Archives de catégorie : CH-Vaud

Cloches – Romainmôtier (CH-VD) abbatiale

Des sonorités baroques pour ce chef-d’œuvre de l’art roman

-Cloche 1, note ré bémol 3 +40/100, diamètre 146cm, poids environ 1’900kg, coulée en 1723 par Felix Felix de Feldkirch.
-Cloche 2, note sol bémol 3 +31/100, poids environ 650kg, coulée en 1595 par Abraham Zender de Berne.
-Cloche 3, note si 3 +48/100, poids environ 275kg, coulée en 1810 par Jean-Baptiste Pitton de Carouge.

La plus ancienne église romane de Suisse – Il y a quelques semaines, je vous présentais l’abbatiale de Payerne, la plus grande église romane de Suisse. Aujourd’hui, place au plus ancien édifice de ce style toujours existant dans le pays : l’abbatiale de Romainmôtier. On ne peut être que frappé par la beauté du cadre. Si Romainmôtier fait partie de l’association des plus beaux villages de Suisse, ce n’est de loin pas usurpé. La verte vallée du Nozon est comme un écrin destiné à faire scintiller les murailles et les toitures ancestrales. Si on ne percevait pas de temps à autre le vrombissement d’une voiture, on s’attendrait à voir surgir au détour d’un chemin un moine dans sa charrette tirée par un âne. Le temps semble en effet s’être arrêté à Romainmôtier… une sorte de douce torpeur dans laquelle le visiteur d’un autre âge prend plaisir à se pelotonner un trop bref instant.

L’abbaye de Romainmôtier, ce sont onze siècles d’histoire. Du premier édifice religieux dressé par saint Romain et saint Lupicin au Ve siècle, à la Réforme proclamée par l’envahisseur bernois en 1536, on assiste à la montée en puissance de la communauté qui rejoint l’ordre de Cluny au Xe siècle et bénéficie de la protection des seigneurs bourguignons. En 1049, le pape Léon IX menace même d’excommunier quiconque tentera de porter atteinte à l’abbaye et à ses possessions. L’église est édifiée sur le modèle de la deuxième église de Cluny dans le premier tiers du XIe siècle. Le narthex sur deux étages était doté à l’origine de deux tours. Deux importants incendies à la fin du XIIe siècle obligent à la reconstruction des voûtes de la nef et du cloître. Ce dernier disparaît hélas à la Réforme. L’église nous est par bonheur parvenue, de même qu’une grande partie de l’enceinte monastique avec la maison du prieur. On y célèbre aujourd’hui le culte protestant. Romainmôtier est aussi depuis 2003 un haut lieu de l’œcuménisme romand grâce à la Fraternité Oecuménique de Prière qui reçoit sa mission conjointement du Conseil synodal de l’Eglise évangélique réformée et du vicariat épiscopal de l’Eglise catholique. L’église abbatiale possède deux orgues remarquables : le grand orgue placé dans le transept sud a été réalisé par la manufacture de Chézard-Saint-Martin. Le petit orgue de la chapelle au premier étage du narthex a été conçu par Luigi-Ferdinando Tagliavini et construit par Kuhn de Männedorf. Il s’agit d’un don de la fondation Jehan Alain.

La plus grande des trois cloches porte la signature de Felix Felix von Veltkirch. Ce fondeur, originaire du Voralberg en Autriche (la localité s’épelle aujourd’hui Feldkirch) était établi à Berne quand il a travaillé pour Romainmôtier, comme en témoigne la griffe Du feu je suis sortie , Félix de Veltkirch m’a fondue à Berne. L’artisan est également mentionné comme fabricant de pièces d’artillerie pour Lucerne en 1739. Un certain Christian Felix von Feldkirch semble lui avoir succédé. On trouve en effet son nom sur deux cloches coulées en 1765 à Coire pour la paroisse grisonne de Falera (église Saint-Rémi). La cloche de Romanmôtier porte les noms et les fonctions (en allemand) de plusieurs édiles locaux dont Louis de Wattenwyl, maître des sceaux dans les pays Welsches (ndlr : pays romand) ; Michel Augsurger, Banneret (ndlr : porte-drapeau) ; Emmanuel Wurstemberger, Banneret ; Jean Muller, Banneret ; F.-Louis Morlot, Banneret ; Jean Fischer, Sautier (ndlr : huissier) ; Jean-Rodolphe Willading, Bailli (ndlr : gouverneur) ; Jean-Rodolphe Wurstemberger, receveur de l’Ohmgeld (ndlr : percepteur) et directeur de la Monnaie. Sur l’autre côté de la cloche figurent les armoiries de Berne et de quelques grandes familles dans une facture impeccable. On peut encore lire – toujours en allemand – Pieux Chrétien je te rappelle à ton Sauveur Jésus-Christ, car, hors de lui, il n’y a ni salut ni vie. Peut-être une allusion au Major Davel, le patriote vaudois exécuté pour insurrection la même année que la cloche fut coulée. La cloche semble n’avoir été hissée qu’en 1726. En témoigne la date peinte sur l’oculus aménagé spécialement pour l’occasion.

La deuxième cloche est la plus ancienne. Datée de 1595, elle est l’œuvre d’Abraham Zender de Berne. Ce successeur de Franz Sermund coula en 1611 – avec la collaboration du zurichois Peter Füssli – le bourdon de la collégiale de Berne, d’un poids de près de 10 tonnes. On lui doit aussi le bourdon du temple Saint-Martin de Vevey (si bémol, année 1603). On peut lire sur la cloche de Romainmôtier (en latin) La parole du Seigneur est éternelle. Puis en en allemand : O homme ! Chaque fois que par mes sons je t’indique l’heure du jour ou de la nuit, réfléchis sérieusement au but et à la fin de ta vie / Coulée par le feu, Abraham Zender m’a fondue à Berne, 1595. La cloche est ornée de très belles scènes de chasse. Elle porte également les empreintes de véritables feuillages. Des traces d’accordages récentes sont visibles à l’intérieur.

