Cloches – Morges (CH-VD) temple réformé

Do# mi mi fa# !

-Cloche 1, note do#3 -55/100, coulée en 1821 par Louis Golay de Morges
-Cloche 2, note mi3 -26/100, coulée en 1645 par Michel Jolly et Nicolas Humbert, saintiers lorrains
-Cloche 3, note mi3 -37/100,  coulée en 1774 par Jean-Daniel Dreffet de Coppet établi à Genève
-Cloche 4, note fa#3 -32/100, coulée en 1778 par Jean-Daniel Dreffet de Coppet établi à Genève
(la3 = 435Hz, déviation en 1/100 de 1/2ton)

Le temple de Morges compte parmi les plus imposants et les plus beaux édifices baroques tardifs de Suisse romande avec le temple Pestalozzi d’Yverdon-les-Bains et l’église Saint-Laurent de Lausanne. Ces trois édifices ont la particularité de combiner à divers degrés des éléments architecturaux baroques et classiques. La construction du temple de Morges débute en 1769 sur des plans de l’architecte bernois Erasme Ritter. Mais en 1771, le clocher, plus imposant que sur les plans, s’affaisse, provoquant d’importants dégâts à la façade arrondie. On peut déplorer la perte d’une intéressante exception architecturale dans la région. Le chantier est poursuivi par le lausannois Rodolphe de Crousaz et le lyonnais Léonard Roux, membre associé de l’académie royale d’architecture et de l’académie de Lyon. Une nouvelle façade et un nouveau clocher sont érigés, ils reprennent avec goût les éléments sculptés de la précédente construction. La dédicace du temple a enfin lieu en 1776. Un an plus tard à peine, la tribune est réaménagée pour accueillir l’orgue. Le portail sud est réalisé en 1885. La chaire élaborée en 1786 est transformée en 1895. Les seuls vitraux sont ceux du chœur. Représentant les réformateurs Pierre Viret et Ulrich Zwingli, ils ont été confectionnés en 1896 par Wehrli de Zurich. L’orgue est un instrument Kuhn de 1951 occupant un buffet de 1896. Le buffet historique de 1778 est exposé au musée suisse de l’orgue à Roche. La table de communion (1634) et certains éléments des stalles proviennent de l’ancienne église, attestée dès 1306, et dont le chœur est reconstruit en 1508. Morges devient réformé en 1536.

Deux cloches égrenant la même note ! On peut s’étonner qu’Auguste Thybaud, l’infatigable accordeur de cloches vaudois, ne se soit pas manifesté ici. Cette particularité musicale pourrait suffire à elle seule à attirer l’attention du campanophile sur la sonnerie du temple de Morges. Ce n’est pourtant de loin pas le seul attrait de ces quatre cloches. La plus ancienne (cloche no2) est antérieure au temple. Elle a été coulée en 1645 par deux fondeurs originaires du Bassigny. Et là encore, l’attention du passionné s’éveille ! Cette région de Champagne-Ardenne n’est-elle pas réputée pour avoir engendré les meilleures lignées de saintiers ? Michel Jolly et Nicolas Humbert – car c’est d’eux qu’il s’agit – figurent dans de nombreux inventaires réalisés en Suisse romande. Certaines de leurs cloches ont hélas disparu. On pense notamment à l' »Accord » de la cathédrale de Genève, coulé en 1678 et refondu par Samuel Treboux de Vevey en 1845 (actuelle cloche no2 de Saint-Pierre). Heureusement que la magnifique cloche « Cloche des Trois Heures », coulée en 1674 pour la cathédrale de Lausanne nous est parvenue. Confectionnée par Michel Jolly et le Veveysan Jean Richenet, ce fruit d’une collaboration unique a été déplacé en 1898 à l’église Saint-François. Le clocher du temple de Morges renferme aussi deux cloches réalisées en 1774 et 1778 par Jean-Daniel Dreffet (1746-1817). Ce fondeur originaire de Coppet établi à Genève a essentiellement travaillé pour le canton de Vaud. Sa plus importante réalisation, une cloche de 1’200kg coulée en 1784, sonne toujours dans le clocher du temple de Baulmes. Jean-Daniel Dreffet  semble être le cousin germain de Pierre Dreffet (1752-1835) lui aussi fondeur de cloches, mais établi à Vevey. Cet inventaire du clocher du temple de Morges ne serait pas complet sans la grande cloche, coulée en 1821 par Louis Golay. Le fondeur local n’a eu qu’une production campanaire confidentielle si on le compare à son concurrent veveysan de l’époque. Il est toutefois intéressant de noter que des cloches Golay ont été recensées par le carillonneur savoyard Antoine Cordoba dans les clochers de Thollon et de Neuvecelle. Dans le canton de Vaud, on se souviendra longtemps encore de Louis Golay comme le constructeur de cette fameuse pompe à incendie qui sauva la cathédrale de Lausanne d’une destruction certaine en 1825. Deux mots enfin des cloches qui précédèrent celles qui chatouillent aujourd’hui les oreilles des Morgiens. La Revue Historique Vaudoise mentionne dans son édition de 1928 une cloche d’environ trente quintaux (1’500kg, ndlr) coulée en 1602 par Pierre Guillet de Romont avec le bronze de deux cloches plus petites. Il est également écrit qu’un certain Pierre Belfraire, serrurier à Romont, fut chargé de refaire les ferrures d’une autre cloche. Aucune des deux cloches mentionnées ne nous est parvenue. Le lanternon renferme encore deux petites cloches, vraisemblablement utilisées autrefois pour l’horloge. Leur accès est prohibé.

