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Cloches – Unterkulm (CH-AG) église réformée

Une cloche gothique et une horloge du XVIème siècle

-Cloche 1, note ré bémol 3, diamètre 144cm, poids 1’831kg, coulée en 1861 par Ruetschi (Emmanuel, 2e génération) à Aarau.
-Cloche 2, note fa 3, diamètre 121 cm, poids 1’122kg, attribuée à Hans Füssli de Zurich.
-Cloche 3, note la bémol 3, diamètre 97cm, poids 552kg, coulée en 1861 par Ruetschi (Emmanuel, 2e génération) à Aarau.
-Cloche 4, note si bémol 3, diamètre 88cm, poids 382kg, coulée en 1974 par Ruetschi (société anonyme) à Aarau.
-Cloche 5, note ré bémol 4, diamètre 70cm, poids 225kg, coulée en 1861 par Ruetschi (Emmanuel, 2e génération) à Aarau.

C’est à une très belle fin de semaine riche en découvertes que m’a convié un ami zurichois les 30 juin et 1er juillet 2018. Ce fut l’occasion d’immortaliser les sonneries de Hägglingen et de Urdorf, mais aussi de visiter une passionnante exposition sur les églises médiévales disparues de la ville de Zurich dans le magnifique bâtiment historique Haus zum Rech. Il me restait encore une dernière étape campanaire de ce beau week-end à vous présenter : la localité argovienne d’Unterkulm, son paysage vallonné et son église réformée riche d’histoire. Nous retrouvons ici avec bonheur un clocher à bâtière, un style très prisé dans la région. Vénérable est cette tour, élevée au XIIIème siècle et surélevée vers 1500. Les triples baies romanes à mi-hauteur témoignent de la hauteur initiale de l’ouvrage. L’église est édifiée à partir du XIIème siècle sur un ancien site romain. Les murs de la nef sont d’époque romane, même si le percement des fenêtres a été revu en 1859 par souci de symétrie. Le chœur fut ajouté au XIVème siècle. Il est orné de magnifiques fresques de style gothique primitif qui furent recouvertes à la Réforme. Paradoxalement, c’est cette couche d’enduit qui a permis à ces superbes peintures d’apparaître en aussi bon état lors de leur mise au jour en 1967. C’est plutôt l’agrandissement en 1869 de deux des fenêtres du chœur qui causa des dommages irrémédiables à ce chef-d’œuvre pictural. On peut par bonheur toujours admirer, en levant la tête, la superbe représentation du second avènement du Christ sur les voûtes.

 

Deux cloches de l’ancienne sonnerie nous sont parvenues. Une cloche coulée en 1596 par Abraham Zender de Berne fut cédée en 1603 à la paroisse de Brittnau dans le but de financer la construction de l’école. Cette cloche est aujourd’hui déposée devant l’église réformée de Brittnau. Décorée avec soin, elle porte – outre la signature de son fondeur – le nom de son commanditaire, le bailli Junker Anthoni, dont les armoiries figurent sur le portail du château de Lenzbourg.

 

L’autre cloche historique sonne aujourd’hui encore dans le clocher d’Unterkulm. Attribuée au Zurichois Hans Füssli (1477-1538), elle porte sur son col cette inscription latine : O REX GLORIE CRISTE VENI NOBIS CUM PACE ANNO DOMINI MCCCCC UND II JAR (ô Christ roi glorieux, apporte-nous la paix, en l’an du Seigneur 1502). La cloche arbore également 4 bas-reliefs extrêmement saillants représentant le Christ-Roi, la Vierge à l’Enfant, saint Théodule, de même que saint Martin, alors patron de l’église. Cette belle pièce historique porte de sévères marques d’accordage, probablement datées du dernier agrandissement de la sonnerie en 1974. Même si on peut déplorer ce qui s’apparente à une mutilation, on peut louer le fait que cette cloche médiévale ait été intégrée à la sonnerie moderne, et non renvoyée au creuset, comme ce fut trop souvent le cas en Suisse alémanique.

 

Les quatre autres cloches sortent toutes de la fonderie d’Aarau, distante d’une dizaine de kilomètres. Les cloches nos 1, 3 et 5 furent coulées en 1861 par Emmanuel Ruetschi. Généreusement ornées de frises florales néo-baroques, elles portent les inscriptions suivantes en lettres gothiques, dans la plus pure tradition germanique : Cl1 Das Volk zur Predigt wir mahnen, wann immer wir stimmen zusammen (nous recommandons au peuple de prier à chaque fois que nous donnons de la voix ensemble). Cl3 Selig die Todten, die im Herrn sterben (bénis soient les morts qui partent dans l’esprit du Seigneur). Cl5 Gott allein die Ehr‘! (Gloire au seul Seigneur). Ces trois cloches portent toutes la mention de l’Ascension 1860 et la date de 1861 pour leur coulée C’est vraisemblablement en 1974 que furent accordées les cl 2, 3 et 5, afin de mieux intégrer la cloche no4. Cette dernière mentionne l’entreprise locale KWC (fournitures sanitaires) qui l’offrit à l’occasion de son centième anniversaire.

 

Le clocher renferme une des plus anciennes horloges mécaniques du monde encore en fonction. Figurent sur le mouvement à cage la date de 1530 et – faits rare pour l’époque – la signature de l’artisan : Laurentius Liechti (1489-1545). Cet horloger de Winterthour est réputé pour avoir réalisé de nombreuses horloges d’édifice et même des horloges astronomiques. Certaines de ses créations, comme l’horloge astronomique de Soleure, sont toujours en service. L’horloge d’Unterkulm possédait à l’origine un échappement à foliot et tintait seulement les heures. L’actuel balancier, long de plusieurs mètres, fut installé en 1717. Le tintement des quarts fut ajouté en 1770. Les dernières modifications sont intervenues il y a peu : remontage électrique des poids, installation d’un dispositif électronique de régulation. Ce système consiste en un poids mobile fixé sur la tige du balancier dont le déplacement vertical est contrôlé par ordinateur. Une conception de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich. Le fils aîné de Laurentius Liechti reprit l’atelier d’horlogerie d’édifice son père après la mort de ce dernier, alors que le cadet se spécialisa dans l’horlogerie de salon. Leurs descendants perpétuèrent ce savoir-faire sur douze générations. Certaines de leurs créations sont visibles au musée d’horlogerie de Winterhour. Parallèlement, les membres famille Liechti occupèrent des sièges au législatif et à l’exécutif de de la ville.

 

Quasimodo remercie :
Mme Susanna Hirt, présidente du Conseil de paroisse d’Unterkulm, pour son aimable autorisation
Herbert Gloor, conseiller paroissial responsable des bâtiments, pour son chaleureux accueil.
Mon ami John Brechbühl, membre de la GCCS, pour l’organisation et les contacts.

Sources :
Die Kirche Unterkulm und ihre Chorausmalung, Edith Hunziker, éditions Schweizerische Kunstführer
http://www.ref-kirchen-ag.ch/kirchen/unterkulm/glocken.php
https://de.wikipedia.org/wiki/Reformierte_Kirche_Kulm
https://de.wikipedia.org/wiki/Laurentius_Liechti
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F18342.php
https://blog.nationalmuseum.ch/2018/03/1415-statt-1291-ein-historischer-kick/

Cloches – Turckheim (F-68) église Sainte-Anne

Un bourdon offert par les fidèles et le Conseil de fabrique

-Cloche 1, dédiée au Christ-Roi, note la2, diamètre 174cm, poids 3’330kg, coulée en 2017 par Cornille Havard à Villedieu-les-Poêles.
-Cloche 2,  dédiée à Sainte-Anne, note ré3, diamètre 144cm, poids 1’900kg, coulée en 1958 par Causard à Colmar.
-Cloche 3, dédiée à la Bienheureuse Vierge Marie, note mi3, diamètre 127cm, poids 1’300kg, coulée en 1948 par Causard à Colmar. Subit un accordage chez Cornille Havard en 2017.
-Cloche 4,  dédiée à Sainte-Odile, note fa#3, diamètre 112cm, poids 875kg, coulée en 1948 par Causard à Colmar.
-Cloche 5, dédiée à Saint-Joseph, note la3, diamètre 95cm, poids 530kg, coulée en 1920 par Causard à Colmar. Subit un accordage chez Cornille Havard en 2017.

