Cloches – Bottens (CH-VD) église Saint-Etienne

Un village, trois clochers

-Cloche 1, dédiée à la Vierge Marie, note mi3, diamètre 126 cm, poids 1’350 kg, coulée en 1889 par Gustave Treboux à Vevey.
-Cloche 2, dédiée à saint Etienne, note sol3, diamètre 102 cm, poids 720 kg, coulée en 1846 par Samuel Treboux à Corsier-sur-Vevey.
-Cloche 3, dédiée à saint Claude, note si3, diamètre 80 cm, poids 350 kg, coulée en 1889 par Gustave Treboux à Vevey.
-Cloche 4, dédiée à saint Joseph, note mi4, diamètre 60 cm, poids 140 kg, coulée en 1846 par Samuel Treboux à Corsier-sur-Vevey.


Les trois clochers de Bottens

La Maison de Commune est – à mon avis – le bâtiment le plus pittoresque du village. Cette construction ramassée, qui arbore la date de 1793, est surmontée d’un clocher de bois haut et étroit, dont le but était clairement de dominer les constructions avoisinantes. Il est vrai que jadis, les seuls repères temporels des villageois étaient l’horloge et la cloche publiques. La première cloche communale mentionnée à Bottens datait de 1794. Vraisemblablement fêlée, cette cloche a été refaite en 1890 par Charles Arnoux d’Estavayer-le-Lac. En 1921 fut installée l’horloge actuelle. La feuille d’information communale nous apprenait dans son numéro d’octobre 2010 que la vénérable mécanique nécessitait alors encore un remontage hebdomadaire. Cette noble mission incombait depuis 20 ans à M. Paulet Nicod, digne successeur du premier préposé mentionné dans un PV de 1822 : il a été convenu avec Joseph Longchamp pour gouverner (remonter et entretenir, ndlr) l’horloge une année. Il fournira l’huile nécessaire pour la dite horloge de même que pour la cloche et cela pour le prix de 6 francs. A la même époque, un certain Claude Dupraz sonnait midi pour un salaire annuel de deux francs et 8 Batz alors que Victorin Longchamp s’acquittait avec diligence de sonner pour le mauvais temps.

Le temple est attesté depuis 1164. Il est reconstruit entre 1711 et 1713 sur la base d’un schéma médiéval. L’édifice a d’abord été église catholique, dédiée successivement à saint Claude puis à saint Etienne. De 1475 à 1798, Bottens fait partie du bailliage commun d’Orbe et d’Echallens. La région est alors administrée en alternance (tous les cinq ans) par les Bernois (réformés) et les Fribourgeois (catholiques). Les habitants du bailliage sont privilégiés : ils disposent d’un choix relatif quant à leur religion. L’église devient alors paritaire, c’est à dire qu’elle est le lieu de culte des deux confessions. La situation demeurera inchangée jusqu’à la consécration – a XIXe siècle – de l’église catholique que nous allons découvrir ensemble.

L’église catholique Saint-Etienne est intéressante à plus d’un titre. Consacrée en 1847 par Mgr Marilley, c’est l’une des premières églises néogothiques du canton de Vaud. Henri Perregaux, qui en a dessiné les plans, est considéré comme un des architectes vaudois majeurs du XIXe siècle. On lui doit nombre d’édifices religieux comme les temples de La Sarraz et de Mont-sur-Rolle, les églises catholiques de Lausanne (basilique) et d’Assens, mais aussi des bâtiments civils comme le casino de Morges. Perregaux est avant tout considéré comme le chantre du néoclassicisme, ce qui ne l’a pas empêché de toucher avec bonheur à d’autres styles, comme ici à Bottens où l’église Saint-Etienne dresse son élégante silhouette néogothique depuis 1843.

Un mobilier liturgique expurgé – Si l’extérieur de l’église est demeuré inchangé, l’intérieur a subi de profondes modifications à partir de 1979 : suppression du grand retable et des autels latéraux, amputation de la plupart des ornements des stalles et de la chaire. Un nouveau mobilier liturgique a été réalisé dans les années 1980 par Madeline Diener, cette artiste suisse profondément pieuse à qui on doit la porte de bronze et le baptistère de l’abbaye de Saint-Maurice. Les vitraux du chœur sont  du maître-verrier fribourgeois Gaston Thévoz. Quant au tryptique de l’incarnation, il est l’œuvre du peintre biennois Louis Rivier.

Un clocher foudroyé – Le 16 juillet 1985, vers 1h du matin, la foudre frappe le clocher de l’église Saint-Etienne de Bottens. La flèche s’enflamme. En raison de la hauteur du sinistre – le coq sommital culmine à 44 mètres – le feu ne peut être éteint que le lendemain par un pompier accroché à un hélicoptère. La flèche est remplacée le 18 mars 1986 par l’entreprise Pollien de Cheseaux-sur-Lausanne au moyen d’une grue de 96 tonnes. Cette délicate opération se déroule en présence d’une foule nombreuse accourue pour l’occasion. La présence de rosaces au-dessus des baies de la chambre des cloches peut surprendre. Des cadrans d’horloge étaient-ils prévus sur les plans initiaux ? Ce n’est pas impossible. Quoi qu’il soit, à Bottens, c’est le pouvoir civil qui détient le privilège d’indiquer l’heure à la collectivité ! Seule la Maison de Commune, dont nous parlions un plus haut, possède en effet une horloge et une cloche tintée.