Les quatre cloches portent toutes des ornements et des inscriptions extrêmement soignés
-Cloche 1, tout au bas de la robe : AUJOURD’HUI QUE VOUS ENTENDEZ MA VOIX N’ENDURCISSEZ PAS VOS COEURS PROSTERNEZ-VOUS ET FLECHISSEZ LE GENOU DEVANT CELUI QUI VOUS A FAIT. La cloche porte aussi la signature de son fondeur dans un cartouche entouré de flammèches, d’angelots et de fleurs en bouquets FAIT PAR LOUIS GOLAY MAITRE FONDEUR A MORGES 1821. Figurent encore les armoiries de la ville et – au verso, sur la quasi-hauteur de la robe : MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL Samuel GUEX syndic – A Louis DAPPLES – Samuel RENEVIER – Samuel MURET – Daniel BOURGEOIS – Abraham HUGONET – A Louis DEPETRA – J Henri WARNERY – Benjamin JAIN – François FOREL – J L E Henri MONOD – Emanuel WARNERY – Samuel GLAIRE – Samuel PACHE secrétaire – Benjamin DELLIENI inspecteur.
-Cloche 2, sur le col : PAR TA BONTE NON PAREILLE ENTRE PLUS AVANT AU COEUR QUE MON SON DEDANS L’OREILLE. Figure aussi, aux deux tiers de la robe, le nom – vraisemblablement – du donateur : SIEUR JEAN PAUL (… nom de famille caché par le marteau…) Mre CHIRURGIEN GOUVERNEUR 1645. Les anses, typiquement baroques, portent de superbes mascarons représentent des visages masculin affichant diverses émotions (rire, frayeur, colère)
-Cloches 3 et 4 : elles sont nettement moins bavardes en texte, mais de facture tout aussi soignée avec leurs frises de flammèches baroques. Toutes deux portent la signature de leur fondeur dans un cartouche entouré d’une cordelette et cerné de têtes d’angelots. On peut lire, pour la cloche 3 : FAITE PAR JEAN-DANIEL DREFFET MAITRE FONDEUR DE COPPET 1774. Variante – et c’est intéressant – pour la cloche 4, datée de 1778: GENEVE remplace COPPET !

Duo virtuel des deux cloches en mi. Arrive d’abord la cloche de 1645, rejointe quelques secondes plus tard par la cloche de 1774. On remarque bien la sonorité relativement classique de la première et les partiels baroques (prime très haute) de la seconde.

Les quatre cloches sont accrochées à leurs jougs en bois d’origine. La grande cloche est équipée en super-lancé, mode de volée plutôt rare dans la région. Bien que considérée comme cloche no2 dans l’ordonnance de sonnerie, la cloche de 1645 est légèrement plus aiguë que la cloche numérotée en 3. Son profil est par contre nettement plus lourd. Le clocher renferme encore une horloge mécanique Baer de Sumiswald datée de 1943 modifiée pour la synchronisation horaire par la maison Muri. Les quarts sont frappés sur les cloches 4 et 2, l’heure est tintée sur la grande cloche.

Quasimodo remercie chaleureusement :
Yves-Marc André, responsable des bâtiments de la ville de Morges
Marc Binggeli, chef de service
Jacques-André Henri, président du conseil paroissial Morges-Echichens
Giovanni Di Giacomo, concierge.
Merci aussi à mes excellents amis campanaires Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice, et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.
Merci enfin à Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, président de la GCCS, pour les précieux renseigements complémentaires.

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temple_de_Morges
https://cloches74.com/
http://gtell.over-blog.org/article-la-fonderie-deux-cents-ans-de-vie-et-d-histoire-vaudoises-122109867.html
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1897-11-6-1/
Les fondeurs de nos cloches, Alfred Chapuis et Léon Montandon, extrait de la Revue Neuchâteloise, 1923
Les cloches du canton de Genève, A. Cahorn, 1921
Nos vieilles cloches, extrait de la Revue Historique Vaudoise, 1928
Panneaux d’information rédigés par la section monuments et site du canton de Vaud

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