Turckheim, ville libre de l’Empire – Le temps était peut-être à la pluie quand nous étions de passage dans le Haut-Rhin, cela ne nous a pas empêchés, mes amis et moi, de trouver l’Alsace merveilleusement pittoresque.  Les façades peintes et les colombages de Turckheim se sont offerts à nous sous leurs meilleurs atours, malgré le gris du ciel. Certaines maisons remontent à la Renaissance. Elles sont les témoins de la prospérité due au commerce de vin et à l’autorisation de l’Empereur Maximilien de prélever un droit d’entrée. Le Moyen-Age, lui, nous a fait parvenir trois portes. Ces restes d’enceinte sont le symbole de l’accession de Turckheim au rang de ville libre de l’Empire en 1312. Chacune possède sa symbolique : échanges avec la Suisse pour la Porte de France, ouverture vers le vignoble pour la Porte du Brand, chasse aux sorcières pour la Porte de Munster. Cette dernière offre heureusement de nos jours une image plus sereine avec ses fenêtres ornées de coquillages : le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Cette porte est la seule à disposer d’une cloche, jadis chargée d’éloigner les orages.

La Porte de Munster (crédit photo http://www.turckheim.fr/)

Un clocher roman et une église néoclassique – L’imposant clocher à cinq niveaux possède encore sa base romane du XIIe siècle, reconvertie en chapelle. On peut y admirer de nombreuses statues de différentes époques dont une effigie de la sainte patronne de la paroisse. La nef et le chœur, édifiés entre 1834 et 1839, sont de style néoclassique. Les statues de saint Matern et saint Arbogast, évêques de Strasbourg, les tableaux peints par Michel Oster, les vitraux dessinés par Robert Gall et réalisés par Léon Kempf, composent un mobilier liturgique d’une belle homogénéité. S’y ajoutent les stations sculptées par Valentin Jaeg en 1955 et une Pieta du XVIe siècle. L’incendie de 1978 nécessite une importante rénovation de l’église et de son orgue Silbermann construit en 1755. L’instrument, vendu comme bien national à la Révolution, provient de l’ancienne abbaye cistercienne de Pairis. L’orgue est agrandi une première fois par Callinet lors de son transfert. Le facteur d’orgues alsacien Alfred Kern procède aux dernières modifications en 1983.

 

Des cloches maintes fois descendues – On peut regretter qu’un clocher aussi ancien ne contienne aucune cloche historique. L’histoire de la sonnerie – vous allez le voir – est particulièrement tourmentée. En 1676, la ville est en faillite suite aux ravages de la Guerre de Trente Ans. Les trois plus grandes cloches sont descendues pour être envoyées en gage à Bâle, avant d’être récupérées quelques mois plus tard. Ces mêmes cloches sont à nouveau descendues en 1793, cette fois de manière définitive. Il faut attendre 1813 pour que François Robert d’Urville (le grand-père de Jules Robert, établi à Nancy et Porrentruy) réalise une nouvelle sonnerie pour l’église Sainte-Anne. Trois de ces cloches sont remplacées par Causard en 1882. Elles sont confisquées par les Allemands en 1917. Causard refond trois nouvelles cloches en 1920. Seule la plus petite existe encore, les trois grandes sont en effet descendues en 1944. La même fonderie réalise à nouveau trois cloches en 1948. La plus grande, fêlée, doit être refondue en 1958. En 2017, la deuxième et la quatrième cloche sont envoyées chez Cornille Havard pour être accordées avec le nouveau bourdon.

 

Un bourdon offert par les fidèles et le Conseil de fabrique – Son poids communiqué est de 3’330 kilos pour un diamètre de 174cm. Dédiée au Christ-Roi, cette grande et belle cloche a été coulée en octobre 2017 par Cornille Havard à Villedieu-les-Poêles. Elle est arrivée à l’église Sainte-Anne le 22 novembre pour être bénie le 26 novembre 2017 par le vicaire général Jean-Luc Liénard. Les anses traditionnelles à tête de lions, typiques de Cornille Havard, tranchent agréablement avec les décors  modernes du vase de la cloche. On peut lire sur le col EGLISE SAINTE-ANNE DE TURCKHEIM – MMXVII.  La  robe est ornée d’une grande effigie du Christ-Roi réalisée par l’artiste Johannes Hohmann. Dessous, on peut lire O REX GLORIAE CHRISTE VENI CUM PACE. De l’autre côté figurent l’Alpha et l’Omega entourant une croix dont les branches sont surlignées et soulignées par QUE TOUS SOIENT UN. Sur la panse : TOUTE GLOIRE A TOI O JESUS – QUI GOUVERNES TOUT PAR L’AMOUR – MEME GLOIRE AU PERE, A L’ESPRIT – A TRAVERS LES SIECLES SANS FIN. Sur la pince figurent les autorités paroissiales et ecclésiastiques de même que les principaux donateurs.

 

Une horloge strasbourgeoise – Sous la chambre du bourdon se trouve l’ancienne horloge mécanique signée J&A. Ungerer en 1907. Cet atelier strasbourgeois d’horlogerie a été fondée en 1858 par Albert et Auguste-Théodore Ungerer, successeurs de Jean-Baptiste et Charles Schwilgué. Jules et Alfred Ungerer, qui ont construit l’horloge de Turckheim, représentent la deuxième génération. Dans les années 1880, Ungerer a acquis les restes de l’entreprise d’Urbain Adam, un horloger de Colmar très inventif, maintes fois primé, et qui fabriquait aussi des machines à coudre. L’inventivité et l’ingéniosité sont aussi l’apanage de la maison Ungerer, à qui on doit la plus grande horloge astronomique du monde à Messine. Trois générations successives d’Ungerer ont par ailleurs soigneusement entretenu l’horloge astronomique de la cathédrale de Strasbourg. L’entreprise a été rachetée en 1989 par Bodet. Vous pouvez admirer dans la galerie ci-dessous l’horloge de Turckheim ainsi que des photos et une publicité d’époque de la maison Ungerer.

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Quasimodo remercie chaleureusement :
-Son nom figure à juste titre sur le bourdon, car elle s’est battue durant de longues années pour concrétiser ce magnifique projet : Marie-Thérèse Link, présidente du Conseil de fabrique. Merci pour son chaleureux accueil et sa disponibilité.
-Pascal Krafft, expert-campanologue à Ferrette, pour l’organisation, la documentation fournie et les sympathiques échanges.
-Daniel Fonlupt, fondateur et conservateur de la Maison des Horloges à Charroux pour les archives de la maison Ungerer
Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice ; Allan Picelli, sacristain à Maîche ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers ; Aurélien Surugues. Merci pour votre aide à tous les niveaux, y compris – surtout – les inoubliables moments d’amitié

Le bourdon lors de sa bénédiction (crédit photo : Pascal Krafft)

Sources :
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/nouvelle-cloche-eglise-turckheim-1416287.html
https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/photos-deux-cloches-descendues-de-l-eglise-de-turckheim-en-attendant-le-nouveau-bourdon-1508962316
http://www.turckheim.fr/decouvrir-turckheim/monuments-historiques.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Trente_Ans
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Pairis
https://fr.wikipedia.org/wiki/Horlogerie_Ungerer
https://gw.geneanet.org/mieme?lang=fr&n=robert&oc=0&p=jules

Crédit photos :
Clichés personnels sauf mentionnés et sauf photos extérieures de l’église : https://de.wikipedia.org/wiki/Turckheim

Cloches – Villaraboud (CH-FR) église Saint-Laurent

Un fondeur issu d’une grande famille patricienne fribourgeoise réalise une petite beauté baroque

-Cloche 1, note fa 3 +31/100, coulée en 1902 par Charles Arnoux à Estavayer-le-Lac
-Cloche 2, note la bémol 3 +35/10, coulée en 1961 par Ruetschi à Aarau
-Cloche 3, note si bémol 3 +72/100, coulée en 1806 par Pierre Dreffet à Vevey
-Cloche 4, note mi 4 +77/100, coulée en 1660 par Hans-Christoffel Klely et Franz Bartholome Reyff de Fribourg

La paroisse de Villaraboud (à ne pas confondre avec Villarimboud) est déjà mentionnée en 1228. L’église est alors très petite, mais elle suffit à la population de l’époque. Seuls sept foyers sont mentionnés lors de la visite pastorale de 1453, ce qui représente une soixantaine d’âmes. Le Père Apollinaire Deillon rapporte que « le cimetière n’était pas clôturé, les chars petits et grands y avaient libre parcours, tous les animaux de la localité pouvaient y séjourner librement ». En 1647, les paroissiens demandent qu’on restaure leur église. Mais Fribourg, qui s’est emparé du patronage, refuse d’accéder à leur demande. Ce n’est en 1868 qu’est consacrée l’actuelle église Saint-Laurent de Villaraboud. Les travaux de maçonnerie sont confiés à un certain Mauron, qui a la bonne idée d’utiliser les blocs erratiques dispersés dans les champs alentours. Le maître d’ouvrage s’appelle François-Joseph Grimm. Ce maître-maçon et entrepreneur originaire du Bas-Rhin, établi à Romont, est chargé en 1852 de reconstruire l’hôpital du chef-lieu glânois, détruit par un incendie. Et c’est suite à un autre sinistre, en 1863, que le même entrepreneur reçoit le mandat de consolider les voûtes de la collégiale de Notre-Dame de l’Assomption. La paroisse regroupe aujourd’hui Siviriez, Villaraboud, Chavannes-les-Forts, Prez-vers-Siviriez, la Pierraz, Le Saulgy et Villaranon. Ces villages, jadis entités indépendantes, ont rejoint la commune de Siviriez lors de la fusion de 2004. Située quelque peu en retrait des grands axes Romont-Bulle et Romont-Oron, Villaraboud occupe une belle position dominante sur le vallon de la Glâne, la rivière qui a donné son nom au district créé en 1848 après la guerre du Sonderbund.