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La petite cloche a été coulée pour le temple Saint-François de Lausanne. Après le grand chantier d’accordage des cloches lausannoises mené par Auguste Thybaud à la fin du XIXe siècle, le chef-lieu vaudois se retrouve avec plusieurs cloches inutilisées sur les bras. Ces cloches sont alors revendues d’occasion. L’une d’elles arrive en 1897 à Romainmôtier. Elle porte les inscriptions suivantes : VILLE DE LAUSANNE 1810 POUR LE SERVISSE (sic) DE L’EGLISE DE ST-FRANCOIS / FAITE PAR JEAN-BAPTISTE PITTON MAÎTRE FONDEUR A CAROUGE 1810. L’artisan, originaire de Châtillon-en-Michaille, est surtout connu pour avoir eu comme apprenti un certain Antoine Paccard, premier représentant d’une longue lignée de fondeurs toujours existante. Les ornements de cette petite cloche sont chiches en comparaison de ses grandes voisines. Le haut de la robe porte les habituelles guirlandes néo-classiques du XIXe siècle. Le cartouche, lui aussi d’une grande sobriété, indique le nom du fondeur sur fond de draperie. Cette cloche pourrait remplacer une ancêtre de 1753 que Blavignac mentionnait dans son étude campanaire de 1877. On constate en outre que la même travée porte – face à la petite cloche – les traces de fixation d’une cloche plus grande. L’achat d’une quatrième cloche était-il prévu ?

Une petite cloche déposée se trouve dans l’entrée de la maison du prieur. Datée de 1654, elle est fortement endommagée (éclat de balle, fêlures, grosse ébréchure à la pince).

Quasimodo remercie :
Nicolas Charrière, pasteur à la paroisse réformée de Vaulion-Romainmôtier.
Soeur Madeleine Chevalier.
Olivier Grandjean, campanophile et collectionneur de sonnailles.
… ainsi que mes fidèles amis Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice ; Allan Picelli, sacristain à Maîche ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources :
Cloches de l’église de Romainmôtier, documentation rassemblée par Olivier Grandjean en 2004 basée sur les publications suivantes : Histoire de Romainmôtier , édition 1928 ; Sites et villages vaudois, éditions Cabédita ; La Cloche, Etudes sur son histoire et sur ses rapports avec la société aux différents âges, John-Daniel Blavignac, Paris, 1877.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbatiale_de_Romainm%C3%B4tier
https://www.cath.ch/newsf/fraternite-oecumenique-de-romainmotier-loecumenisme-quotidien/
https://query-staatsarchiv.lu.ch/detail.aspx?ID=1469502
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1938-11-6-1/

Cloches – Payerne (CH-VD) l’Abbatiale et l’église paroissiale réformée

Les cloches de la plus grande église romane de Suisse et de sa voisine gothique dans un même ensemble campanaire

-Cloche 1 (Abbatiale), note si2 +34/100, diamètre 170cm, coulée en 1603 par Pierre Guillet de Romont
-Cloche 2 (Abbatiale), note ré3 +22/100, diamètre 135cm, coulée en 1577 par Franz Sermund de Bormio établi à Berne
-Cloche 3 (église paroissiale), note fa#3 +3/100, coulée en 1510
-Cloche 4 (Abbatiale), note si3 +86/100, diamètre 70cm, coulée en 1577 par Franz Sermund de Bormio établi à Berne

L’Abbatiale de Payerne est la plus grande église romane de Suisse. Ce somptueux édifice se dresse sur l’emplacement d’une villa romaine. Le premier édifice chrétien en ces lieux fut une chapelle dédiée à la Vierge consacrée en 587. Une église monastique l’a remplacée probablement au entre le VIIIe et le Xe siècle. La construction de l’actuelle église abbatiale a débuté vers le milieu du XIe siècle. La taille imposante de l’édifice s’explique par le fait que la vie religieuse était alors d’une grande ferveur à Payerne. Peut-être sous l’impulsion de Berthe de Souabe – la fameuse reine Berthe – mais surtout grâce à sa fille Adélaïde, épouse de l’empereur Othon Ier, la communauté se voit rattachée au grand monastère bénédictin de Cluny, en France. En 1536, les Bernois envahissent le Pays-de-Vaud et Payerne devient réformé. Les bâtiments abbatiaux sont pour la plupart remplacés au fil des ans, même si le plan du cloître est plus moins conservé. L’église, elle, devient tout à tour grenier à grain, cantonnement militaire, prison et local des pompes. Il est également établi que le fondeur Jean Richenet y a coulé des cloches pendant deux ans au moins avant de s’établir à Vevey en 1646. En témoigne la petite cloche de l’école, aujourd’hui déposée. Ce n’est qu’à la toute fin du XIXe siècle, à la faveur du mouvement romantique, qu’on prend conscience de l’intérêt de ce patrimoine. Le 14 septembre 1892, le professeur zurichois d’histoire de l’art Johann-Rudolf Rahn tient à Payerne un discours qui sera déterminant pour l’avenir de l’église abbatiale. Il la qualifie de monument voûté de style roman le plus grandiose de Suisse. Le site devient alors le théâtre de fouilles et de restaurations successives tout au long du XXe siècle. D’importants travaux de consolidation ont été menés dès les années 20100. Des tirants, invisibles aux yeux des visiteurs, ont été forés à l’intérieur des murs afin d’en assurer la stabilité. Au moment où cet article est rédigé, la réfection en est à la phase intérieure de l’édifice. Elle devrait se terminer courant 2020.

A l’est de l’Abbatiale, à quelques dizaines de mètres, se dresse l’église paroissiale de Payerne. Egalement dédié à Notre-Dame, tout comme l’Abbatiale, cet intéressant édifice gothique présente un plan plus simple : choeur quadrangulaire, transept non saillant et plafond plat de bois. Il servait les habitants de la ville alors que l’Abbatiale était réservée aux moines. L’église paroissiale abrite depuis le XIXe siècle le tombeau de la reine Berthe : ses prétendus ossements que l’on a cru retrouver dans l’avant-nef de l’Abbatiale qui servait alors de prison, ont été déplacés en grandes pompe dans l’église paroissiale. L’usage populaire veut également qu’y était conservée la selle de la reine qui présentait la particularité d’avoir une ouverture sur l’un des côtés permettant d’y glisser le bâton d’une quenouille. Le temple dispose d’un magnifique orgue Melchior Grob de 1784. Deux cents tuyaux d’époque subsistent aujourd’hui encore. Signalons que l’abbatiale voisine a reçu en 1999 un orgue Ahrend de conception italienne. Les orgues de Payerne possèdent la particularité d’être accordés sur… les cloches ! Le diapason payernois est ainsi un la3 de 422Hz.

