Cloches – Baulmes (CH-VD) temple

Une cloche baroque genevoise et un bourdon champenois dans ce clocher vaudois

Site clunisien, le temple vaudois de Baulmes dispose d’une sonnerie monumentale de quatre cloches en si bémol 2. Le bourdon, coulé par une fonderie champenoise au XIXe siècle, côtoie une cloche gothique du XVe siècle et une cloche baroque genevoise de fort belle facture.

Une église fortement remaniée – Le temple de Baulmes – ancienne église paroissiale dédiée Saint-Pierre – fait partie des nombreux sites clunisiens recensés dans le canton de Vaud et dans toute l’Europe. Certaines parties de l’édifice, profondément remanié au fil des époques, semblent remonter au XIIIe siècle. L’église faisait alors partie d’un complexe monastique fondé en 627, dédié à Marie et allié dès 1294 au prieuré de Payerne. Malgré cette filiation, les bâtiments se dégradent au XVe siècle. C’est donc un prieuré très diminué qui est supprimé par les Bernois lors de la Réforme de 1536. Disparaît à ce moment la chapelle consacrée à Marie-Madeleine. Il ne reste plus de traces non plus de l’église prieurale dédiée à la Vierge Marie. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire les inscriptions du bourdon, l’église paroissiale n’a pas remplacé l’église du prieuré : l’une et l’autre ont coexisté, vraisemblablement jusqu’à la Réforme. Les siècles suivants ont vu la disparition des voûtes et du chœur, puis un agrandissement côté ouest pour l’ajout de l’orgue. Cet instrument, construit par Walcker en 1871, est le quatrième du canton par ordre d’ancienneté. Un relevage a été effectué par Kuhn en 1981. La base du clocher, dont les murs sont épais de plusieurs mètres, de même que les imposants contreforts, donnent à penser que la tour fut jadis beaucoup plus élevée. Une fonction défensive n’est pas exclue, aux vues de sa situation stratégique. L’imposante sonnerie – une des plus lourdes du canton – est riche d’histoire.

-Cloche 1 « bourdon », note si  bémol 2 -30/100, diamètre 175cm, poids 3’037kg, coulée en 1891 par Paintandre frères à Vitry-le-François (F-51)
-Cloche 2 « Crétaz » ou jadis « Grosse Cloche », note ré3 +1/100, diamètre 140cm, poids 1’209kg, coulée en 1784 par Jean-Daniel Dreffet de Genève
-Cloche 3, cloche de midi et du couvre-feu (22h), note fa3 -42/100, diamètre 115cm, poids 869kg, coulée en 1891 par Paintandre frères à Vitry-le-François (F-51)
-Cloche 4, dédiée à Saint Pierre, note sol3 +35/100, diamètre 110cm, poids 560kg, datée de 1494

La plus petite cloche (no4) porte sur son col les inscriptions suivantes (en latin) Christ vainc, Christ règne, Christ gouverne, Christ nous défend de tout mal. Jésus. Marie. 1494. Saint-Pierre, priez pour nous. Au-dessous se trouvent quatre médaillons rectangulaires, dont deux représentent la Vierge à l’Enfant, et les deux autres l’Ecce Homo, c’est-à-dire le Christ accompagné des instruments de la Passion. Enfin, sur deux des faces de la cloche figure un crucifix posé sur deux degrés, le tout formé de branches de rosier. Des décors très soignés pour cette cloche gothique fortement burinée en 1891 afin de l’harmoniser avec la nouvelle sonnerie : de 611kg, son poids a en effet été ramené à 560kg. Cette petite cloche devait initialement être refondue. Son âge vénérable lui a par bonheur permis d’être conservée, même si son caractère historique n’est plus tout à fait le même.

L’actuelle cloche no2 portait jusqu’en 1891 le nom de « Grosse Cloche ». On la surnomme aussi « Crétaz » comme la forêt toute proche. C’est elle qui donne aujourd’hui de la voix pour les cérémonies funèbres. Ses inscriptions sont les suivantes : Je suis un instrument qui t’appelle au chemin de la Vie Eternelle. Que donc mon son te fasse souvenir que les morts entendront à l’avenir, le grand son de la trompette de Dieu qui sonnera haut et clair en tous lieux, pour nous assembler au Jugement du Fils de Dieu à son avènement. J’appartiens à la communauté de Baulmes, qui avons pour nos armes l’étendard de Jésus-Christ, le Redempteur, le Rio (sic) des Rois et des Croyants, le Sauveur. Abraham-Francois Jaccaud, lieutenant et Juge. Francois-David Eternod, secrétaire, Louis Perusset, gouverneur en 1784. Vient alors une ligne burinée, puis ces derniers mots :  bourgeois de Baulmes, ci-devant bourgeois de Genève présentement domicilié. Des ornements soignés complètent ces inscriptions : La Vierge à l’Enfant sur un trophée d’armes et de drapeaux, un étendard, une corbeille fleurie, un lézard (plus vrai que nature, il s’agit certainement de l’empreinte d’un authentique animal). On note enfin le cartouche du fondeur, réalisé dans le style Louis XV, soutenu par trois têtes d’anges ailés. La signature est rédigée en ces termes : Faite par Jean-Daniel Dreffet Maître-fondeur à Genève, 1784. Il s’agirait de la plus grande cloche toujours existante de cet artisan originaire de Coppet.