La grande cloche
PATRINUS ALPHONSUS GOBET-PERRET / MATRINA MARIA DUMAS / ME FECIT CAROLUS ARNOUX EX ESTAVAYER LE LAC / ANNO 1902 / DEUM LAUDO / VIVOS VOCO / MORTUOS PLANGO
Il s’agit – à mon avis – de l’une des plus belles cloches coulées par Charles Arnoux (1843-1925). Ce fondeur originaire de Morteau (F-25) commence à seconder son père, Constant (1806-1877) lui aussi fondeur, alors qu’il est encore adolescent. Père et fils collaborent entre 1857 et 1861 à la sonnerie monumentale de Gruyères où ils prennent un temps domicile. Arnoux père et fils travaillent à tour de rôle comme contremaître pour une autre dynastie de fondeurs de cloches de Morteau : les Bournez. Charles reprend à son compte l’atelier provisoire que François-Joseph Bournez le jeune avait établi à Estavayer-le-Lac en 1871. Il y exploite avec succès jusqu’à sa mort la dernière fonderie de cloches monumentales de Suisse romande.

La cloche no2
SANCTE LAURENTI CONFESSUS ES NOMEN DOMINI JESU CHRISTI ORA PRO NOBIS / PARRAIN FRANCOIS MAURON / MARRAINE ANTONIE DUMAS / JOSEPH CHASSOT CURE / ANDRE MAURON PRESIDENT / 1961 / FONDERIE DE CLOCHES H. RUETSCHI SA AARAU
Cette cloche, très certainement la refonte d’une cloche plus ancienne, a été coulée par Ruetschi d’Aarau, la dernière fonderie suisse de cloches monumentales toujours en activité. La première génération Ruetschi, formée des frères Jakob et Sebastian, rachète en 1824 la fonderie de Johann Heinrich Bär, leur ancien employeur. Le premier fondeur argovien mentionné avec certitude est Jakob Reber qui coula en 1367 la cloche dédiée à Sainte-Barbe de la cathédrale de Fribourg, toujours existante.

La cloche no3
MARIE ANNE ROULLIER MARRAINE  / AUGUSTIN DUMAS PARRAIN / PIERRE DREFFET FONDEUR A VEVEY M’A FAITE 1806.
La cloche porte sur son col les traditionnelles têtes d’angelots qu’on retrouve régulièrement chez Pierre Dreffet (1752-1835). Ce fondeur, originaire de Coppet et établi à Vevey, confectionna de nombreuses cloches pour le canton, la plupart de belle facture. Sa plus importante réalisation est le bourdon de Châtel-Saint-Denis, pesant près de 3 tonnes . Succéderont à Pierre Dreffet à la tête de la fonderie veveysanne, mentionnée dès 1626 : son neveu Marc Treboux (qui fut un temps son associé), puis Samuel Treboux et Gustave Treboux.

La petite cloche
GRATIA PLENA DOMINUS TECUM 1660 / HANS CHRISTOFFEL KLELY UND FRANTZ BARTHOLOME REYFF GOSSEN MICH.
Cette cloche, richement ornée de décors floraux et de festons, arbore un magnifique cartouche avec le nom de ses fondeurs. Y figure le canon et le trèfle des Klely, de même qu’une cloche et les armoiries de la famille Reyff : trois cercles emboîtés. Cette petite cloche est donc l’œuvre conjointe de Jean-Christophe Klely (?-1641) et de François-Barthélémy Reyff (1622-1664). Ce Klely est le premier fondeur de cloches d’une lignée qui essaima de nombreux descendants. Jean-Christophe semble avoir appris le métier avec Jakob Kegler le jeune, son prédécesseur comme fondeur officiel de Fribourg. François-Barthélémy Reyff, lui, est membre de la célèbre famille patricienne fribourgeoise de peintres, de sculpteurs et de magistrats. Celui qui semble être le seul de la lignée à avoir embrassé la carrière de fondeur de cloches occupa également de hautes fonctions politiques : F-B R. fut en effet bailli d’Illens et receveur de l’impôt.

Equipement
Les quatre cloches sont accrochées à des montures en acier : joug d’origine Ruetschi pour la cloche no2, rails en acier réalisés par l’entreprise Bochud vers la moitié du XXe siècle pour les trois autres. Les battants, de même que la motorisation, ont été récemment remplacés par la maison Muff. Le beffroi a été renforcé. Il n’y a ni cadran d’horloge ni dispositif de tintement horaire. Photo : A gauche, les anciens battants des cloches 3 et 4 ; à droite, l’équipement actuel

Sources :
« Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg volume 12 » Père Apollinaire Deillon, imprimerie Saint-Paul 1903
« Romont, cité à découvrir » Aloys Lauper, éditions Pro Fribourg, 1994.
« Le patrimoine campanaire fribourgeois », divers auteurs, éditions Pro Fribourg, 2012
http://www.upglane.ch/paroisses/siviriez-villaraboud
https://www.geni.com/people/Constant-Arnoux/6000000010046948656
http://www.bernergeschlechter.ch/humo-gen/family.php?id=F66313&main_person=I200065

Quasimodo remercie
-Laurent Clerc, vice-président de la paroisse de Siviriez-Villaraboud, pour son aimable autorisation
-Mes amis Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice, et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers, pour leur indispensable collaboration et les moments d’amitié.

Cloches – Hägglingen (CH-AG) église Saint-Michel

Six cloches en do3, la grande est du XXe siècle, les petites remontent au XVe

-Cloche 1, note do3, poids 2’500kg, coulée en 1914 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
-Cloche 2, « Wetterglocke » (littéralement cloche de la météo), dédiée à la Sainte Famille, note mi3, poids 1’300kg, coulée en 1826 par Ruetschi (Jakob & Sebastian) à Aarau
-Cloche 3, « Cloche de la Prière » dédiée à saint Michel, note sol3, poids 900kg, coulée en 1914 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
-Cloche 4, « Cloche des travailleurs » dédiée à saint Joseph et saint Luc, note la3, poids 700kg, coulée en 1914 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
-Cloche 5, autrefois glas, note do4, coulée vraisemblablement mi-XVe siècle
-Cloche 6, cloche de baptême, note mi4, coulée vraisemblablement mi-XVe siècle

L’église Saint-Michel de Hägglingen est l’une des plus anciennes recensées dans les Freie Ämter, ces baillages communs à l’histoire tourmentée qui furent notamment le théâtre des guerres de Kappel et de Villmergen. Ce village argovien appartenant à un canton aujourd’hui réformé est demeuré catholique. En témoigne son imposante église paroissiale, mentionnée dès 1036, puis maintes fois transformée. L’actuel édifice fut bâti entre 1739 et 1743 à côté du vieux clocher du XVe siècle toujours existant mais rehaussé en ce milieu de XVIIIe siècle. Le rez-de-chaussée de la tour, reconverti aujourd’hui en sacristie, était à l’origine le chœur de la petite église de 1457. En témoignent les belles fresques murales mises au jour en 1951. La nef fut allongée d’une dizaine de mètres en 1831, nécessitant la construction d’un petit tunnel pour y faire passer une des rues du village. Si les retables magnifiquement restaurés datent du XVIIIe siècle, les confessionnaux, le chemin de croix, les pilastres et le plafond peint sont issus de la restauration néo-baroque admirablement réussie de 1924. L’église Saint-Michel de Hägglingen est inscrite au registre des biens culturels d’importante régionale.

Le clocher à bâtière – style répandu dans la région – renferme une intéressante sonnerie de six cloches en do 3. Les deux plus petites (do4 et mi4) pourraient avoir été coulées pour la construction du clocher vers 1450. Même si la documentation remise par la paroisse mentionne le nom de Füssli, il est peu probable que ces cloches soient l’œuvre de la dynastie de fondeurs zurichois dont les cloches ont été dûment recensées au fil des ans. La cloche en do4 était jadis sonnée quand un paroissien était à l’agonie. Elle donne aujourd’hui de la voix dans le plénum, Sa petite sœur, elle, ne sonne en principe jamais avec l’ensemble, car réservée aux baptêmes. Nous avons toutefois reçu l’autorisation de l’ajouter manuellement pour la présentation audio-vidéo du plénum (volée du samedi pour l’annonce du week-end). Force est de constater que cette petite cloche s’accorde à merveille avec les autres. Je ne saurais qu’encourager la paroisse de l’intégrer aux sonneries dominicales.