Les cloches de l’abbatiale et de l’église paroissiale forment un seul et même ensemble campanaire depuis les travaux d’accordage menés par Auguste Thybaud. Avant 1895, les trois cloches du clocher abbatial donnaient les notes si2, ré3 et si bémol 3. La cloche du temple, elle, sonnait en mi3. La petite cloche en si bémol fut limée à la pince de manière à faire monter sa note. L’accordage ne fut pas exécuté avec une grande précision : la note est aujourd’hui plus proche du do4 ! A noter que cette cloche n’a rejoint le clocher abbatial qu’en 1784 : elle avait été coulée pour une des portes de la ville aujourd’hui disparue (tour de Berne). La cloche de l’église paroissiale, fondue en 1708 par Gédéon Guillebert de Neuchâtel, fut revendue à Mézières (VD). C’est aujourd’hui la plus grande cloche de ce temple du Jorat. L’actuelle cloche en fa#3 de Payerne provient du temple d’Aubonne. Cette belle cloche gothique de 1510 possède des traces d’alésage intérieur qui nous indiquent que sa note a été abaissée, sans doute d’un demi-ton.

Détails des cloches
-Cloche 1 (Abbatiale) : Aujourd’hui, si vous oyez la Voix de Dieu, n’endurcissez pas vos cœurs comme vos pères dans le désert. La cloche arbore aussi Dieu conduit sous les armoiries de Payerne. On peut y lire le nom de Joseph Gaillet avoyer de Payerne et de Jean Bondy, banderet de Payerne. La signature du fondeur consiste en un cartouche entouré de trois anges entourant PETRUS GUILLET ROTOMOTANUS ME FECIT. Une des anses s’étant rompue, la cloche a été percée en son cerveau pour assurer une meilleure fixation au joug.
-Cloche 2 (Abbatiale) : « Cloche des heures » Seigneur, fais-moi ouïr Ta bénignité, car nous nous assurons en Toi, PS 143. Cette cloche sonne tous les jours à midi et 20h.
-Cloche 3 (église paroissiale) : « Cloche des morts », elle sonne pour les cérémonies funèbres.
-Cloche 4 (Abbatiale) : « Cloche du feu » Dieu seul sage, honneur et gloire et Payerne a ses dépens me fayet en l’an 1577.
-Ancienne cloche de l’école, déposée : IGNE SONUES PERIIT. REDIIT RENOVATUS EODEM 1646 (le son a péri, il est revenu par le même feu en 1646, allusion à l’incendie de 1646). TOBIE BANQUETA, Banderet de Payerne, 1646. JAN RICHENET de Payerne m’a fondue

Quasimodo remercie :
Julia Taramarcaz, conservatrice du musée de l’Abbatiale de Payerne, pour son chaleureux accueil et sa disponibilité.
Benoît Zimmermann, organiste titulaire, pour le magnifique récital d’orgue et les explications fournies.
… ainsi que mes amis Pascal Krafft, expert campanologue à Ferrette (prise de son) et Allan Picelli, sacristain à Maîche (plans vidéo mobiles, certaines photos)

Sources :
La musique dans le canton de Vaud au XIXe siècle, Jacques Burdet, Payot 1971
http://www.abbatiale-payerne.ch/abbatiale/historique/
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_r%C3%A9form%C3%A9e_Notre-Dame_de_Payerne
http://www.mepayerne.ch/index.php?option=com_content&task=category&sectionid=4&id=36&Itemid=27
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1540-11-6-1/

Cloches – Nyon (CH-VD) temple réformé

L’odyssée des cloches baladeuses

-Cloche 1, note do#3 +-0/100, diamètre 149cm, poids 1922kg, coulée en 1936 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 2, note mi3 +9/100, diamètre 124cm, poids 1’097kg, coulée en 1936 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 3, note fa#3 +8/100, diamètre 105cm, poids 780kg, coulée en 1518 par Guillaume Poctet et Nicolas Balley de Genève
-Cloche 4, note la3 +10/100, diamètre 93cm, poids 468kg, coulée en 1936 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 5, note si3 +87/100, diamètre 73cm, poids 310kg, coulée en 1446 par Jean Perrodet de Genève
-Cloche 6, note do#4 +47/100, diamètre 74cm, poids 243kg, coulée en 1936 par Ruetschi d’Aarau
[Cloche 7 (au tintement seulement), note ré#4 -19/100, diamètre 58cm, poids 100kg, coulée en 1617, signature « IG »]
la3 =435Hz, déviation en 1/100 de 1/2 ton

Ecoutez les solos des 7 cloches !

Jadis église Notre-Dame, le temple de Nyon est dédié au culte réformé depuis 1536. C’est le plus ancien sanctuaire chrétien de la ville. Il est inscrit comme bien culturel d’importance nationale. Un temple romain consacré au culte de Mithra a cédé sa place au VIIIe siècle à une première église, remplacée au XIIe siècle par l’édifice actuel. Au chœur roman est venu s’adjoindre la nef gothique au XIVe siècle. Le clocher médiéval dut être abattu en 1795 en raison de graves problèmes de statique. Dessinée dans le style néo-roman, la tour actuelle ne date que de 1936. Sa construction en béton armé n’a nécessité en tout et pour tout que trois mois ! De 2012 à 2016, le temple bénéficie d’une restauration complète. On assiste notamment à un relevage de l’orgue construit par Samson Scherrer en 1780. La travail a été confié au facteur d’orgues Pascal Quoirin à Saint-Didier près de Carpentras. La sonnerie s’est également enrichie de deux cloches… pas vraiment nouvelles !

