Cloches – Treyvaux (CH-FR) église Saints-Pierre-et-Paul

Les fondeurs franc-comtois en force !

-Cloche 1, dédiée à saints Pierre et Paul, note si bémol 2 +30/100, diamètre 177.5cm, poids 3’250kg (mentionné sur la cloche) coulée en 1871 par François-Joseph Bournez cadet de Morteau à Estavayer-le-Lac.
-Cloche 2, note ré3 -17/100, diamètre 141.5cm, poids (selon archives) environ 1’750kg, coulée en 1642 par Jacob Kugler et Hans-Christoph Klely de Fribourg.
-Cloche 3, note fa3 -4/100, diamètre 116cm, poids (selon campaniste) 900kg, coulée en 1766 par Antoine Livremont de Pontarlier.
-Cloche 4, dédiée à sainte Anne, note si bémol 3 -26/100, diamètre 84.5cm, poids (selon campaniste) 380kg, coulée en 1900 par Charles Arnoux à Estavayer-le-Lac.

(la3 =435Hz)

De Sainte-Marie à Saints-Pierre-et-Paul – Tribus Vallibus en 1169, puis Tresvaux, Tresvel, Trevaux, pour aboutir finalement à l’orthographe actuelle de Treyvaux en 1453. Notre présentation du jour nous emmène dans une commune fribourgeoise d’environ 1’500 habitants, dont le territoire vallonné monte des rives de la rivière Sarine jusque sur les pentes du mont Cousimbert, ce qui représente un beau dénivelé de 750 mètres. Le passage d’une importante voie romaine profita au développement du lieu. La paroisse de Treyvaux semble être une des plus anciennes du pays. Les fouilles, menées dans le cadre de la restauration de l’antique église, confirment qu’elle remonte au second royaume de Bourgogne, autrement dit à partir du Xe siècle. De cette époque nous est parvenue l’église Vers-Saint-Pierre, située en contrebas du village, et qui fera l’objet d’une présentation ultérieure. Nous allons nous intéresser aujourd’hui à l’église Saints-Pierre-et-Paul, située au centre de localité. Un sanctuaire dédiée à Sainte-Marie est mentionné en 1291, mais il semble remonter à une époque plus ancienne. La visite épiscopale de 1417 évoque une église paroissiale bien ornée avec tous les objets propres aux sacrements. Les visiteurs ordonnent toutefois, sous peine d’excommunication, d’amener une cloche de l’église Saint-Pierre à l’église Sainte-Marie. Les archives mentionnent trois cloches coulées au XVIIe siècle : la plus petite, en 1660, d’un poids de 685 livres, coûta 246 écus bons et 3 écus blancs. La moyenne, pesant 13 quintaux (650kg) revint en 1630 à 494 écus. La plus grande, donnée à 35 quintaux (1’750 kilos), fut coulée en 1642 pour le prix de 700 écus. Cette cloche est la seule à nous être parvenue. L’église actuelle, dédiée à Saints-Pierre-et-Paul, est consacrée par Mgr Etienne Marilley le 9 septembre 1873. Le dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg ne tarit pas d’éloges au sujet du nouveau sanctuaire : Le maitre-autel en marbre, fin, exécuté avec goût, un des plus beaux du canton, est l’œuvre de M. Jean Christinaz, à Fribourg ; la table de communion, de M. Torriani, à Bulle. L’église possède une très belle sonnerie — la grande cloche est d’un moelleux fini — des orgues et tout ce qui est nécessaire et utile pour rehausser le culte divin. L’historien Jacques Jenny relate enfin cette anecdote : en 1830, malgré un règlement du 14 août 1813 interdisant de sonner les cloches durant l’orage, un jeune homme fut tué par la foudre entre ses deux frères, alors qu’on sonnait les cloches. Cette anecdote tragique nous rappelle qu’on prêtait aux cloches des vertus telles que l’éloignement des intempéries. La coutume d’une cloche sonnée quand arrive l’orage est toujours perpétuée par endroits (par exemple à Bösingen) mais aujourd’hui, cette sonnerie est généralement motorisée.

 

Les fondeurs franc-comtois à Fribourg – Comme c’est souvent le cas dans le canton de Fribourg – et c’est ce qui fait toute la saveur du patrimoine campanaire de la région – la sonnerie est hétérogène. A chacune des quatre cloches son siècle, son fondeur et sa provenance. On peut toutefois affirmer que c’est l’artisanat franc-comtois qui est présent en force dans le clocher de Treyvaux. Seule la cloche no2, co-signée Kugler et Klely, est en effet l’œuvre de fondeurs fribourgeois. La cloche no3 porte le tampon d’Antoine Livremont de Pontarlier. Le bourdon fut réalisé dans son atelier provisoire d’Estavayer-le-Lac par François-Joseph Bournez cadet de Morteau. La petite cloche a elle aussi vu le jour dans la cité staviacoise sous les mains d’un autre mortuacien d’origine : Charles Arnoux, ancien contremaître de la maison Bournez. Selon l’inventaire des Biens Culturels fribourgeois, cette petite cloche Arnoux est la refonte d’une cloche Bournez du même gabarit, coulée en même temps que le bourdon, et probablement fêlée par la suite. La sonnerie fut motorisée (système Bochud)  en 1957 par la maison Matthey-Doret de Neuchâtel. De cette époque datent aussi les jougs métalliques des cloches 1-2-3 (la cloche 4 a reçu à nouveau un joug en bois il y a peu) et l’horloge électro-mécanique Mamias, aujourd’hui désaffectée. Cette horloge a succédé à un mouvement 100% mécanique signé Prêtre père & fils à Rosureux (revoici la Franche-Comté). Les deux anciens mouvements sont entreposés aujourd’hui respectivement dans le clocher et dans les combles de l’église.