Les quatre autres cloches furent toutes coulées à Aarau. La première génération Ruetschi (Jakob et Sebastian) réalisa la cloche no2 (mi3) en 1826 à peine deux ans après avoir racheté la fonderie argovienne de son prédécesseur Jakob Bär. Cette cloche de facture néoclassique, reconnaissable à ses grosses anses triangulaires, est la plus sollicitée de l’ensemble : elle donne de la voix pour les angélus, les messes de semaine et en cas de gros orage. Les cloches 1 (do3), 3 (sol3)  et 4 (la3) furent coulées par Hermann Ruetschi (la troisième génération) en 1914.

Quasimodo remercie :
M. Christoph Frei, président du Conseil de paroisse de Hägglingen pour son aimable autorisation.
Mme Hedy Geissmann, sacristine, pour son chaleureux accueil et la documentation remise.
Mon ami John Brechbühl, membre de la GCCS, pour l’organisation de cette belle étape campanaire.

Sources :
« Glocken für die Ewigkeit: 650 Jahre Glockenguss und Kirchturmtechnik aus Aarau » éditions AT, 2016
Documentation (liasse de feuillets) remise par la paroisse
https://de.wikipedia.org/wiki/H%C3%A4gglingen
https://fr.wikipedia.org/wiki/Freie_%C3%84mter

A consulter :
Le village http://www.haegglingen.ch/
la paroisse Saint-Michel https://www.pfarrei-haegglingen.ch/

Cloches – Châtel-St-Denis (CH-FR) église St Denis

Une sonnerie monumentale pour une mini-cathédrale néo-gothique

-Cloche 1, note sib2 -1/16, diamètre 167cm, poids 2’850kg, coulée en 1832 par Pierre Dreffet et Marc Treboux de Vevey
-Cloche 2, note ré3 -2/16, diamètre 134cm, poids 1500kg, coulée en 1811 par François-Joseph Bournez l’Ancien de Morteau
-Cloche 3, note fa3 -3/16, diamètre 112cm, poids 820kg, coulée en 1588, signée FB
-Cloche 4, note lab3 +5/16, diamètre 88cm, poids 390kg, coulée en 1789 par Jean-Georges Paris de Bulle
-Cloche 5, note sib3 +5/16, diamètre 83cm, poids 380kg, coulée en 1876 par Gustave Treboux de Vevey.

(article de 2013, complété le 20 octobre 2018)

C’est une véritable petite cathédrale qui dresse sa fière silhouette néogothique sur les hauteurs de Châtel-Denis. Avec son clocher de 70m, sa neuf haute de 18m et une longueur totale de 60m, l’église St Denis peut se vanter de rivaliser par ses dimensions avec la vénérable cathédrale St Nicolas de Fribourg. Les plans de l’architecte Adolphe Fraisse furent signés le 15 juin 1871 et la première pierre fut bénie le 15 avril 1872. Quant à la consécration, elle fut célébrée en 1876, le 9 octobre, jour de la Fête Patronale. Y procéda Mgr Etienne Marilley, évêque de Lausanne et Genève, bourgeois bienfaiteur de la commune et de sa paroisse d’origine. La physionomie de l’église fut profondément remaniée au fil des ans: suppression des pinacles en façade et des lucarnes sur la nef, remplacement de la flèche en pierre par du béton. Même si ces travaux lui ont fait perdre un peu de son authenticité, l’église St Denis n’en reste pas moins un magnifique témoin de l’architecture néogothique dans la région.

 
vue ext historique

Sur les 5 cloches que compte la sonnerie monumentale, 4 connurent le clocher de l’ancienne église qui se dresse toujours à quelques dizaines de mètres. La cloche en fa3, doyenne de la sonnerie (1588) est aussi la plus mystérieuse. Dotée des seules lettres FB en guise de signature, elle est attribuée à Franz Sermund aux vues de son profil et de son ornementation. 1588 étant l’année du décès du fondeur bernois, il se pourrait toutefois que la cloche soit l’œuvre d’un successeur de Sermund, m’a confié le campanologue bernois Matthias Walter. La cloche 4 (lab3, 1789), de facture typiquement baroque, porte la griffe de Jean-Georges Paris, fondeur du terroir établi à Bulle, et collaborateur ephémère de Pierre Dreffet de Vevey. Et c’est le même Dreffet qui – secondé par son neveu Marc Treboux – coula en 1832 l’imposant bourdon en sib2. En 1876, la fonderie veveysanne, entre temps passée entre les mains de Gustave Tréboux, ajouta la petite cloche en sib3. L’inventaire de la sonnerie ne serait pas complet sans la cloche 2, note ré3, confectionnée en 1811 par le saintier franc-comtois François-Joseph Bournez l’Ancien. Le petit-fils de ce dernier établit en 1871 un atelier provisoire à Estavayer-le-Lac pour y réaliser la sonnerie de la collégiale. La fonderie fut vite reprise par son contremaître Charles Arnoux, qui en fit une entreprise florissante jusqu’à son décès en 1925.

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Le bourdon

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La cloche 2

Châtel - bournez

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la cloche 3

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La cloche 4

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La cloche 5

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L’horloge Prêtre de Rosureux, fabriquée en 1876, modifiée ultérieurement pour le remontage automatique des poids, toujours en fonction

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Eglise ajd

L’église St Denis dans son aspect actuel. Ci-dessous, les plans originaux

Eglise sur plans Eglise plans

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L’intérieur avec l’orgue Kuhn de 1892, pneumatique, superbement entretenu

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Châtel-st-denis - ancienne église ajd

L’ancienne église du 13e siècle (aujourd’hui institut St François-de-Sales) aujourd’hui et hier

Ancienne église hier

Mgr Marilley

Mgr Etienne Marilley (1804-1889) évêque de Lausanne et Genève.

Remerciés soient pour leur chaleureux accueil:
Edith Bochud, présidente de paroisse, dicastère administration et finance
Dominique Nanchen, dicastère du culte et groupements, responsable du conseil de communauté et organiste
Léon Roche, dicastère des bâtiments et forêt.

Un immense merci  pour son aide lors de cette nouvelle présentation vidéo à mon excellent ami campanaire Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice. Visitez son site https://cloches74.com/

http://www.upstdenis.ch/chatel-st-denis/lieux-de-culte-de-la-paroisse/
http://www.chatel-st-denis.ch/
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1752-11-6-1/

Autres sources:
« Le Patrimoine campanaire fribourgeois », aux éditions Pro Fribourg

Cloches – Le Pont (CH-VD) temple réformé

On y sonne encore les trois cloches à la corde !

-Cloche 1, « Espérance », note si3 -30/100, coulée en 1900, signée Louis-Delphin Odobey cadet à Morez
-Cloche 2, « Charité », note ré4 -41/100, coulée en 1900, signée Louis-Delphin Odobey cadet à Morez
-Cloche 3, note ré5 -44/100, coulée en 1733 par Samuel Steimer de Berne

Il y a peu, en compagnie de quelques amis, je vous faisais découvrir la somptueuse abbatiale romane de Romainmôtier et sa sonnerie à l’histoire si particulière. A quelques encâblures de la vallée du Nozon avec son site clunisien se trouve la Vallée de Joux. Si la région est aujourd’hui avant tout réputée pour ses attraits touristiques – on se baigne dans le lac de Joux durant la belle saison, on y patine l’hiver – on n’en oublie pas pour autant son riche passé industriel et horloger. Une première halte dans la Vallée m’avait déjà permis de vous faire découvrir les quatre cloches du Brassus en 2015. Je vous invite aujourd’hui dans le clocher du Pont, qui héberge une sonnerie certes de taille modeste, mais intéressante à plus d’un titre. Ce qui a tout d’abord attiré notre équipe multi-générationnelle de passionnés, c’est le fait que les trois cloches se manœuvrent aujourd’hui encore à la corde. Vous n’allez pas non plus tarder à vous rendre compte que l’histoire de ces demoiselles de bronze est captivante à plus d’un titre.