Odyssée mouvementée que celle des cloches de Nyon ! Le clocher du temple, abattu en 1795, disposait de 4 cloches, dont une dans son lanternon. Pacotte, la plus grande cloche, d’un poids de 1’400kg, fut brisée sur place. La deuxième, donnée à 1’100kg, fut vendue à un Morgien du nom de Guibert. Une troisième cloche d’environ 800kg, coulée en 1518 pour l’église Saint-Jean détruite à la Réforme, se trouvait aussi au temple. Elle fut par bonheur conservée après 1795 pour être placée dans la Tour de l’Horloge toute proche où on lui adjoignit la compagnie d’une cloche neuve coulée en 1797 par Dreffet (ndlr : Pierre Dreffet à Vevey selon « Le Conteur Vaudois » ou Jean-Daniel Dreffet à Genève selon les inscriptions de l’actuelle cloche 4). Si la cloche de 1797 a été brisée en 1936, son aînée fut ramenée au temple après l’édification du nouveau clocher. En cette fameuse année 1936, pour commémorer dignement les 400 ans de la Réforme, il fut passé commande chez Ruetschi de quatre nouvelles cloches en do#3. On pensait alors qu’un bourdon en la2 serait ajouté ultérieurement quand les finances le permettraient. Une vaste travée lui resta d’ailleurs longtemps réservée. Mais en 2016, on choisit d’installer deux petites cloches historiques jusque là reléguées au Musée Historique de Nyon. Une cloche d’horloge, qui se trouvait vraisemblablement dans le lanternon de l’ancien clocher, a ainsi retrouvé sa première mission : elle tinte désormais les heures et les demies. Cette cloche, datée de 1617, a beaucoup voyagé : après destruction du vieux clocher, elle a été accrochée dans un clocheton dressé sur le toit du temple et démonté en 1936. La cloche s’est alors retrouvée un temps au-dessus du bâtiment des postes ! 2016 a vu aussi la remise en service d’une cloche de 1446, aujourd’hui équipée pour sonner à la volée après réparation de son cerveau.

Galerie archives : à gauche, le temple de Nyon avant 1936. A droite, le bâtiment de l’ancienne de poste de Nyon (toujours existant). On distingue la cloche de 1617 installée sur le faîte du toit.

Détails des cloches
Les cloches 1, 2, 4 et 6 portent toutes la signatures de Ruetschi d’Aarau et la date de 1936. Elles sont ornées des armoiries de la ville de Nyon et portent toutes la mention : QUATRIEME CENTENAIRE DE LA REFORMATION DANS LE PAYS DE VAUD. On y trouve en outre les inscriptions suivantes
Cloche 1 : OFFERTE PAR LA POPULATION NYONNAISE / LA PAROLE DE DIEU DEMEURE ETERNELLEMENT. PIERRE II, 25
Cloche 2 : DON DES DAMES DE LA PAROISSE DE NYON / GLOIRE A DIEU DANS LES CIEUX TRES HAUTS. LUC II, 14
Cloche 4 : CETTE CLOCHE REMPLACE CELLE DE 1797 FONDUE A GENEVE / BIENVEILLANCE ENVERS LES HOMMES. LUC II, 14. Note: un inventaire mentionné par le Conteur Vaudois en 1924 mentionne que cette cloche aurait été fondue par Dreffet (Pierre) de Vevey et non son cousin Jean-Daniel établi à Genève.
Cloche 6 : DON DES ECOLES DE NYON / DE LA BOUCHE DES ENFANTS TU TIRES TA LOUANGE. PS VIII, 3
La cloche 3 (1518) est la plus richement décorée. Elle arbore 10 motifs sous des arcades gothiques. On reconnaît Jésus portant la croix de même que certains apôtres. Inscription : Iiis maria eraclius paulus aquilinus arnicius alexander valerianus macrinus gordianus orate pro nobis mvxviii. (Jésus, Marie, huit noms de saints, priez pour nous, 1518). Note : les points de frappe de la cloche ont été rechargés en 2016
La cloche 5 (1446) arbore deux fois la Vierge à l’Enfant et deux fois le Christ de Pitié. On y lit aussi : IHS ANNO MILLESIMO CCCC XLVI AVE MARIA GRATIA PLENA DOMINUS TACOM. Note : le cerveau de la cloche a été réparé en 2016.
La cloche 7 (cloche d’horloge) présente des têtes d’angelots et des motifs floraux. Inscription : SOLI DEO GLORIA IG 1617

Quasimodo remercie chaleureusement
Annette Besson, architecte et cheffe de projet à la ville de Nyon
Victor Allaman, sacristain
France Richard, ancienne sacristine
Mes excellents amis campanaires Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice, et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temple_de_Nyon
https://www.lacote-tourisme.ch/fr/P6661/temple-de-nyon
http://www.notrehistoire.ch/medias/101947
https://blogs.nyon.ch/archivistes/eclairage-sur-le-clocher-du-temple-de-nyon/
https://www.24heures.ch/vaud-regions/la-cote/orgue-1780-restaure-grand-maitre-artisan/story/26066408
« Le Conteur Vaudois » cahier no18, année 1924.
« Ville de Nyon, réhabilitation des deux cloches historiques du temple » dossier de presse par Fabienne Hoffmann, 17 mars 2016

Cloches – Morges (CH-VD) temple réformé

Do# mi mi fa# !

-Cloche 1, note do#3 -55/100, coulée en 1821 par Louis Golay de Morges
-Cloche 2, note mi3 -26/100, coulée en 1645 par Michel Jolly et Nicolas Humbert, saintiers lorrains
-Cloche 3, note mi3 -37/100,  coulée en 1774 par Jean-Daniel Dreffet de Coppet établi à Genève
-Cloche 4, note fa#3 -32/100, coulée en 1778 par Jean-Daniel Dreffet de Coppet établi à Genève
(la3 = 435Hz, déviation en 1/100 de 1/2ton)

