferei_Fritz_Hamm
https://de.wikipedia.org/wiki/Glockengiesserei_Eschmann
https://de.wikipedia.org/wiki/Petersglocke
https://www.srf.ch/radio-srf-musikwelle/glocken-der-heimat/berneck-kirche-unserer-lieben-frau

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