L’ancienne église du Pont, démolie en 1920 (source http://www.histoirevalleedejoux.ch/)

Un premier temple fut construit au Pont au début du XVIIIe siècle. Ce lieu de culte maintes fois transformé reçut en 1733 une cloche toujours existante. Cette cloche, réalisée par le Bernois Samuel Steimer (recensé souvent aujourd’hui en tant que Steiner) fut commandée à Romainmôtier, chef-lieu du baillage. La cloche livrée ne comportait pas que le nom de son fondeur. Elle était aussi ornée d’un sceau comportant la lettre R (peut-être le sceau du capitaine Rochat, mentionné dans les archives au sujet de la construction du temple). La cloche était surtout frappée des noms de quelques notables de la région. La manœuvre, considérée comme anti-démocratique, suscita le courroux des citoyens du Pont, qui se plaignirent auprès de LLEE de Berne. C’est ainsi que les noms litigieux furent limés. La cloche arbore donc aujourd’hui cette inscription incomplète : (…) du Pont, en la Vallée du Lac de Joux, 1733. Le sceau, lui, n’a pas été ôté. La signature du fondeur se trouve sur le cerveau de la cloche : SAMUEL STEIMER GOSS MICH. On retrouve ce nom sur la cloche dite Armsünderglocke (do#3, 1734) de la collégiale Saint-Vincent de Berne.

Avec le développement industriel et horloger de la vallée de Joux, le temple du Pont devint trop petit à la fin du XIXe siècle. Francis Isoz (1856-1910) fut dans un premier temps approché pour un agrandissement de l’édifice. L’architecte lausannois fut finalement mandaté pour construire un nouveau temple au lieu dit Crêt du Sablon. La géologie du terrain donna des cheveux blancs aux bâtisseurs, mais il est vrai que la situation dominante est majestueuse ! Le nouveau temple à la silhouette néogothique fut inauguré le 28 octobre 1900.

La nouvelle église du Pont. Les vitraux de 1960 sont l’oeuvre du peintre verrier jurassien Bodjol

 

 

Trois artisans firent une offre pour la fourniture de l’horloge et des cloches. Voici leurs noms et les prix demandés :
-Maillefer à Ballaigues, horloge 1’600 frs, prix du kg de cloche, 4.60 frs.
-Odobey à Morez, horloge 1’932.10 frs, prix du kg de cloche, 4.75 frs.
-Crot à Granges, horloge, 1’710 frs, prix du kg cloche, 5.55 frs.
Francis Isoz, appelé à donner son avis, fit parvenir le message suivant à l’administration communale le 25 janvier 1900 :
1) Pour les mêmes tons (do et mi), le poids des cloches offertes par Odobey est de 95 kg plus faible que celui de son concurrent Crot.
2) Malgré cette différence, l’alliage en cuivre et étain est à peu de chose près le même.
3) Le soumissionnaire Odobey est le seul qui fournisse un devis très détaillé et très complet et s’engage à rendre posées l’horloge et les cloches.
4) Le prix de 4.60 frs par kg de cloche fait par le soumissionnaire Maillefer paraît être faible pour un prix de seconde main et M. Maillefer est plutôt mécanicien qu’horloger.
L’architecte conclut en ces termes :
Aussi, d’après ce qui précède, étant donné que la maison Odobey est très sérieuse, qu’elle m’a encore fourni l’année dernière une horloge et une cloche qui marchent à la satisfaction de ceux qui les utilisent, je me permets de vous proposer de lui adjuger la fourniture et la pose de l’horloge et de deux cloches donnant le do & le mi pour le prix en bloc et à forfait de 3’619.80 frs
(ndlr : les cloches donnent en fait les notes si et ré)
Les autorités communales, suivant le mot d’ordre de l’architecte, attribuèrent le mandat à la maison Odobey. L’horloge fut installée dans le clocher le 8 septembre 1900. Il est intéressant et même amusant de préciser que Crot et Maillefer n’étaient que des revendeurs. Ils assemblaient et installaient des mouvements dont ils avaient passé commande chez… Odobey justement !

Odobey, on le sait, ne coulait pas ses cloches lui-même. L’horloger de Morez était en affaires avec divers fondeurs de cloches. Les riches archives collectées par Daniel Fonlupt, conservateur de la Maison des Horloges de Charroux, indiquent qu’Odobey se fournissait (entre autres) chez Paccard et chez Burdin. C’est donc uniquement en se basant sur les profils et les décors des cloches qu’on peut tenter de deviner quelle fonderie a réalisé telle ou telle pièce estampillée Odobey. Les cloches du Pont semblent n’avoir été coulées par aucun des fondeurs susnommés. Arthur Bamas, campanophile breton qui suit actuellement une formation de fondeur, les attribue à Farnier. Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, n’exclut pas cette hypothèse en précisant qu’il pourrait surtout s’agir de Farnier de Dijon.

Dans le clocher

 

 

Les nouvelles cloches arrivèrent à la gare du Pont le 19 mai 1900. Voici leurs inscriptions, de haut en bas
-Grande cloche : LD ODOBEY CADET MOREZ / ESPERANCE / SI AUJOURD’HUI VOUS ENTENDEZ MA VOIX / N’ENDURCISSEZ PAS VOS COEURS / HEBREUX III.7
-Petite cloche : (signature indentique) CHARITE / ECOUTEZ MA VOIX ET JE SERAI VOTRE DIEU / JEREMIE VII.23
Ces deux cloches sont suspendues côte à côte à leurs jougs en chêne d’origine dans leur beffroi de bois. Est venue les rejoindre en 1959 la cloche de l’ancienne église, remisée jusque là dans le local des pompiers. Cette petite cloche a rempli un temps le rôle d’alarme. Elle n’est aujourd’hui plus utilisée et ne bénéficie d’aucun entretien. Ses ferrures s’étant relâchées au fil des ans, nous ne l’avons sollicitée que très brièvement pour la présentation vidéo.

Quasimodo remercie chaleureusement :
Nordahl Autissier, responsable des bâtiments au sein du Conseil administratif du Pont
Mes amis campanaires Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice ; Allan Picelli, sacristain à Maîche ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources :
http://www.histoirevalleedejoux.ch/articles/5_les_eglises_du_pont
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F29113.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bailliage_de_Romainm%C3%B4tier
https://www.bernermuenster.ch/de/berner-muenster/muensterbau/glocken.php

Cloches – Romainmôtier (CH-VD) abbatiale

Des sonorités baroques pour ce chef-d’œuvre de l’art roman

-Cloche 1, note ré bémol 3 +40/100, diamètre 146cm, poids environ 1’900kg, coulée en 1723 par Felix Felix de Feldkirch.
-Cloche 2, note sol bémol 3 +31/100, poids environ 650kg, coulée en 1595 par Abraham Zender de Berne.
-Cloche 3, note si 3 +48/100, poids environ 275kg, coulée en 1810 par Jean-Baptiste Pitton de Carouge.

La plus ancienne église romane de Suisse – Il y a quelques semaines, je vous présentais l’abbatiale de Payerne, la plus grande église romane de Suisse. Aujourd’hui, place au plus ancien édifice de ce style toujours existant dans le pays : l’abbatiale de Romainmôtier. On ne peut être que frappé par la beauté du cadre. Si Romainmôtier fait partie de l’association des plus beaux villages de Suisse, ce n’est de loin pas usurpé. La verte vallée du Nozon est comme un écrin destiné à faire scintiller les murailles et les toitures ancestrales. Si on ne percevait pas de temps à autre le vrombissement d’une voiture, on s’attendrait à voir surgir au détour d’un chemin un moine dans sa charrette tirée par un âne. Le temps semble en effet s’être arrêté à Romainmôtier… une sorte de douce torpeur dans laquelle le visiteur d’un autre âge prend plaisir à se pelotonner un trop bref instant.

L’abbaye de Romainmôtier, ce sont onze siècles d’histoire. Du premier édifice religieux dressé par saint Romain et saint Lupicin au Ve siècle, à la Réforme proclamée par l’envahisseur bernois en 1536, on assiste à la montée en puissance de la communauté qui rejoint l’ordre de Cluny au Xe siècle et bénéficie de la protection des seigneurs bourguignons. En 1049, le pape Léon IX menace même d’excommunier quiconque tentera de porter atteinte à l’abbaye et à ses possessions. L’église est édifiée sur le modèle de la deuxième église de Cluny dans le premier tiers du XIe siècle. Le narthex sur deux étages était doté à l’origine de deux tours. Deux importants incendies à la fin du XIIe siècle obligent à la reconstruction des voûtes de la nef et du cloître. Ce dernier disparaît hélas à la Réforme. L’église nous est par bonheur parvenue, de même qu’une grande partie de l’enceinte monastique avec la maison du prieur. On y célèbre aujourd’hui le culte protestant. Romainmôtier est aussi depuis 2003 un haut lieu de l’œcuménisme romand grâce à la Fraternité Oecuménique de Prière qui reçoit sa mission conjointement du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée et du vicariat épiscopal de l’Eglise catholique. L’église abbatiale possède deux orgues remarquables : le grand orgue placé dans le transept sud a été réalisé par la manufacture de Chézard-Saint-Martin. Le petit orgue de la chapelle au premier étage du narthex a été conçu par Luigi-Ferdinando Tagliavini et construit par Kuhn de Männedorf. Il s’agit d’un don de la fondation Jehan Alain.