Les cloches no1 et 3 furent coulées en 1891 par les frères Paintandre de Vitry-le-François (France, département de la Marne). Leur réalisation marque le point de départ d’une fructueuse collaboration entre la fonderie champenoise et un certain Auguste Thybaud, auto-proclamé accordeur de cloches. Les archives communales de cette année nous apprennent que la fonderie Treboux de Vevey était également en lice pour compléter la sonnerie. Le bourdon, l’une des plus grosses cloches du canton de Vaud, porte les inscriptions suivantes : Venez, montons à la maison de l’Eternel, à la maison du Dieu Vivant, afin qu’il nous instruise de ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers (Ésaïe, ch. II, v. 3). La voix des envoyés de Dieu est scellée par toute la terre, et leurs paroles, jusqu’aux extrémités du monde (Rom., ch. X, v. 18). Puis cette notice qui se veut historique : Je rappelle pour les générations futures que l’église paroissiale actuelle a été fondée au XIe siècle et dédiée à St-Pierre. Elle a remplacé celle de Sainte Marie, qui avait été construite en bois vers 667. L’église a dû être restaurée à diverses époques. En 1404 fut fondue une cloche qui existe encore. La Réformation fut introduite par un édit de Berne en 1537. En 1821, l’église fut réparée, et la partie principale, soit le chœur, démolie. Enfin, en 1870, elle a été agrandie et restaurée. II y a été placé des orgues. On se rend bien compte de la véracité plus que douteuse de cette notice (date de la petite cloche, le soi-disant remplacement de l’église prieurale par l’église paroissiale…) Les inscriptions de la cloche no3 (cloche de midi et du couvre-feu) sont moins sujettes à controverse : J’ai été fondue de même que ma grande sœur, dite bourdon, le 10 juin 1891, à Vitry-le-Fcois en France, par décision du Conseil Communal du 31 Xbre 1890, sonnée pour la premiere fois le 24 juillet 1891. Nous avons concouru, ainsi que mes deux sœurs ainées, à la célébration du 6me centenaire de la Confédération suisse le 1er août 1891. Dieu veuille conserver à notre chère patrie les faveurs dont elle jouit jusqu’à présent. Cette inscription biblique encore : Venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous donnerai du repos. Ces deux cloches portent pour seuls ornements les armoiries de la commune, du canton et de la Confédération.

Avant 1891, la sonnerie se composait de trois cloches donnant les notes ré – sol – la bémol. Nous avions donc – en plus de l’actuelle cloche en ré à laquelle on n’a pas touché – la petite cloche dont la tonalité a été abaissée d’un demi-ton, et une cloche moyenne en sol coulée en 1824 par Borle, Borel et Cavin à Couvet. Cette dernière cloche a failli un temps prendre le chemin de la Tour de l’Horloge pour remplacer la cloche fêlée, mais elle était trop grosse pour entrer dans le clocheton. Une nouvelle cloche civile fut finalement commandée à Samuel Treboux en 1863. L’agrandissement de la sonnerie du temple prévoyait d’abord de conserver uniquement la cloche en ré et de couler deux cloches neuves de 2’000 et de 1’000kg en réutilisant le métal des deux petites cloches du XVe et du XIXe siècle. Finalement, il a été choisi de conserver la cloche de 1494 pour sa valeur historique et d’étendre la sonnerie à quatre voix avec l’ajout d’un bourdon.

Mes plus vifs remerciements – pour son aimable autorisation et sa disponibilité – à M. Jacques-Yves Deriaz, Municipal en charge des bâtiments, de la police des constructions et des écoles de Baulmes. Merci également, pour leur aide précieuse, à mes excellents camarades campanaires Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice et à Taninges ; et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources :
Les cloches de Baulmes, Franz-Raoul Campiche, extrait de la Revue Historique Vaudoise vol 30 (1922)
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F2529.php
http://www.baulmes.ch/fr/46/eglise-paroissiale
https://fr.wikipedia.org/wiki/Baulmes#L.27.C3.A9glise_paroissiale
http://www.orgelbau.ch/site/index.cfm?fuseaction=orgelbau.orgelportrait&laufnummer=800570&id_art=4438&vsprache=FR

A consulter aussi :
http://baulmesrances.eerv.ch/

Je dédie cet article à mon papa, qui fut le premier à m’accompagner dans le clocher de Baulmes (mon tout premier clocher) alors que j’avais 7 ans, et qui continue aujourd’hui encore à m’encourager dans mes activités campanaires.

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