Cloches – Payerne (CH-VD) l’Abbatiale et l’église paroissiale réformée

Les cloches de la plus grande église romane de Suisse et de sa voisine gothique dans un même ensemble campanaire

-Cloche 1 (Abbatiale), note si2 +34/100, diamètre 170cm, coulée en 1603 par Pierre Guillet de Romont
-Cloche 2 (Abbatiale), note ré3 +22/100, diamètre 135cm, coulée en 1577 par Franz Sermund de Bormio établi à Berne
-Cloche 3 (église paroissiale), note fa#3 +3/100, coulée en 1510
-Cloche 4 (Abbatiale), note si3 +86/100, diamètre 70cm, coulée en 1577 par Franz Sermund de Bormio établi à Berne

L’Abbatiale de Payerne est la plus grande église romane de Suisse. Ce somptueux édifice se dresse sur l’emplacement d’une villa romaine. Le premier édifice chrétien en ces lieux fut une chapelle dédiée à la Vierge consacrée en 587. Une église monastique l’a remplacée probablement au entre le VIIIe et le Xe siècle. La construction de l’actuelle église abbatiale a débuté vers le milieu du XIe siècle. La taille imposante de l’édifice s’explique par le fait que la vie religieuse était alors d’une grande ferveur à Payerne. Peut-être sous l’impulsion de Berthe de Souabe – la fameuse reine Berthe – mais surtout grâce à sa fille Adélaïde, épouse de l’empereur Othon Ier, la communauté se voit rattachée au grand monastère bénédictin de Cluny, en France. En 1536, les Bernois envahissent le Pays-de-Vaud et Payerne devient réformé. Les bâtiments abbatiaux sont pour la plupart remplacés au fil des ans, même si le plan du cloître est plus moins conservé. L’église, elle, devient tout à tour grenier à grain, cantonnement militaire, prison et local des pompes. Il est également établi que le fondeur Jean Richenet y a coulé des cloches pendant deux ans au moins avant de s’établir à Vevey en 1646. En témoigne la petite cloche de l’école, aujourd’hui déposée. Ce n’est qu’à la toute fin du XIXe siècle, à la faveur du mouvement romantique, qu’on prend conscience de l’intérêt de ce patrimoine. Le 14 septembre 1892, le professeur zurichois d’histoire de l’art Johann-Rudolf Rahn tient à Payerne un discours qui sera déterminant pour l’avenir de l’église abbatiale. Il la qualifie de monument voûté de style roman le plus grandiose de Suisse. Le site devient alors le théâtre de fouilles et de restaurations successives tout au long du XXe siècle. D’importants travaux de consolidation ont été menés dès les années 20100. Des tirants, invisibles aux yeux des visiteurs, ont été forés à l’intérieur des murs afin d’en assurer la stabilité. Au moment où cet article est rédigé, la réfection en est à la phase intérieure de l’édifice. Elle devrait se terminer courant 2020.

A l’est de l’Abbatiale, à quelques dizaines de mètres, se dresse l’église paroissiale de Payerne. Egalement dédié à Notre-Dame, tout comme l’Abbatiale, cet intéressant édifice gothique présente un plan plus simple : choeur quadrangulaire, transept non saillant et plafond plat de bois. Il servait les habitants de la ville alors que l’Abbatiale était réservée aux moines. L’église paroissiale abrite depuis le XIXe siècle le tombeau de la reine Berthe : ses prétendus ossements que l’on a cru retrouver dans l’avant-nef de l’Abbatiale qui servait alors de prison, ont été déplacés en grandes pompe dans l’église paroissiale. L’usage populaire veut également qu’y était conservée la selle de la reine qui présentait la particularité d’avoir une ouverture sur l’un des côtés permettant d’y glisser le bâton d’une quenouille. Le temple dispose d’un magnifique orgue Melchior Grob de 1784. Deux cents tuyaux d’époque subsistent aujourd’hui encore. Signalons que l’abbatiale voisine a reçu en 1999 un orgue Ahrend de conception italienne. Les orgues de Payerne possèdent la particularité d’être accordés sur… les cloches ! Le diapason payernois est ainsi un la3 de 422Hz.

Les cloches de l’abbatiale et de l’église paroissiale forment un seul et même ensemble campanaire depuis les travaux d’accordage menés par Auguste Thybaud. Avant 1895, les trois cloches du clocher abbatial donnaient les notes si2, ré3 et si bémol 3. La cloche du temple, elle, sonnait en mi3. La petite cloche en si bémol fut limée à la pince de manière à faire monter sa note. L’accordage ne fut pas exécuté avec une grande précision : la note est aujourd’hui plus proche du do4 ! A noter que cette cloche n’a rejoint le clocher abbatial qu’en 1784 : elle avait été coulée pour une des portes de la ville aujourd’hui disparue (tour de Berne). La cloche de l’église paroissiale, fondue en 1708 par Gédéon Guillebert de Neuchâtel, fut revendue à Mézières (VD). C’est aujourd’hui la plus grande cloche de ce temple du Jorat. L’actuelle cloche en fa#3 de Payerne provient du temple d’Aubonne. Cette belle cloche gothique de 1510 possède des traces d’alésage intérieur qui nous indiquent que sa note a été abaissée, sans doute d’un demi-ton.

Détails des cloches
-Cloche 1 (Abbatiale) : Aujourd’hui, si vous oyez la Voix de Dieu, n’endurcissez pas vos cœurs comme vos pères dans le désert. La cloche arbore aussi Dieu conduit sous les armoiries de Payerne. On peut y lire le nom de Joseph Gaillet avoyer de Payerne et de Jean Bondy, banderet de Payerne. La signature du fondeur consiste en un cartouche entouré de trois anges entourant PETRUS GUILLET ROTOMOTANUS ME FECIT. Une des anses s’étant rompue, la cloche a été percée en son cerveau pour assurer une meilleure fixation au joug.
-Cloche 2 (Abbatiale) : « Cloche des heures » Seigneur, fais-moi ouïr Ta bénignité, car nous nous assurons en Toi, PS 143. Cette cloche sonne tous les jours à midi et 20h.
-Cloche 3 (église paroissiale) : « Cloche des morts », elle sonne pour les cérémonies funèbres.
-Cloche 4 (Abbatiale) : « Cloche du feu » Dieu seul sage, honneur et gloire et Payerne a ses dépens me fayet en l’an 1577.
-Ancienne cloche de l’école, déposée : IGNE SONUES PERIIT. REDIIT RENOVATUS EODEM 1646 (le son a péri, il est revenu par le même feu en 1646, allusion à l’incendie de 1646). TOBIE BANQUETA, Banderet de Payerne, 1646. JAN RICHENET de Payerne m’a fondue

Quasimodo remercie :
Julia Taramarcaz, conservatrice du musée de l’Abbatiale de Payerne, pour son chaleureux accueil et sa disponibilité.
Benoît Zimmermann, organiste titulaire, pour le magnifique récital d’orgue et les explications fournies.
… ainsi que mes amis Pascal Krafft, expert campanologue à Ferrette (prise de son) et Allan Picelli, sacristain à Maîche (plans vidéo mobiles, certaines photos)

Sources :
La musique dans le canton de Vaud au XIXe siècle, Jacques Burdet, Payot 1971
http://www.abbatiale-payerne.ch/abbatiale/historique/
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_r%C3%A9form%C3%A9e_Notre-Dame_de_Payerne
http://www.mepayerne.ch/index.php?option=com_content&task=category&sectionid=4&id=36&Itemid=27
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1540-11-6-1/

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