La plus grande des trois cloches porte la signature de Felix Felix von Veltkirch. Ce fondeur, originaire du Voralberg en Autriche (la localité s’épelle aujourd’hui Feldkirch) était établi à Berne quand il a travaillé pour Romainmôtier, comme en témoigne la griffe Du feu je suis sortie , Félix de Veltkirch m’a fondue à Berne. L’artisan est également mentionné comme fabricant de pièces d’artillerie pour Lucerne en 1739. Un certain Christian Felix von Feldkirch semble lui avoir succédé. On trouve en effet son nom sur deux cloches coulées en 1765 à Coire pour la paroisse grisonne de Falera (église Saint-Rémi). La cloche de Romanmôtier porte les noms et les fonctions (en allemand) de plusieurs édiles locaux dont Louis de Wattenwyl, maître des sceaux dans les pays Welsches (ndlr : pays romand) ; Michel Augsurger, Banneret (ndlr : porte-drapeau) ; Emmanuel Wurstemberger, Banneret ; Jean Muller, Banneret ; F.-Louis Morlot, Banneret ; Jean Fischer, Sautier (ndlr : huissier) ; Jean-Rodolphe Willading, Bailli (ndlr : gouverneur) ; Jean-Rodolphe Wurstemberger, receveur de l’Ohmgeld (ndlr : percepteur) et directeur de la Monnaie. Sur l’autre côté de la cloche figurent les armoiries de Berne et de quelques grandes familles dans une facture impeccable. On peut encore lire – toujours en allemand – Pieux Chrétien je te rappelle à ton Sauveur Jésus-Christ, car, hors de lui, il n’y a ni salut ni vie. Peut-être une allusion au Major Davel, le patriote vaudois exécuté pour insurrection la même année que la cloche fut coulée. La cloche semble n’avoir été hissée qu’en 1726. En témoigne la date peinte sur l’oculus aménagé spécialement pour l’occasion.

La deuxième cloche est la plus ancienne. Datée de 1595, elle est l’œuvre d’Abraham Zender de Berne. Ce successeur de Franz Sermund coula en 1611 – avec la collaboration du zurichois Peter Füssli – le bourdon de la collégiale de Berne, d’un poids de près de 10 tonnes. On lui doit aussi le bourdon du temple Saint-Martin de Vevey (si bémol, année 1603). On peut lire sur la cloche de Romainmôtier (en latin) La parole du Seigneur est éternelle. Puis en en allemand : O homme ! Chaque fois que par mes sons je t’indique l’heure du jour ou de la nuit, réfléchis sérieusement au but et à la fin de ta vie / Coulée par le feu, Abraham Zender m’a fondue à Berne, 1595. La cloche est ornée de très belles scènes de chasse. Elle porte également les empreintes de véritables feuillages. Des traces d’accordages récentes sont visibles à l’intérieur.

La petite cloche a été coulée pour le temple Saint-François de Lausanne. Après le grand chantier d’accordage des cloches lausannoises mené par Auguste Thybaud à la fin du XIXe siècle, le chef-lieu vaudois se retrouve avec plusieurs cloches inutilisées sur les bras. Ces cloches sont alors revendues d’occasion. L’une d’elles arrive en 1897 à Romainmôtier. Elle porte les inscriptions suivantes : VILLE DE LAUSANNE 1810 POUR LE SERVISSE (sic) DE L’EGLISE DE ST-FRANCOIS / FAITE PAR JEAN-BAPTISTE PITTON MAÎTRE FONDEUR A CAROUGE 1810. L’artisan, originaire de Châtillon-en-Michaille, est surtout connu pour avoir eu comme apprenti un certain Antoine Paccard, premier représentant d’une longue lignée de fondeurs toujours existante. Les ornements de cette petite cloche sont chiches en comparaison de ses grandes voisines. Le haut de la robe porte les habituelles guirlandes néo-classiques du XIXe siècle. Le cartouche, lui aussi d’une grande sobriété, indique le nom du fondeur sur fond de draperie. Cette cloche pourrait remplacer une ancêtre de 1753 que Blavignac mentionnait dans son étude campanaire de 1877. On constate en outre que la même travée porte – face à la petite cloche – les traces de fixation d’une cloche plus grande. L’achat d’une quatrième cloche était-il prévu ?

Une petite cloche déposée se trouve dans l’entrée de la maison du prieur. Datée de 1654, elle est fortement endommagée (éclat de balle, fêlures, grosse ébréchure à la pince).

Quasimodo remercie :
Nicolas Charrière, pasteur à la paroisse réformée de Vaulion-Romainmôtier.
Soeur Madeleine Chevalier.
Olivier Grandjean, campanophile et collectionneur de sonnailles.
… ainsi que mes fidèles amis Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice ; Allan Picelli, sacristain à Maîche ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources :
Cloches de l’église de Romainmôtier, documentation rassemblée par Olivier Grandjean en 2004 basée sur les publications suivantes : Histoire de Romainmôtier , édition 1928 ; Sites et villages vaudois, éditions Cabédita ; La Cloche, Etudes sur son histoire et sur ses rapports avec la société aux différents âges, John-Daniel Blavignac, Paris, 1877.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbatiale_de_Romainm%C3%B4tier
https://www.cath.ch/newsf/fraternite-oecumenique-de-romainmotier-loecumenisme-quotidien/
https://query-staatsarchiv.lu.ch/detail.aspx?ID=1469502
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1938-11-6-1/

Cloches – Urdorf (CH-ZH) église Saint-Nicolas-de-Flüe

Un bourdon allemand en la2 de 3’100kg

-Cloche 1, dédiée à la Sainte Trinité et à Saint Nicolas de Flüe, note la2, diamètre 175cm, poids 3’182kg
-Cloche 2, dédiée à Marie mère de Dieu, note do#3, diamètre 145cm, poids 1’656kg
-Cloche 3, dédiée à saint Joseph, note mi3, diamètre 127cm, poids 1’063kg
-Cloche 4, dédiée à saint Michel, note fa#3, diamètre 107cm, poids 714kg
-Cloche 5, dédiée à st Nicolas et st Bernard de Clairvaux, note la3, diamètre 91cm, poids 458kg
Fondeur : Karl Czudnochowsky, Erding, 1963

Urdorf, une jeune paroisse créée en 1960 dont les racines ancestrales remontent à 1173, telle est la traduction littérale du sous-titre de l’excellent ouvrage de M. le Curé Maximilian Georg Kroiß qui m’a été aimablement remis lors de ma visite le 1er juillet 2018. Evidemment qu’il serait présomptueux de vouloir condenser plus de 200 pages dans ce modeste article. Je me contenterai donc de vous résumer très succinctement la riche histoire de cette paroisse catholique zurichoise qui remonte à 1173 avec la mention par l’Antipape Calixte III d’une première chapelle dédiée à saint Georges. Cette chapelle se trouvait dans la vallée de la rivière Reppisch, un affluent de la Limmat. Une chapelle dédiée à saint Nicolas, dépendant de l’abbaye bénédictine d’Engelberg, est citée dès 1184 à Oberurdorf. Il faut savoir que jusqu’à la fusion de 1930, l’actuelle commune se composait de deux entités distinctes : Niederurdorf et Oberurdorf. Après l’adhésion de Zurich à  la Réforme en 1529, Urdorf – contrairement à sa voisine Dietikon – choisit d’adhérer aux nouvelles idées de Zwingli. Si la chapelle Saint-Georges se trouve aujourd’hui englobée dans un domaine agricole, la chapelle Saint-Nicolas est toujours un lieu de culte réformé. La célébration catholique fut progressivement  à nouveau autorisée dans le canton de Zurich au XIXe siècle. La paroisse d’Urdorf ne vit toutefois le jour qu’en 1956 sur décision de l’évêque de Coire Mgr Christian Caminada.

A gauche, l’ancienne chapelle Saint-Nicolas. A droite, inscriptions gothiques dans l’ancienne chapelle Saint-Georges

C’est le 23 juin 1963 que  le vicaire général Alfred Teobaldi posa la première pierre de l’église Saint-Nicolas-de-Flüe. Edifiée sur les plans des architectes soleurois Hansjörg et Otto Sperisen, l’église fut consacrée le 30 août 1964. Son retable renferme non seulement une partie des reliques de son saint patron, mais aussi de sainte Marie Goretti et de saint Félix de Rome. Le mobilier liturgique, simple et élégant, est conforme à l’architecture moderne de l’église. On notera les vitraux dessinés par Peter Travaglini et réalisés par Aubert & Pitteloud de Lausanne. Le grand orgue en tribune est l’oeuvre de la maison Späth de Rapperswil (1974), alors que le petit orgue placé dans la chapelle dédiée à sainte Marie fut réalisé en 1977 par la manufacture de Chézard-Saint-Martin. Il est intéressant de noter que la réalisation des supports de bronze du grand retable de marbre fut confiée à Ruetschi d’Aarau, alors que la fonte des cloches fut attribuée à une fonderie allemande.