Deux générations de cloches veveysannes – L’incendie de 1985 n’a heureusement pas endommagé les quatre cloches de l’église Saint-Etienne de Bottens. Coulées au XIXe siècle, elles arborent toutes le patronyme de Treboux. Mais si les cloches nos 2 et 4 ont été coulées en 1846 par Samuel , les cloches nos 1 et 3 – fêlées – durent être refaites par Gustave Treboux en 1889. Les décors néoclassiques à la française des cloches de 1846 ont été remplacés par des ornementations néogothique de style germanique, alors les inscriptions pieuses sont restées les mêmes que sur les cloches originales, exception faite des noms des digitaires religieux. C’est ainsi que sur la grande cloche de 1889, Léon XIII remplace Pie IX qui était pape en 1846. Même changement pour ce qui est de l’évêque : Mgr Etienne Marilley a dû céder la place à Mgr Gaspard Mermillod.

Quelques extraits des inscriptions des quatre cloches

-Cloche 1 : Ecce crux Christi, fugite partes adversae ; Christus vincit, Christus  regnat, Christus  imperat
Christus ab omni malo plebem defendat ; Parochia catholica in Bottens
(Voici la croix du Christ ! Fuyez, vous qui êtes ses adversaires ! Christ est vainqueur, Christ règne, Christ commande, Christ préserve le peuple de tout mal. Paroisse catholique de Bottens)

-Cloche 2 : Jesu, qui, pro nobis, cruci affixus es, inimici a nobis protestatem expelle
(Jésus, qui as été cloué sur la croix pour nous, chasse loin de nous la puissance de l’Ennemi)

-Cloche 3 : Hinc flunt torrentis instar, gratiarum flumina ; Hic salus oegris paratur, flentibus solatium ; Hic laborans sublevatur ; Hic beatur indigus
(D’ici coulent comme à torrents les flots des grâces [divines] ; ici le salut se prépare pour les malades, la consolation pour ceux qui pleurent ; ici celui qui travaille est soulagé ; ici l’indigent retrouve le bonheur)

-Cloche 4 : Constituit eum Dominum domus suo et principem omnis possessionis suo
(Elle [la paroisse] l’a établi Seigneur sur sa maison et maître de tout son bien

La sonnerie a subi un accordage postérieur à sa coulée. Les cloches nos 1 et 3 ont subi un alésage. On constate aussi que les pinces des cloches 1, 3 et 4 ont été retouchées. Auguste Thybaud, le fameux accordeur de cloches vaudois, est mentionné dans la presse en 1891 pour son passage à Bottens.

Une visite des combles, accessibles par le clocher, nous a permis de constater que les anciens battants et – plus rare – les anciens paliers des cloches ont été conservés ! Ces paliers sont particulièrement intéressants : dans un encart publicitaire du 7 octobre 1882 paru dans le Courrier du Léman, Gustave Treboux vantait allègrement les mérites de son nouveau système de suspension pour la mise en branle des cloches.

Anecdote : un noctambule complètement sonné
-La Tribune de Lausanne du 19 avril 1975 relate un curieux fait divers. Une nuit, vers 2h du matin, les cloches du temple de Bottens se mettent soudainement en branle. On découvre vite que le boîtier de commande est fermé et que la clé a disparu. On force le boîtier, on arrête les cloches… mais voilà t’y pas que trois quarts d’heure plus tard, les cloches se remettent à sonner ! Un riverain note l’immatriculation d’une voiture qui roule curieusement tous feux éteints. On appréhende le plaisantin chez lui. On se rend compte qu’il est le fils d’un célèbre professeur en neurochirurgie de Lausanne . Le jeune homme reconnaît ses torts, l’affaire est classée. L’article – c’est intéressant – nous apprend que le garçon n’en est pas à sa première incivilité : quelques temps plus tôt, il a été condamné à six mois de travaux agricoles au pénitencier de Bochuz pour avoir défoncé la porte d’un garage en voulant jouer avec le klaxon de la voiture de ses rêves…

Sources (autres que mentionnées)
Archives de la maison Treboux dans « Voix de nos clochers » par le pasteur Alfred Cérésole, extrait de « Voix et souvenirs », éditions Payot, 1901 (merci aux archives de la ville de Vevey)
https://www.bottens.ch/vie-culturelle/histoire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bottens
https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/002357/2004-05-04/
https://notrehistoire.ch/entries/VJ78r034YEl
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bailliage_d%27Orbe-%C3%89challens
https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Perregaux

Quasimodo remercie
Alain Panchaud, président de paroisse
Daniel Thomas, organiste et carillonneur
Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice
Allan Picelli, sacristain à Maîche
Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers

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