Cloches – Villaraboud (CH-FR) église Saint-Laurent

Un fondeur issu d’une grande famille patricienne fribourgeoise réalise une petite beauté baroque

-Cloche 1, note fa 3 +31/100, coulée en 1902 par Charles Arnoux à Estavayer-le-Lac
-Cloche 2, note la bémol 3 +35/10, coulée en 1961 par Ruetschi à Aarau
-Cloche 3, note si bémol 3 +72/100, coulée en 1806 par Pierre Dreffet à Vevey
-Cloche 4, note mi 4 +77/100, coulée en 1660 par Hans-Christoffel Klely et Franz Bartholome Reyff de Fribourg

La paroisse de Villaraboud (à ne pas confondre avec Villarimboud) est déjà mentionnée en 1228. L’église est alors très petite, mais elle suffit à la population de l’époque. Seuls sept foyers sont mentionnés lors de la visite pastorale de 1453, ce qui représente une soixantaine d’âmes. Le Père Apollinaire Deillon rapporte que « le cimetière n’était pas clôturé, les chars petits et grands y avaient libre parcours, tous les animaux de la localité pouvaient y séjourner librement ». En 1647, les paroissiens demandent qu’on restaure leur église. Mais Fribourg, qui s’est emparé du patronage, refuse d’accéder à leur demande. Ce n’est en 1868 qu’est consacrée l’actuelle église Saint-Laurent de Villaraboud. Les travaux de maçonnerie sont confiés à un certain Mauron, qui a la bonne idée d’utiliser les blocs erratiques dispersés dans les champs alentours. Le maître d’ouvrage s’appelle François-Joseph Grimm. Ce maître-maçon et entrepreneur originaire du Bas-Rhin, établi à Romont, est chargé en 1852 de reconstruire l’hôpital du chef-lieu glânois, détruit par un incendie. Et c’est suite à un autre sinistre, en 1863, que le même entrepreneur reçoit le mandat de consolider les voûtes de la collégiale de Notre-Dame de l’Assomption. La paroisse regroupe aujourd’hui Siviriez, Villaraboud, Chavannes-les-Forts, Prez-vers-Siviriez, la Pierraz, Le Saulgy et Villaranon. Ces villages, jadis entités indépendantes, ont rejoint la commune de Siviriez lors de la fusion de 2004. Située quelque peu en retrait des grands axes Romont-Bulle et Romont-Oron, Villaraboud occupe une belle position dominante sur le vallon de la Glâne, la rivière qui a donné son nom au district créé en 1848 après la guerre du Sonderbund.

La grande cloche
PATRINUS ALPHONSUS GOBET-PERRET / MATRINA MARIA DUMAS / ME FECIT CAROLUS ARNOUX EX ESTAVAYER LE LAC / ANNO 1902 / DEUM LAUDO / VIVOS VOCO / MORTUOS PLANGO
Il s’agit – à mon avis – de l’une des plus belles cloches coulées par Charles Arnoux (1843-1925). Ce fondeur originaire de Morteau (F-25) commence à seconder son père, Constant (1806-1877) lui aussi fondeur, alors qu’il est encore adolescent. Père et fils collaborent entre 1857 et 1861 à la sonnerie monumentale de Gruyères où ils prennent un temps domicile. Arnoux père et fils travaillent à tour de rôle comme contremaître pour une autre dynastie de fondeurs de cloches de Morteau : les Bournez. Charles reprend à son compte l’atelier provisoire que François-Joseph Bournez le jeune avait établi à Estavayer-le-Lac en 1871. Il y exploite avec succès jusqu’à sa mort la dernière fonderie de cloches monumentales de Suisse romande.