Galerie archives : pose de la première pierre, bénédiction des cloches, construction du clocher

La sonnerie fut coulée à Erding (Allemagne) le 4 décembre 1963 à 15h. Cette fonderie, active dans la ville bavaroise de  1850 à 1971, connut son heure de gloire après la Seconde Guerre sous l’égide Karl Czudnochowsky (1900-1977). C’est auprès de son oncle Heinrich Ulrich à Apolda que le maître fondeur apprit le métier. Il devint ensuite directeur de la fonderie suisse de Staad près de Rorschach dans le canton de Saint Gall. Czudnochowsky racheta la fonderie d’Erding en 1936. Il y a coula non seulement des cloches de bronze – comme c’est le cas pour Urdorf – mais aussi en alliage cuivre-zinc, moins coûteux. A cela s’ajoutent des profils relativement légers en comparaison d’autres fondeurs germaniques. La plus importante réalisation de Czudnochowsky est le bourdon en fa2 de l’église Saint-Pierre de Munich (7’000kg). Au chapitre des sonneries complètes, citons les huit cloches en fa2 de l’abbaye espagnole de Montserrat (bourdon de 6’400kg). Les activités de fonderie d’Erding furent reprises à sa fermeture par Perner de Passau.

Les cloches d’Urdorf sont réalisées en profil relativement léger : le bourdon en la2 ne pèse en effet que 3’182kg. Le peu d’espace disponible dans l’étroit clocher est rentabilisé au maximum. L’accès à la chambre des cloches s’effectue par une échelle droite sur toute la hauteur. Une configuration suffisamment vertigineuse pour que la paroisse exige la signature d’une décharge avant d’autoriser la montée. Une échelle amovible équipée pour harnais de sécurité permet ensuite au campaniste dûment harnaché de se hisser aux petites cloches. Il n’y pas de beffroi, les paliers des cloches reposent sur des consoles de béton. La rénovation de 2012 coïncida avec le remplacement des battants des cinq cloches par la maison Muff.

Quasimodo remercie chaleureusement :
Père Maximilian Georg Kroiß , curé
M. Robert Eigenmann, président du Conseil de paroisse
M. Nue Cena, membre du Conseil de paroisse
M. Carlo D’Antonio, sacristain
… ainsi que John Brechbühl, membre de la GCCS, pour l’organisation et son aide indispensable à la réalisation de ce reportage.

Sources :
Pfarrei Hl Bruder Klaus Urdorf ZH, Maximilian Georg Kroiss, édité par la paroisse
https://de.wikipedia.org/wiki/Erdinger_Glockengie%C3%9Ferei

Cloches – Payerne (CH-VD) l’Abbatiale et l’église paroissiale réformée

Les cloches de la plus grande église romane de Suisse et de sa voisine gothique dans un même ensemble campanaire

-Cloche 1 (Abbatiale), note si2 +34/100, diamètre 170cm, coulée en 1603 par Pierre Guillet de Romont
-Cloche 2 (Abbatiale), note ré3 +22/100, diamètre 135cm, coulée en 1577 par Franz Sermund de Bormio établi à Berne
-Cloche 3 (église paroissiale), note fa#3 +3/100, coulée en 1510
-Cloche 4 (Abbatiale), note si3 +86/100, diamètre 70cm, coulée en 1577 par Franz Sermund de Bormio établi à Berne

L’Abbatiale de Payerne est la plus grande église romane de Suisse. Ce somptueux édifice se dresse sur l’emplacement d’une villa romaine. Le premier édifice chrétien en ces lieux fut une chapelle dédiée à la Vierge consacrée en 587. Une église monastique l’a remplacée probablement au entre le VIIIe et le Xe siècle. La construction de l’actuelle église abbatiale a débuté vers le milieu du XIe siècle. La taille imposante de l’édifice s’explique par le fait que la vie religieuse était alors d’une grande ferveur à Payerne. Peut-être sous l’impulsion de Berthe de Souabe – la fameuse reine Berthe – mais surtout grâce à sa fille Adélaïde, épouse de l’empereur Othon Ier, la communauté se voit rattachée au grand monastère bénédictin de Cluny, en France. En 1536, les Bernois envahissent le Pays-de-Vaud et Payerne devient réformé. Les bâtiments abbatiaux sont pour la plupart remplacés au fil des ans, même si le plan du cloître est plus moins conservé. L’église, elle, devient tout à tour grenier à grain, cantonnement militaire, prison et local des pompes. Il est également établi que le fondeur Jean Richenet y a coulé des cloches pendant deux ans au moins avant de s’établir à Vevey en 1646. En témoigne la petite cloche de l’école, aujourd’hui déposée. Ce n’est qu’à la toute fin du XIXe siècle, à la faveur du mouvement romantique, qu’on prend conscience de l’intérêt de ce patrimoine. Le 14 septembre 1892, le professeur zurichois d’histoire de l’art Johann-Rudolf Rahn tient à Payerne un discours qui sera déterminant pour l’avenir de l’église abbatiale. Il la qualifie de monument voûté de style roman le plus grandiose de Suisse. Le site devient alors le théâtre de fouilles et de restaurations successives tout au long du XXe siècle. D’importants travaux de consolidation ont été menés dès les années 20100. Des tirants, invisibles aux yeux des visiteurs, ont été forés à l’intérieur des murs afin d’en assurer la stabilité. Au moment où cet article est rédigé, la réfection en est à la phase intérieure de l’édifice. Elle devrait se terminer courant 2020.

A l’est de l’Abbatiale, à quelques dizaines de mètres, se dresse l’église paroissiale de Payerne. Egalement dédié à Notre-Dame, tout comme l’Abbatiale, cet intéressant édifice gothique présente un plan plus simple : choeur quadrangulaire, transept non saillant et plafond plat de bois. Il servait les habitants de la ville alors que l’Abbatiale était réservée aux moines. L’église paroissiale abrite depuis le XIXe siècle le tombeau de la reine Berthe : ses prétendus ossements que l’on a cru retrouver dans l’avant-nef de l’Abbatiale qui servait alors de prison, ont été déplacés en grandes pompe dans l’église paroissiale. L’usage populaire veut également qu’y était conservée la selle de la reine qui présentait la particularité d’avoir une ouverture sur l’un des côtés permettant d’y glisser le bâton d’une quenouille. Le temple dispose d’un magnifique orgue Melchior Grob de 1784. Deux cents tuyaux d’époque subsistent aujourd’hui encore. Signalons que l’abbatiale voisine a reçu en 1999 un orgue Ahrend de conception italienne. Les orgues de Payerne possèdent la particularité d’être accordés sur… les cloches ! Le diapason payernois est ainsi un la3 de 422Hz.

Les cloches de l’abbatiale et de l’église paroissiale forment un seul et même ensemble campanaire depuis les travaux d’accordage menés par Auguste Thybaud. Avant 1895, les trois cloches du clocher abbatial donnaient les notes si2, ré3 et si bémol 3. La cloche du temple, elle, sonnait en mi3. La petite cloche en si bémol fut limée à la pince de manière à faire monter sa note. L’accordage ne fut pas exécuté avec une grande précision : la note est aujourd’hui plus proche du do4 ! A noter que cette cloche n’a rejoint le clocher abbatial qu’en 1784 : elle avait été coulée pour une des portes de la ville aujourd’hui disparue (tour de Berne). La cloche de l’église paroissiale, fondue en 1708 par Gédéon Guillebert de Neuchâtel, fut revendue à Mézières (VD). C’est aujourd’hui la plus grande cloche de ce temple du Jorat. L’actuelle cloche en fa#3 de Payerne provient du temple d’Aubonne. Cette belle cloche gothique de 1510 possède des traces d’alésage intérieur qui nous indiquent que sa note a été abaissée, sans doute d’un demi-ton.