Le temple de Morges compte parmi les plus imposants et les plus beaux édifices baroques tardifs de Suisse romande avec le temple Pestalozzi d’Yverdon-les-Bains et l’église Saint-Laurent de Lausanne. Ces trois édifices ont la particularité de combiner à divers degrés des éléments architecturaux baroques et classiques. La construction du temple de Morges débute en 1769 sur des plans de l’architecte bernois Erasme Ritter. Mais en 1771, le clocher, plus imposant que sur les plans, s’affaisse, provoquant d’importants dégâts à la façade arrondie. On peut déplorer la perte d’une intéressante exception architecturale dans la région. Le chantier est poursuivi par le lausannois Rodolphe de Crousaz et le lyonnais Léonard Roux, membre associé de l’académie royale d’architecture et de l’académie de Lyon. Une nouvelle façade et un nouveau clocher sont érigés, ils reprennent avec goût les éléments sculptés de la précédente construction. La dédicace du temple a enfin lieu en 1776. Un an plus tard à peine, la tribune est réaménagée pour accueillir l’orgue. Le portail sud est réalisé en 1885. La chaire élaborée en 1786 est transformée en 1895. Les seuls vitraux sont ceux du chœur. Représentant les réformateurs Pierre Viret et Ulrich Zwingli, ils ont été confectionnés en 1896 par Wehrli de Zurich. L’orgue est un instrument Kuhn de 1951 occupant un buffet de 1896. Le buffet historique de 1778 est exposé au musée suisse de l’orgue à Roche. La table de communion (1634) et certains éléments des stalles proviennent de l’ancienne église, attestée dès 1306, et dont le chœur est reconstruit en 1508. Morges devient réformé en 1536.

Deux cloches égrenant la même note ! On peut s’étonner qu’Auguste Thybaud, l’infatigable accordeur de cloches vaudois, ne se soit pas manifesté ici. Cette particularité musicale pourrait suffire à elle seule à attirer l’attention du campanophile sur la sonnerie du temple de Morges. Ce n’est pourtant de loin pas le seul attrait de ces quatre cloches. La plus ancienne (cloche no2) est antérieure au temple. Elle a été coulée en 1645 par deux fondeurs originaires du Bassigny. Et là encore, l’attention du passionné s’éveille ! Cette région de Champagne-Ardenne n’est-elle pas réputée pour avoir engendré les meilleures lignées de saintiers ? Michel Jolly et Nicolas Humbert – car c’est d’eux qu’il s’agit – figurent dans de nombreux inventaires réalisés en Suisse romande. Certaines de leurs cloches ont hélas disparu. On pense notamment à l' »Accord » de la cathédrale de Genève, coulé en 1678 et refondu par Samuel Treboux de Vevey en 1845 (actuelle cloche no2 de Saint-Pierre). Heureusement que la magnifique cloche « Cloche des Trois Heures », coulée en 1674 pour la cathédrale de Lausanne nous est parvenue. Confectionnée par Michel Jolly et le Veveysan Jean Richenet, ce fruit d’une collaboration unique a été déplacé en 1898 à l’église Saint-François. Le clocher du temple de Morges renferme aussi deux cloches réalisées en 1774 et 1778 par Jean-Daniel Dreffet (1746-1817). Ce fondeur originaire de Coppet établi à Genève a essentiellement travaillé pour le canton de Vaud. Sa plus importante réalisation, une cloche de 1’200kg coulée en 1784, sonne toujours dans le clocher du temple de Baulmes. Jean-Daniel Dreffet  semble être le cousin germain de Pierre Dreffet (1752-1835) lui aussi fondeur de cloches, mais établi à Vevey. Cet inventaire du clocher du temple de Morges ne serait pas complet sans la grande cloche, coulée en 1821 par Louis Golay. Le fondeur local n’a eu qu’une production campanaire confidentielle si on le compare à son concurrent veveysan de l’époque. Il est toutefois intéressant de noter que des cloches Golay ont été recensées par le carillonneur savoyard Antoine Cordoba dans les clochers de Thollon et de Neuvecelle. Dans le canton de Vaud, on se souviendra longtemps encore de Louis Golay comme le constructeur de cette fameuse pompe à incendie qui sauva la cathédrale de Lausanne d’une destruction certaine en 1825. Deux mots enfin des cloches qui précédèrent celles qui chatouillent aujourd’hui les oreilles des Morgiens. La Revue Historique Vaudoise mentionne dans son édition de 1928 une cloche d’environ trente quintaux (1’500kg, ndlr) coulée en 1602 par Pierre Guillet de Romont avec le bronze de deux cloches plus petites. Il est également écrit qu’un certain Pierre Belfraire, serrurier à Romont, fut chargé de refaire les ferrures d’une autre cloche. Aucune des deux cloches mentionnées ne nous est parvenue. Le lanternon renferme encore deux petites cloches, vraisemblablement utilisées autrefois pour l’horloge. Leur accès est prohibé.

Les quatre cloches portent toutes des ornements et des inscriptions extrêmement soignés
-Cloche 1, tout au bas de la robe : AUJOURD’HUI QUE VOUS ENTENDEZ MA VOIX N’ENDURCISSEZ PAS VOS COEURS PROSTERNEZ-VOUS ET FLECHISSEZ LE GENOU DEVANT CELUI QUI VOUS A FAIT. La cloche porte aussi la signature de son fondeur dans un cartouche entouré de flammèches, d’angelots et de fleurs en bouquets FAIT PAR LOUIS GOLAY MAITRE FONDEUR A MORGES 1821. Figurent encore les armoiries de la ville et – au verso, sur la quasi-hauteur de la robe : MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL Samuel GUEX syndic – A Louis DAPPLES – Samuel RENEVIER – Samuel MURET – Daniel BOURGEOIS – Abraham HUGONET – A Louis DEPETRA – J Henri WARNERY – Benjamin JAIN – François FOREL – J L E Henri MONOD – Emanuel WARNERY – Samuel GLAIRE – Samuel PACHE secrétaire – Benjamin DELLIENI inspecteur.
-Cloche 2, sur le col : PAR TA BONTE NON PAREILLE ENTRE PLUS AVANT AU COEUR QUE MON SON DEDANS L’OREILLE. Figure aussi, aux deux tiers de la robe, le nom – vraisemblablement – du donateur : SIEUR JEAN PAUL (… nom de famille caché par le marteau…) Mre CHIRURGIEN GOUVERNEUR 1645. Les anses, typiquement baroques, portent de superbes mascarons représentent des visages masculin affichant diverses émotions (rire, frayeur, colère)
-Cloches 3 et 4 : elles sont nettement moins bavardes en texte, mais de facture tout aussi soignée avec leurs frises de flammèches baroques. Toutes deux portent la signature de leur fondeur dans un cartouche entouré d’une cordelette et cerné de têtes d’angelots. On peut lire, pour la cloche 3 : FAITE PAR JEAN-DANIEL DREFFET MAITRE FONDEUR DE COPPET 1774. Variante – et c’est intéressant – pour la cloche 4, datée de 1778: GENEVE remplace COPPET !