La cloche no2
SANCTE LAURENTI CONFESSUS ES NOMEN DOMINI JESU CHRISTI ORA PRO NOBIS / PARRAIN FRANCOIS MAURON / MARRAINE ANTONIE DUMAS / JOSEPH CHASSOT CURE / ANDRE MAURON PRESIDENT / 1961 / FONDERIE DE CLOCHES H. RUETSCHI SA AARAU
Cette cloche, très certainement la refonte d’une cloche plus ancienne, a été coulée par Ruetschi d’Aarau, la dernière fonderie suisse de cloches monumentales toujours en activité. La première génération Ruetschi, formée des frères Jakob et Sebastian, rachète en 1824 la fonderie de Johann Heinrich Bär, leur ancien employeur. Le premier fondeur argovien mentionné avec certitude est Jakob Reber qui coula en 1367 la cloche dédiée à Sainte-Barbe de la cathédrale de Fribourg, toujours existante.

La cloche no3
MARIE ANNE ROULLIER MARRAINE  / AUGUSTIN DUMAS PARRAIN / PIERRE DREFFET FONDEUR A VEVEY M’A FAITE 1806.
La cloche porte sur son col les traditionnelles têtes d’angelots qu’on retrouve régulièrement chez Pierre Dreffet (1752-1835). Ce fondeur, originaire de Coppet et établi à Vevey, confectionna de nombreuses cloches pour le canton, la plupart de belle facture. Sa plus importante réalisation est le bourdon de Châtel-Saint-Denis, pesant près de 3 tonnes . Succéderont à Pierre Dreffet à la tête de la fonderie veveysanne, mentionnée dès 1626 : son neveu Marc Treboux (qui fut un temps son associé), puis Samuel Treboux et Gustave Treboux.

La petite cloche
GRATIA PLENA DOMINUS TECUM 1660 / HANS CHRISTOFFEL KLELY UND FRANTZ BARTHOLOME REYFF GOSSEN MICH.
Cette cloche, richement ornée de décors floraux et de festons, arbore un magnifique cartouche avec le nom de ses fondeurs. Y figure le canon et le trèfle des Klely, de même qu’une cloche et les armoiries de la famille Reyff : trois cercles emboîtés. Cette petite cloche est donc l’œuvre conjointe de Jean-Christophe Klely (?-1641) et de François-Barthélémy Reyff (1622-1664). Ce Klely est le premier fondeur de cloches d’une lignée qui essaima de nombreux descendants. Jean-Christophe semble avoir appris le métier avec Jakob Kegler le jeune, son prédécesseur comme fondeur officiel de Fribourg. François-Barthélémy Reyff, lui, est membre de la célèbre famille patricienne fribourgeoise de peintres, de sculpteurs et de magistrats. Celui qui semble être le seul de la lignée à avoir embrassé la carrière de fondeur de cloches occupa également de hautes fonctions politiques : F-B R. fut en effet bailli d’Illens et receveur de l’impôt.

Equipement
Les quatre cloches sont accrochées à des montures en acier : joug d’origine Ruetschi pour la cloche no2, rails en acier réalisés par l’entreprise Bochud vers la moitié du XXe siècle pour les trois autres. Les battants, de même que la motorisation, ont été récemment remplacés par la maison Muff. Le beffroi a été renforcé. Il n’y a ni cadran d’horloge ni dispositif de tintement horaire. Photo : A gauche, les anciens battants des cloches 3 et 4 ; à droite, l’équipement actuel

Sources :
« Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg volume 12 » Père Apollinaire Deillon, imprimerie Saint-Paul 1903
« Romont, cité à découvrir » Aloys Lauper, éditions Pro Fribourg, 1994.
« Le patrimoine campanaire fribourgeois », divers auteurs, éditions Pro Fribourg, 2012
http://www.upglane.ch/paroisses/siviriez-villaraboud
https://www.geni.com/people/Constant-Arnoux/6000000010046948656
http://www.bernergeschlechter.ch/humo-gen/family.php?id=F66313&main_person=I200065

Quasimodo remercie
-Laurent Clerc, vice-président de la paroisse de Siviriez-Villaraboud, pour son aimable autorisation
-Mes amis Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice, et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers, pour leur indispensable collaboration et les moments d’amitié.

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