Détails des cloches
-Cloche 1 (Abbatiale) : Aujourd’hui, si vous oyez la Voix de Dieu, n’endurcissez pas vos cœurs comme vos pères dans le désert. La cloche arbore aussi Dieu conduit sous les armoiries de Payerne. On peut y lire le nom de Joseph Gaillet avoyer de Payerne et de Jean Bondy, banderet de Payerne. La signature du fondeur consiste en un cartouche entouré de trois anges entourant PETRUS GUILLET ROTOMOTANUS ME FECIT. Une des anses s’étant rompue, la cloche a été percée en son cerveau pour assurer une meilleure fixation au joug.
-Cloche 2 (Abbatiale) : « Cloche des heures » Seigneur, fais-moi ouïr Ta bénignité, car nous nous assurons en Toi, PS 143. Cette cloche sonne tous les jours à midi et 20h.
-Cloche 3 (église paroissiale) : « Cloche des morts », elle sonne pour les cérémonies funèbres.
-Cloche 4 (Abbatiale) : « Cloche du feu » Dieu seul sage, honneur et gloire et Payerne a ses dépens me fayet en l’an 1577.
-Ancienne cloche de l’école, déposée : IGNE SONUES PERIIT. REDIIT RENOVATUS EODEM 1646 (le son a péri, il est revenu par le même feu en 1646, allusion à l’incendie de 1646). TOBIE BANQUETA, Banderet de Payerne, 1646. JAN RICHENET de Payerne m’a fondue

Quasimodo remercie :
Julia Taramarcaz, conservatrice du musée de l’Abbatiale de Payerne, pour son chaleureux accueil et sa disponibilité.
Benoît Zimmermann, organiste titulaire, pour le magnifique récital d’orgue et les explications fournies.
… ainsi que mes amis Pascal Krafft, expert campanologue à Ferrette (prise de son) et Allan Picelli, sacristain à Maîche (plans vidéo mobiles, certaines photos)

Sources :
La musique dans le canton de Vaud au XIXe siècle, Jacques Burdet, Payot 1971
http://www.abbatiale-payerne.ch/abbatiale/historique/
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_r%C3%A9form%C3%A9e_Notre-Dame_de_Payerne
http://www.mepayerne.ch/index.php?option=com_content&task=category&sectionid=4&id=36&Itemid=27
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1540-11-6-1/

Cloches – Marly (CH-FR) église Saints-Pierre-et-Paul

Restauration d’envergure pour cette sonnerie partiellement historique

-Cloche 1, note do#3 +22/100, poids 2’032 kg, coulée en 1645 par Jacob Kugler (Kegler le jeune) de Fribourg
-Cloche 2, note mi3 +6/100, poids 1’062 kg, coulée en 1956 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 3, note fa#3 +27/100, poids 768 kg, coulée en 1956 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 4, note la#3 -9/100, poids 600 kg, coulée en 1574 par Jacob Kegler de Fribourg
-Cloche 5, note do4 +7/00, poids 214 kg, coulée en 1742 par Joseph Klely de Fribourg

La paroisse de Marly figure parmi les plus anciennes du canton de Fribourg. Mentionnée au XIIe siècle, l’église est visitée par Mgr Georges de Saluces en 1453. L’évêque ordonne alors d’agrandir les quatre fenêtres. Dans son dictionnaire des paroisses, le Père Deillon suppose qu’il s’agissait à l’époque encore d’un édifice du Xe au XIe siècle avec des fenêtres très étroites, de 20 à 30 centimètres de largeur. Une reconstruction ou du moins agrandissement important semble avoir été mené en 1540, mais c’est à partir 1785 qu’est édifiée l’actuelle église Saints-Pierre-et-Paul. La sacristie au rez-de-chaussée du clocher correspond au chœur de l’ancien sanctuaire. Consacrée en 1787 par Mgr de François Lenzbourg, évêque de Lausanne, l’église se voit agrandie d’une travée à l’ouest en 1878. Le curé Boschung, arrivé en 1966 de Murist où l’église était neuve, émet l’idée d’un nouveau bâtiment. Certains paroissiens sont d’ailleurs acquis à la cause ! On préfère finalement – et fort heureusement – rafraîchir la vénérable construction. Une série de chantiers sont alors menés tout au long de la dernière moitié du XXe siècle. Les étapes les plus marquantes furent : le rachat du somptueux maître-autel baroque de l’abbaye d’Hauterive en 1973 ; la restauration et la valorisation en 1982 du mobilier liturgique ancien, dont les fonts baptismaux de 1511 ; l’inauguration en 1983 de l’orgue Füglister.

La sonnerie hétérogène est composée de cinq cloches coulées à quatre différentes époques. Nous avons ici une démonstration grandeur nature de l’évolution de l’art campanaire fribourgeois au travers de trois générations successives de fondeurs locaux. La cloche no4 – la plus ancienne – porte sur son col l’inscription suivante : von der hitz bin geflossen / Jacob Kegler hat mich gossen / 1574. Jacob Kegler l’ancien, originaire de Romont, est le cousin germain de Pierre Guillet, lui aussi fondeur de cloches. Venu s’établir à Fribourg, J.K. choisit de germaniser son patronyme afin de se faire admettre dans la bourgeoise privilégiée. Sa plus importante réalisation semble avoir été le bourdon de Romont en 1577, que le Bernois Franz Sermund fut appelé refaire deux ans plus tard. La cloche de Marly porte des traces d’accordage, vraisemblablement datées de 1956, date de l’agrandissement de la sonnerie. La grande cloche, datée de 1645, arbore : Jacob Kugler gosmich in Fribourg anno D. MDCXLV Jésus Maria. Tartara divino sonitu quoque fulgura franco. Ad templum gementes convoco patricos. Kugler variante de Kegler –  semble être le petit-fils de Jacob Kegler précédemment mentionné. Installé Planche-Supérieure en Basse-Ville de Fribourg, Kugler se voit attribuer en 1608 le monopole de la fonderie dans toute la seigneurie de Fribourg. Ceci concerne non seulement la fonte des cloches, mais aussi la fabrication d’armes et de goulots de fontaines. La plus petite cloche porte des ornements typiquement baroques comme une frise florale et des feuilles de laurier. On peut y lire : Collo festa, fulmina frango, defunctos plango. 1742. J. K. G. M. Il s’agit là de la signature de Joseph Klely, l’un des représentants – et même le dernier – de la lignée qui succéda aux Kegler/Kugler aux commandes de la fonderie de Fribourg. Deux cloches furent ajoutées en 1956. Offertes par de généreux paroissiens, elles arborent la signature de Ruetschi d’Aarau, mais aussi les noms de leurs principaux donateurs et de leurs parrains et marraines. Pour la cloche no2 : parrains Germain Blanchard et Pierre Portman, marraines Louise Brugger et Lucie Bays. Pour la cloche no3 : parrain Heinri de Gendre, marraine Lina Biland. Ces noms ayant été gravés après la coulée, on peut supposer que les généreux donateurs ont pris du temps à se faire connaître ! Do# mi fa# la# do… on peut s’étonner de la suite de notes égrenée par les cinq cloches après l’agrandissement de la sonnerie en 1956, et tout spécialement du triton entre les cloches 3 et 5. Les archives de la maison Ruetschi mentionnent les notes do# mi fa# la do. Mon hypothèse est la suivante : aux vues des partiels très hauts de la cloche no4, je suppose que son accordage a quelque peu raté et que la note voulue était effectivement un la. On aurait donc cherché à créer un motif de type Parsifal entre les quatre plus grandes cloches. La cloche 5, comme c’est souvent l’usage dans la région, devait être prévue pour sonner l’Agonie en solo. Mais ceci n’est évidemment qu’une théorie…

La sonnerie de Marly vient de bénéficier d’une importante restauration :
-Restauration du joug de la grande cloche et de ses ferrures.
-Nouveaux jougs pour les quatre autres cloches.
-Nouveaux battants forgés en acier doux pour les cinq cloches.
-Nouvelle centrale électronique de gestion des moteurs de volée, nouveau moteur de volée pour la grande cloche.
-Nouvelles roues de volée, nouveaux paliers.
-Révision du dispositif de tintement mécanique.
-Révision de l’électro-tinteur des angélus sur la cloche 2.
-Consolidation du plancher.
-Exposition dans le clocher des jougs en chêne des cloches 4 et 5, exposition des battants d’origine des cloches 2 et 3.

Comparatif : à gauche, la cloche 2 avec son joug en acier de 1956. A droite, le nouveau joug de chêne et ses ferrures forgées main

Sources :
Marly son histoire au fil de la Gérine, édité par la société de développement de Marly et environs
Dictionnaire historique et statistique des paroisses du canton de Fribourg volume 8, Père Apollinaire Deillon, imprimerie Saint-Paul, 1896
Le patrimoine campanaire fribourgeois, éditions Pro Fribourg, 2012
http://www.diesbach.com/sghcf/l/lenzbourg.html

Quasimodo remercie chaleureusement :
Le Conseil de paroisse de Marly, et plus spécialement M. Roland Bruegger, responsable des bâtiments.
L’entreprise MECATAL, campaniste ; son directeur Jean-Paul Schorderet et ses collaborateurs François et Olivier.
… de même que mon camarade campanaire Allan Picelli « le sonneur comtois », sacristain à Maîche.

BONUS : article paru dans le journal fribourgeois LA LIBERTE du 17 juillet 2018 (cliquer pour agrandir)