 

La cloche no 1 (bourdon, note si bémol 2)
De style néo-classique, cette cloche arbore les effigies de saint Pierre et de saint Paul, de même que la Vierge de l’Immaculée Conception. Sur le col, on peut lire cette inscription latine : TE DEUM LAUDAMUS VOX DOMINI INVIRTUTE, VOX DOMINI IN MAGNIFICENTIA, ET IN TEMPLO EJUSOMNES DICENT GLORIAM, Ps XXVIII. NOMEN HABEO S S. PETRI ET PAULI. Sont encore mentionnés : le pape Pie IX, Mgr l’Evêque Etienne Marilley, M. le curé  de Treyvaux Joseph-Félix Frossard, M. le curé de Dompierre et architecte de l’église Jean-Alexandre Menoud et M. le président de paroisse Kolly. Mention  du parrain Jean-Pierre Chassot, vicaire général, et de sa soeur, la marraine Marie Chassot. La marque du fondeur, enfin : J’AI ETE FONDUE A ESTAVAYER PAR FRANCOIS-JOSEPH BOURNEZ DE MORTEAU, JE PESE 3250K. La note un peu haute du bourdon par rapport aux autres cloches donne un caractère particulier à la sonnerie.

 

La cloche no2 (note ré3)
De facture baroque, cette cloche présente un calvaire et les effigies de saint Nicolas, saint François d’Assise et saint Pierre.On peut lire sur son col : IN WALLEM IOSAPHAT CVNCTOS TUBA MOESTA VOCABIT. HUC EGO TRES VALLES. AT LOCA SACRA VOCO. ANNO DOMINI.M.DC.XLII. SP. SP. O. Le donateur et parrain est Tobie de Gottrau, qui a été – entre autres – membre du Petit Conseil de Fribourg et seigneur de la Riedera, dont il a fait construire le château qui existe aujourd’hui encore. La marraine est Françoise Colly, épouse de Pierre. Le curé est Pierre Bastard (originaire de la Tour-de-Trême. La signature indique GEGOSSEN DURCH IACOB KUGLER UND HANS CHRISTOFF KLELI. Elle arbore une pièce de monnaie fribourgeoise de la première moitié du XVIIe siècle.

 

La cloche no3 (note fa3)
De style baroque, la cloche est ornée des effigies de saint Pierre, de saint Nicolas de Myre et de la Vierge à l’Enfant. On retrouve une nouvelle fois des inscriptions latines sur le col : CHRISTUS VINCIT CHRISTUS REGNAT CHRISTUS IMPERAT CHRISTUS AB OMNI MALO FULGURE ET TEMPESTATE NOS LIBERET. Figurent ensuite les noms du curé Jean-Henri Rudaz (orthographié ici à l’allemande : Rudach), du parrain Jacques Sciboz et de la marraine Marie Schorderet. La signature figure dans l’habituel cartouche du fondeur franc-comtois où deux anges entourent les lettres FAITE PAR A LIVREMON DE PONTARLIER. En dessous, on trouve la date de 1766.

 

La cloche no4 (note si bémol 3)
De style néo-classique, cette petite cloche ressemble beaucoup au bourdon par ses ornements, surtout pour ce qui est des mascarons sur les anses et des festons sur la partie supérieure du vase. Les figures sacrées sont ici le Sacré-Coeur et la Vierge de l’Immaculée Conception. Les inscriptions latine sur le col sont NOMEN HABEO St ANNAE AB OMNI MALO A FULGURE ET TEMPESTATE LIBERA NOS DOMINE. Figurent le parrain Rodolphe de Gottrau, propriétaire du domaine de Riedera (la cloche no2 évoquait déjà la même famille patricienne) et la marraine Anne Bielmann. Retrouvailles aussi avec M. le curé (Joseph-) Félix Frossard qui fut en charge de la paroisse de 1853 à 1899. Parlons enfin le cartouche de l’artisan : CH. ARNOUX / FONDEUR / ESTAVAYER orné d’une cloche et de deux médaillons HONNEUR AU TRAVAIL et EXPOSITION INDUSTRIELLE CANTON(ale) 1892.

 

Quasimodo remercie :
Murielle Sturny, présidente du Conseil de paroisse de Treyvaux-Essert, pour son chaleureux accueil et la documentation aimablement fournie.
Allan Picelli, sacristain à Maîche, et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers, pour leur aide précieuse lors du tournage vidéo.

Sources :
Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg volume 11, Père Apollinaire Deillon et Abbé François Porchel, éditions Saint-Paul, 1901.
Inventaire du mobilier liturgique réalisé par les Biens Culturels fribourgeois en 1988.
Notice historique de la commune de Treyvaux, par Jacques Jenny.
Le patrimoine campanaire fribourgeois, éditions Pro Fribourg 2012.
https://www.treyvaux.ch/La-commune/Historique
https://www.paroisse.ch/?id=115#153
https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_d%27Arles
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F15002.php
http://www.diesbach.com/sghcf/g/gottrau.html

Cette présentation est dédiée à la mémoire de M. Robert Tinguely qui a oeuvré durant plus de 30 ans pour la paroisse, d’abord comme conseiller, puis comme sacristain. M Tinguely m’a gentiment accueilli lors de ma première visite à l’église Saints-Pierre-et-Paul de Treyvaux le 22 janvier 2010. J’avais alors pris cette photo à sa demande afin qu’il puisse montrer « son » bourdon à ses petits-enfants. RIP.

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