Duo virtuel des deux cloches en mi. Arrive d’abord la cloche de 1645, rejointe quelques secondes plus tard par la cloche de 1774. On remarque bien la sonorité relativement classique de la première et les partiels baroques (prime très haute) de la seconde.

Les quatre cloches sont accrochées à leurs jougs en bois d’origine. La grande cloche est équipée en super-lancé, mode de volée plutôt rare dans la région. Bien que considérée comme cloche no2 dans l’ordonnance de sonnerie, la cloche de 1645 est légèrement plus aiguë que la cloche numérotée en 3. Son profil est par contre nettement plus lourd. Le clocher renferme encore une horloge mécanique Baer de Sumiswald datée de 1943 modifiée pour la synchronisation horaire par la maison Muri. Les quarts sont frappés sur les cloches 4 et 2, l’heure est tintée sur la grande cloche.

Quasimodo remercie chaleureusement :
Yves-Marc André, responsable des bâtiments de la ville de Morges
Marc Binggeli, chef de service
Jacques-André Henri, président du conseil paroissial Morges-Echichens
Giovanni Di Giacomo, concierge.
Merci aussi à mes excellents amis campanaires Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice, et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.
Merci enfin à Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, président de la GCCS, pour les précieux renseigements complémentaires.

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temple_de_Morges
https://cloches74.com/
http://gtell.over-blog.org/article-la-fonderie-deux-cents-ans-de-vie-et-d-histoire-vaudoises-122109867.html
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1897-11-6-1/
Les fondeurs de nos cloches, Alfred Chapuis et Léon Montandon, extrait de la Revue Neuchâteloise, 1923
Les cloches du canton de Genève, A. Cahorn, 1921
Nos vieilles cloches, extrait de la Revue Historique Vaudoise, 1928
Panneaux d’information rédigés par la section monuments et site du canton de Vaud

Cloches – Baulmes (CH-VD) temple

Une cloche baroque genevoise et un bourdon champenois dans ce clocher vaudois

Site clunisien, le temple vaudois de Baulmes dispose d’une sonnerie monumentale de quatre cloches en si bémol 2. Le bourdon, coulé par une fonderie champenoise au XIXe siècle, côtoie une cloche gothique du XVe siècle et une cloche baroque genevoise de fort belle facture.

Une église fortement remaniée – Le temple de Baulmes – ancienne église paroissiale dédiée Saint-Pierre – fait partie des nombreux sites clunisiens recensés dans le canton de Vaud et dans toute l’Europe. Certaines parties de l’édifice, profondément remanié au fil des époques, semblent remonter au XIIIe siècle. L’église faisait alors partie d’un complexe monastique fondé en 627, dédié à Marie et allié dès 1294 au prieuré de Payerne. Malgré cette filiation, les bâtiments se dégradent au XVe siècle. C’est donc un prieuré très diminué qui est supprimé par les Bernois lors de la Réforme de 1536. Disparaît à ce moment la chapelle consacrée à Marie-Madeleine. Il ne reste plus de traces non plus de l’église prieurale dédiée à la Vierge Marie. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire les inscriptions du bourdon, l’église paroissiale n’a pas remplacé l’église du prieuré : l’une et l’autre ont coexisté, vraisemblablement jusqu’à la Réforme. Les siècles suivants ont vu la disparition des voûtes et du chœur, puis un agrandissement côté ouest pour l’ajout de l’orgue. Cet instrument, construit par Walcker en 1871, est le quatrième du canton par ordre d’ancienneté. Un relevage a été effectué par Kuhn en 1981. La base du clocher, dont les murs sont épais de plusieurs mètres, de même que les imposants contreforts, donnent à penser que la tour fut jadis beaucoup plus élevée. Une fonction défensive n’est pas exclue, aux vues de sa situation stratégique. L’imposante sonnerie – une des plus lourdes du canton – est riche d’histoire.

-Cloche 1 « bourdon », note si  bémol 2 -30/100, diamètre 175cm, poids 3’037kg, coulée en 1891 par Paintandre frères à Vitry-le-François (F-51)
-Cloche 2 « Crétaz » ou jadis « Grosse Cloche », note ré3 +1/100, diamètre 140cm, poids 1’209kg, coulée en 1784 par Jean-Daniel Dreffet de Genève
-Cloche 3, cloche de midi et du couvre-feu (22h), note fa3 -42/100, diamètre 115cm, poids 869kg, coulée en 1891 par Paintandre frères à Vitry-le-François (F-51)
-Cloche 4, dédiée à Saint Pierre, note sol3 +35/100, diamètre 110cm, poids 560kg, datée de 1494

La plus petite cloche (no4) porte sur son col les inscriptions suivantes (en latin) Christ vainc, Christ règne, Christ gouverne, Christ nous défend de tout mal. Jésus. Marie. 1494. Saint-Pierre, priez pour nous. Au-dessous se trouvent quatre médaillons rectangulaires, dont deux représentent la Vierge à l’Enfant, et les deux autres l’Ecce Homo, c’est-à-dire le Christ accompagné des instruments de la Passion. Enfin, sur deux des faces de la cloche figure un crucifix posé sur deux degrés, le tout formé de branches de rosier. Des décors très soignés pour cette cloche gothique fortement burinée en 1891 afin de l’harmoniser avec la nouvelle sonnerie : de 611kg, son poids a en effet été ramené à 560kg. Cette petite cloche devait initialement être refondue. Son âge vénérable lui a par bonheur permis d’être conservée, même si son caractère historique n’est plus tout à fait le même.

