Cloches – Romont (CH-FR) collégiale Notre-Dame de l’Assomption

Dotées d’un nouvel équipement, les cloches de la collégiale de Romont sont désormais dix, et non plus neuf, à donner de la voix pour les grandes fêtes.

C’est une des sonneries les plus imposantes de Suisse romande, mais aussi une des plus riches sur le plan historique, qui se cache sur les hauteurs de la colline de Romont. Alors qu’elles n’étaient jusqu’en 2016 que neuf, elles sont aujourd’hui dix cloches à résonner pour les solennités. La cloche no 10, désaffectée depuis les années 1930, a enfin retrouvé du service. Et contrairement à ce qu’on jugeait au XXe siècle, elle s’accorde parfaitement avec ses sœurs !

Une collégiale de style gothique rayonnant – C’est vers l’an 1240 que débuta la construction de la collégiale Notre-Dame de l’Assomption de Romont. Si l’incendie de 1270 ralentit les travaux, ceux-ci eurent vite fait de reprendre, de sorte que la bénédiction put se dérouler en 1296. Mais en 1434, un nouvel incendie, plus important celui-là, ravagea la cité et détruisit une bonne partie du sanctuaire. C’est finalement en 1456 que la collégiale prit plus ou moins la forme que nous lui connaissons actuellement, dans le style gothique rayonnant. Le Calvaire qui surmonte la grille du chœur montre le Christ en croix (XVe siècle) encadré par la Vierge et Saint-Jean (fin du XVIIe). Les stalles ont été sculptées en 1464.  La chapelle du Portail abrite une sculpture de la Vierge à l’Enfant de la fin du XIIIe siècle. Et comment oublier les vitraux ! Les superbes œuvres médiévales côtoient une verrière consacrée à la Vierge de la fin du XIXe siècle au chœur, les douze apôtres d’Alexandre Cingria (1938) dans les fenêtres hautes de la nef, le cycle marial de Yoki (1968) dans la chapelle du Portail, et les prophètes de Sergio de Castro (1981). Notons enfin le décor peint des voûtes imaginé par Cingria et réalisé par Yoki.

Evidemment que les cloches antérieures à l’incendie de 1434 ne nous sont pas parvenues. En 1476, les Fribourgeois emportèrent plusieurs cloches comme butin de guerre suite à la bataille de Morat. La cloche 6 échappa miraculeusement à ce pillage. Tourmentée est également l’histoire du grand bourdon, coulé une première fois en 1520 par Nicolas Balliet. Jugé de qualité trop médiocre, il fut renvoyé au four en 1577. Mais c’est une cloche déjà fêlée qui fut présentée au Conseil par Jacques Guillet et Jean Barge. C’est finalement Franz Sermund, le fondeur bernois bien connu (on lui doit le bourdon de la cathédrale de Lausanne et la cloche de midi de la cathédrale de Berne), qui coula le magnifique si bémol2. Ce bourdon en profil ultra-lourd, avec ses 5’700 kg, se trouve être la 2e plus grosse cloche du canton, après le sol2 de la cathédrale de Fribourg (7’000kg). Quatre nouvelles cloches sont arrivées de la fonderie Ruetschi en 1931. Leurs décorations sont l’œuvre de Gino Severini, grand ami de Picasso. Elles semblent remplacer plusieurs cloches gothiques, dont la cloche de midi, datée de 1507. Cette cloche avait déjà dû être refaite successivement par Jacolet de Payerne en 1836 (très vite fêlée) et François Bulliod de Carouge en 1838. On admirera les décors particulièrement soignés des cloches 8 et 9. Leur métal fut fourni gratuitement par Fribourg, à la condition expresse de voir figurer les noms de Leurs Excellences, de même que les armes du Saint-Empire et celles de la ville. La cloche 9, amputée de ses anses vraisemblablement au XIXe siècle, s’est vu offrir – à l’occasion de ces travaux de rénovation – de nouvelles « oreilles » dans l’esprit de sa contemporaine.

(>> voir l’ancien équipement de la sonnerie)

-Cloche 1, bourdon, sib2, Franz Sermund, Berne, 1579, diamètre 200cm, poids environ 5’700kg
-Cloche 2, ré3, Claude de Genève, 1510, diamètre 157cm
-Cloche 3, cloche de midi, mib3, Ruetschi, 1931
-Cloche 4, cloche du Clergé, fa3, Ruetschi, 1931
-Cloche 5, cloche de Ste Thérèse, sol3, Ruetschi, 1931
-Cloche 6, la3, Guillaume Chaufornier, 1434
-Cloche 7, cloche de St Pierre Canisius, sib3, Ruetschi, 1931
-Cloche 8, do4, 1495
-Cloche 9, fa4, 1495
-Cloche 10, lab4, début du XVIe siècle
[Dans le clocheton occidental: cloche de l’Agonie, lab4, Joseph Klely, 1736]

La grande rénovation de la sonnerie, effectuée entre l’été et l’hiver 2016 par la maison Mecatal de Broc, a consisté à :
-Rendre ses anses à la cloche 9.
-Remettre en service la cloche 10, muette depuis 1931.
-Confectionner un joug en chêne pour la cloche 2, accrochée depuis sa motorisation à un rail en acier de type « Bochud ».
-Rénover, voire refaire certains des jougs en bois vétustes et leurs ferrures dans l’esprit historique.
-Equiper toutes les cloches de nouveaux battants en acier doux à chasse courte et d’une nouvelle motorisation (sur la vidéo, le bourdon dispose encore de son ancienne motorisation, changée depuis).
-Munir les cloches 1, 3, 4, 5 et 7 de nouveaux marteaux de tintement de type « frappe lâchée »
A noter que les cloches de 1931 gardent leurs jougs en acier qui ont été restaurés. Le beffroi sur trois niveaux n’est en effet pas conçu pour les surmonter de moutons en chêne.

On peut saluer ici le savoir-faire d’une petite entreprise de la région hautement spécialisée dans l’installation, la maintenance et la mise en valeur historique du patrimoine campanaire.

Je remercie chaleureusement :
-M. Benoît Chobaz, président de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption.
-M. l’abbé Martial Python, doyen de l’Unité Pastorale Bienheureuse Marguerite Bays
-M. Matthias Walter, expert-campanologue
-M. François Guex, collaborateur scientifique aux biens culturels de l’Etat de Fribourg
-La maison MECATAL, ses campanistes et tout spécialement son directeur, M. Jean-Paul Schorderet.
-Mes amis campanophiles Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice et Taninges ; Allan Picelli, sacristain à Maîche ; Guilhem Lavignotte, organiste titulaire à Yverdon-les-Bains ; Philippe Simonnet, membre de la SFC ; John Brechbühl et Romeo dell’Era, membres de la GCCS ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers

Sources :
« La Collégiale de Romont », par Aloys Lauper, éditions Pro Fribourg 1996
« Le patrimoine campanaire fribourgeois », divers auteurs, éditions Pro Fribourg, 2012
https://www.romontregion.ch/fr/P5828/collegiale-notre-dame-de-l-assomption

A consulter :
http://www.romont.ch/
Mon article de 2013 avec l’ancien équipement

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