Cloches – Crésuz (CH-FR) église Saint-François d’Assise

Le fondeur signait IAM

-Cloche 1 « Marguerite », note do4 +9/100, diamètre 75 cm, poids environ 250 kg, coulée en 1749, signée IAM GM.
-Cloche 2 « Françoise », note mi4 +19/100, diamètre 62 cm, poids environ 140 kg, coulée en 1668 par Jean Richenet de Vevey.

Entre lac et montagnes – L’étymologie du nom Crésuz est latine, de Cressa, Crista, élévation ou colline, ce qui cadre parfaitement avec la topographie de ce pittoresque village de montagne. Dans son Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg (volume 4, 1885) la prose du père Deillon revêt des accents de poésie : Crésuz est situé sur un monticule et dans une situation charmante : à l’est on aperçoit le beau village de Charmey, mollement assis dans une plaine, aux pieds des montagnes élevées qui l’enserrent presque de tous les côtés. Le regard plonge dans les vallées de Bellegarde et de Motélon. Au midi s’élève la masse imposante du Moléson et la verte vallée de la Gruyère. L’œil est sans cesse ébloui par le beau spectacle d’une riche nature, qui redit chaque jour la puissance, la bonté et la beauté du Créateur. Depuis 1921, Crésuz baigne dans le lac de Monstalvens. La retenue hydroélectrique qui forme ce réservoir est le premier barrage voûte européen à double courbure horizontale et verticale à avoir été édifié.

Une église incendiée après vingt ans – Les formalités pour se séparer de Broc et pour former la paroisse de Crésuz  sont accomplies de 1643 à 1645 par un enfant du village : Mgr François Beaufrère, prieur de Broc, qui offre aussi de financer la construction de l’église. Le contrat passé avec Jacques Ruffieux, maître charpentier à Fribourg, mentionne la nef, le clocher, le confessionnal, la chaire avec sa couverture, la sacristie avec sa garde-robe et les marchepieds des autels. C’est à Ruffieux qu’incombe également la démolition de la chapelle utilisée jusque là. Mgr Beaufrère décède en 1645, deux ans avant la consécration de ce nouveau lieu de culte. Il échappe ainsi au chagrin de voir « son » église ravagée par le terrible incendie de 1667. Un nouvel édifice est consacré trois ans plus tard par Mgr de Watteville. On le dote de trois magnifiques retables. Celui du chœur est consacré à saint François d’Assise, patron de la paroisse. Le retable de gauche est dédié à sainte Anne et à saint Pierre, celui de droite au Saint Nom de Jésus. Les débris de l’unique cloche sont réutilisés par le fondeur Jean Richenet. Une seconde cloche est coulée en 1749. L’église est agrandie à l’ouest en 1909.

Un fondeur qui signe IAM – Deux cloches seulement ornent le clocher et jettent leurs joyeuses mais faibles notes dans la vallée, écrit le père Deillon dans son descriptif de la sonnerie de Crésuz. C’est vrai que nous sommes à cent lieues des ensembles monumentaux qu’on rencontre habituellement dans le canton de Fribourg. Mais le contenu du clocheton ne manque pas d’intérêt. Si Pierre Dreffet et les trois générations Treboux ont coulé pour la région des dizaines de quintaux de bronze dans leur atelier de Vevey, la petite cloche de Crésuz est la seule officiellement recensée dans le canton à porter la signature de Jean Richenet, le premier fondeur mentionné dans la cité veveysanne. Deillon indique que la cloche a été réalisée en partie avec les débris de sa prédécesseure anéantie dans l’incendie de 1667. La grande cloche est encore plus spéciale… de par  son timbre, mais aussi et surtout en raison du mystérieux monogramme qui tient lieu de signature : IAM GM. GM pourrait signifier goss mich, traduction de l’allemand : m’a coulée. Ce type d’abréviation a été vu sur d’autres cloches de la région, comme la petite cloche de Marly (1741) attribuée à Joseph Klely : JK GM. Les Biens Culturels fribourgeois ont recensé la même signature sur trois autres cloches contemporaines à celle de Crésuz : deux se trouvent à la chapelle de Dürrenberg à Cormondes (1750 et 1757) la troisième est à l’église de Châtel-sur-Montsalvens (1746) village voisin de Crésuz. Pour Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, ces cloches présentent des similitudes avec la production de la dernière génération Klely. Il est à noter que Joseph Klely, le dernier fondeur de cloches issu de la famille fribourgeoise, est décédé en 1744. Nous pourrions donc avoir affaire à un disciple ou à un successeur anonyme. Ceci reste évidemment à confirmer…

Inscriptions de la grande cloche (dite « Marguerite »)
-Sur le col, le parrain et la marraine : MONSIEVR JOSEPH LE CAPITEINE NEOVILE MADAME MARGVERITE REPOND NE CHOLLET 1749
-Sur la faussure, la signature du fondeur : IAM GM.

Inscriptions de la petite cloche (dite « Françoise »)
-Sur le col : EXURGAT DEVS ET DISSIPENTVR INIMICI EJVS ET FVGIANT QUI ODERVNT EVM A FACIE INIMICI EJVS (Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dispersés ; et qu’ils fuient devant sa face, ceux qui le haïssent, Psaume 68:1)
-Sur la pince : FRANC BEAVFRERE SS. THEOLOG PROFESSOR PROTONOT APOST QVONDAM ECCLESIAE VILLAE S REMIGII DECANVS NVPER ALMAE DOMVS LOCI BROC PRIOR 1668. Cette inscription rend hommage à Mgr François Beaufrère en rappelant les différentes fonctions que ce bienfaiteur de la paroisse a exercées : professeur de théologie, protonotaire apostolique, doyen de l’église de Saint-Rémi et prieur de Broc.
-Sur la faussure, la signature du fondeur : HORS DU FEV JE SVIS SORTIE JEAN RICHENET DE VEVAY MA REFONDVE 1668. Cette inscription confirme les dires de Deillon dans son historique : la petite cloche est une refonte de sa prédécesseure.

A noter que les noms mentionnés dans la documentation de la paroisse ne figurent pas comme noms de baptême sur les cloches. On peut imaginer que la grande cloche a été surnommée « Marguerite » en raison du prénom de sa marraine. Pour ce qui est de la petite cloche, « Françoise » vient sans doute du prénom de son donateur, Mgr François Beaufrère. A moins qu’il ne fasse tout simplement allusion à saint François d’Assise, le patron de la paroisse.

Le clocher tremblait – Une importante rénovation a été menée fin 2018. Il s’agissait tout d’abord de remédier aux problèmes de statique dus au fait que le beffroi était solidaire du clocheton. Ce dernier oscillait si fort lors des volées qu’il suscitait l’inquiétude des paroissiens. Aujourd’hui, la structure qui soutient les cloches prend ses assises dans les combles et se trouve ainsi indépendante de la coquille. Les cloches ont également hérité d’un nouvel équipement : jougs, ferrures, paliers, battants et moteurs de volée. On peut constater dans la galerie ci-dessous les défauts des anciens battants.

Quasimodo remercie chaleureusement
Mecatal campaniste et son directeur Jean-Paul Schorderet.
La paroisse de Crésuz et son président Jean-Claude Papaux.
-Matthias Walter, expert-campanologue à Berne.
-Erika St Peters, historienne amateure à Pully.

Sources (autres que mentionnées)
https://www.cresuz.ch/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9suz
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_de_Montsalvens
https://www.lagruyere.ch/2018/04/cr%C3%A9suz-va-retaper-son-clocher.html

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