L’actuelle cloche no2 portait jusqu’en 1891 le nom de « Grosse Cloche ». On la surnomme aussi « Crétaz » comme la forêt toute proche. C’est elle qui donne aujourd’hui de la voix pour les cérémonies funèbres. Ses inscriptions sont les suivantes : Je suis un instrument qui t’appelle au chemin de la Vie Eternelle. Que donc mon son te fasse souvenir que les morts entendront à l’avenir, le grand son de la trompette de Dieu qui sonnera haut et clair en tous lieux, pour nous assembler au Jugement du Fils de Dieu à son avènement. J’appartiens à la communauté de Baulmes, qui avons pour nos armes l’étendard de Jésus-Christ, le Redempteur, le Rio (sic) des Rois et des Croyants, le Sauveur. Abraham-Francois Jaccaud, lieutenant et Juge. Francois-David Eternod, secrétaire, Louis Perusset, gouverneur en 1784. Vient alors une ligne burinée, puis ces derniers mots :  bourgeois de Baulmes, ci-devant bourgeois de Genève présentement domicilié. Des ornements soignés complètent ces inscriptions : La Vierge à l’Enfant sur un trophée d’armes et de drapeaux, un étendard, une corbeille fleurie, un lézard (plus vrai que nature, il s’agit certainement de l’empreinte d’un authentique animal). On note enfin le cartouche du fondeur, réalisé dans le style Louis XV, soutenu par trois têtes d’anges ailés. La signature est rédigée en ces termes : Faite par Jean-Daniel Dreffet Maître-fondeur à Genève, 1784. Il s’agirait de la plus grande cloche toujours existante de cet artisan originaire de Coppet.

Les cloches no1 et 3 furent coulées en 1891 par les frères Paintandre de Vitry-le-François (France, département de la Marne). Leur réalisation marque le point de départ d’une fructueuse collaboration entre la fonderie champenoise et un certain Auguste Thybaud, auto-proclamé accordeur de cloches. Les archives communales de cette année nous apprennent que la fonderie Treboux de Vevey était également en lice pour compléter la sonnerie. Le bourdon, l’une des plus grosses cloches du canton de Vaud, porte les inscriptions suivantes : Venez, montons à la maison de l’Eternel, à la maison du Dieu Vivant, afin qu’il nous instruise de ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers (Ésaïe, ch. II, v. 3). La voix des envoyés de Dieu est scellée par toute la terre, et leurs paroles, jusqu’aux extrémités du monde (Rom., ch. X, v. 18). Puis cette notice qui se veut historique : Je rappelle pour les générations futures que l’église paroissiale actuelle a été fondée au XIe siècle et dédiée à St-Pierre. Elle a remplacé celle de Sainte Marie, qui avait été construite en bois vers 667. L’église a dû être restaurée à diverses époques. En 1404 fut fondue une cloche qui existe encore. La Réformation fut introduite par un édit de Berne en 1537. En 1821, l’église fut réparée, et la partie principale, soit le chœur, démolie. Enfin, en 1870, elle a été agrandie et restaurée. II y a été placé des orgues. On se rend bien compte de la véracité plus que douteuse de cette notice (date de la petite cloche, le soi-disant remplacement de l’église prieurale par l’église paroissiale…) Les inscriptions de la cloche no3 (cloche de midi et du couvre-feu) sont moins sujettes à controverse : J’ai été fondue de même que ma grande sœur, dite bourdon, le 10 juin 1891, à Vitry-le-Fcois en France, par décision du Conseil Communal du 31 Xbre 1890, sonnée pour la premiere fois le 24 juillet 1891. Nous avons concouru, ainsi que mes deux sœurs ainées, à la célébration du 6me centenaire de la Confédération suisse le 1er août 1891. Dieu veuille conserver à notre chère patrie les faveurs dont elle jouit jusqu’à présent. Cette inscription biblique encore : Venez à moi vous tous qui êtes travaillés et chargés et je vous donnerai du repos. Ces deux cloches portent pour seuls ornements les armoiries de la commune, du canton et de la Confédération.

Avant 1891, la sonnerie se composait de trois cloches donnant les notes ré – sol – la bémol. Nous avions donc – en plus de l’actuelle cloche en ré à laquelle on n’a pas touché – la petite cloche dont la tonalité a été abaissée d’un demi-ton, et une cloche moyenne en sol coulée en 1824 par Borle, Borel et Cavin à Couvet. Cette dernière cloche a failli un temps prendre le chemin de la Tour de l’Horloge pour remplacer la cloche fêlée, mais elle était trop grosse pour entrer dans le clocheton. Une nouvelle cloche civile fut finalement commandée à Samuel Treboux en 1863. L’agrandissement de la sonnerie du temple prévoyait d’abord de conserver uniquement la cloche en ré et de couler deux cloches neuves de 2’000 et de 1’000kg en réutilisant le métal des deux petites cloches du XVe et du XIXe siècle. Finalement, il a été choisi de conserver la cloche de 1494 pour sa valeur historique et d’étendre la sonnerie à quatre voix avec l’ajout d’un bourdon.

Mes plus vifs remerciements – pour son aimable autorisation et sa disponibilité – à M. Jacques-Yves Deriaz, Municipal en charge des bâtiments, de la police des constructions et des écoles de Baulmes. Merci également, pour leur aide précieuse, à mes excellents camarades campanaires Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice et à Taninges ; et Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources :
Les cloches de Baulmes, Franz-Raoul Campiche, extrait de la Revue Historique Vaudoise vol 30 (1922)
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F2529.php
http://www.baulmes.ch/fr/46/eglise-paroissiale
https://fr.wikipedia.org/wiki/Baulmes#L.27.C3.A9glise_paroissiale
http://www.orgelbau.ch/site/index.cfm?fuseaction=orgelbau.orgelportrait&laufnummer=800570&id_art=4438&vsprache=FR

A consulter aussi :
http://baulmesrances.eerv.ch/

Je dédie cet article à mon papa, qui fut le premier à m’accompagner dans le clocher de Baulmes (mon tout premier clocher) alors que j’avais 7 ans, et qui continue aujourd’hui encore à m’encourager dans mes activités campanaires.

Cloches – Bretonnières (CH-VD) église réformée

Deux clochers pour cette charmante petite église vaudoise

L’antique église réformée de Bretonnières dispose de deux clochers. Le bulbe baroque, une rareté pour la région, héberge une cloche historique du XVIIe siècle

Ce qui interpelle depuis la grand’ route et depuis la voie de chemin de fer Lausanne-Paris, c’est avant tout son bulbe baroque, si peu commun dans la région. Cette curiosité n’est pourtant pas le principal atout de l’église de Bretonnières. Ce serait plutôt son âge ! La nef romane fut édifiée au XIIè siècle. La construction semble avoir été agrandie au XIVe s. Le chœur gothique, éclairé par une large fenêtre en arc brisé, fut ajouté au XVe siècle après incendie. Le clocher-mur original à une seule baie fut transformé en 1760 avant de retrouver son aspect primitif entre 1905 et 1907. C’est alors que l’architecte de Veytaux Otto Schmid eut l’idée du clocheton-bulbe, afin de donner plus d’ampleur à cet édifice modeste mais si charmant. Je vous invite à vous rendre sur le remarquable blog de Charles-Louis Morel (consulté le 10 novembre 2017) et de prendre connaissance de l’article complet consacré aux clochers de l’église de Bretonnières, richement agrémenté de documents d’archives.

L’église de Bretonnières avant la restauration de 1905-1907

Qui dit deux clochers dit forcément deux cloches ! La plus ancienne n’est pas visible de l’extérieur (sa visite fera l’objet d’un reportage ultérieur). Cette cloche a été coulée en 1624 par Abraham Zender (merci à Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, président de la GCCS). Rappelons que c’est même le fondeur bernois qui réalisa – en collaboration avec Peter Füssli de Zurich – le grand bourdon de la cathédrale de Berne, la plus lourde cloche de Suisse (près de 10 tonnes, note mi2, année 1611). On doit aussi à Zender le bourdon de l’église Saint-Martin de Vevey (note si bémol 2, année 1603). Au clocher-mur (reconstitué, pour rappel, au début du XXe siècle) est accrochée la plus grande des deux cloches. Des photos prises au téléobjectif permettent d’y lire les inscriptions suivantes : au recto DON DE LA SOCIETE DE COUTURE DE BRETHONNIERES (ancienne orthographe, ndlr) 1906. Au verso : AUJOURD’HUI SI VOUS ENTENDEZ MA VOIX N’ENDURCISSEZ PAS VOS COEURS. Puis vient le nom de la cloche ESPERANCE et enfin sa signature GEORGES ET FRANCISQUE PACCARD FONDEURS A ANNECY-LE-VIEUX FRANCE HTE-SAVOIE.

-Cloche 1, note mi bémol 4 + 41/100, coulée en 1624 par Abraham Zender de Berne
-Cloche 2, « Espérance », note  sol 4 – 7/100, coulée en 1906 par Georges et Francisque Paccard à Annecy-le-Vieux
(diapason la3 = 435Hz, déviation en 1/100 de 1/2 ton)
Enregistrement effectué le 20 octobre 2017 à l’occasion du culte dominical.

Sources (autres que déjà mentionnées)
http://www.bretonnieres.ch/
http://www.davel.vd.ch/detail.aspx?ID=195897

A consulter également :
http://vaulionromainmotier.eerv.ch/lieux-culte/
http://www.paccard.com/

Cloches – Cergnat (CH-VD) temple et ancienne église Saint-Maurice

Trois cloches gothiques à la saveur incomparable

Le temple de Cergnat – ancienne église Saint-Maurice – se dresse sur le territoire de la commune vaudoise d’Ormont-Dessous, non loin de Leysin. Cet édifice du XIIIe siècle renferme d’intéressants éléments architecturaux de différentes époques. Dans son antique clocher à la flèche de pierre sont accrochées trois belles cloches gothiques aux caractéristiques sonores typiques de leur époque.

De l’église Saint-Maurice au temple – La commune montagnarde d’Ormont-Dessous occupe la partie aval de la vallée des Ormonts. Ellle regroupe cinq villages et hameaux, à savoir : Le Sépey, La Forclaz, Cergnat, La Comballaz-Les Voëttes et le Col des Mosses. Sa superficie de 6’402 hectares en fait la quatrième sur le plan cantonal vaudois. L’église Saint-Maurice de Cergnat est attestée depuis 1279. Malgré son vocable, elle ne semble pas avoir été sous domination de la vénérable abbaye toute proche. L’église fut – en dépit sa situation excentrée – le premier lieu de la culte de la Vallée des Ormonts. De l’édifice original du XIIIe siècle, seul le chœur nous est parvenu. La nef prit l’aspect que nous lui connaissons durant la seconde moitié du XIXe siècle. De fort belle facture, la galerie, typique des temples réformés vaudois, date de 1660 environ. La chaire, également en bois sculpté, est l’œuvre de Jean Borloz, qui travailla également dans l’église voisine de Leysin. Plus récents, les vitraux du choeur portent la griffe du peintre Jean Prahin et la date de 1975.

Une sonnerie gothique – Le clocher-porche nous rappelle, avec sa flèche de pierre octogonale, que la Vallée du Rhône n’est pas loin. Il renferme trois intéressantes cloches gothiques antérieures à la Réforme. La plus petite, non signée, porte la date de 1516. Elle est ornée de quatre beaux médaillons représentant l’Annonciation, la Vierge à l’Enfant, la Crucifixion et le Christ de Pitié. Les deux plus grandes ont été coulées par Jean Follare de Fribourg en 1472. Fils de Pierre et frère de Hensli, fondeurs de cloches mais aussi horlogers et armuriers, Jean Follare semble avoir été avant tout potier d’étain. La dynastie Follare compte parmi les premiers fondeurs de cloches attestés en ville de Fribourg après Anton Grangier. La motorisation de la sonnerie dans les années 1960 a conduit au remplacement de deux jougs de chêne par des rails métalliques.

-Cloche 1, note ré#3 +19/100, coulée en 1472 par Jean Follare de Fribourg
-Cloche 2, note fa#3 +25/100, coulée en 1472 par Jean Follare de Fribourg
-Cloche 3, note si3 +69/100, coulée en 1516

Octave inf Prime Tierce min Quinte Octave sup
ré#3 ré#2 -213/100 ré#3 +263/100 fa#3 +351/100 la#3 +216/100 ré#4 +19/100
fa#3 fa#2 -264/100 fa#3 +235/100 la3 +361/100 do#4 +122/100 fa#4 +24/100
si3 si2 -196/100 si3 +89/100 ré4 +45/100 fa#4 +100/100 si4 +69/100

L’ancienne horloge mécanique est aujourd’hui déposée à la maison de commune. Datée de 1763, elle porte – gravée sur son châssis – la signature de son artisan, un certain Abraham Dupertuis.  L’homme réalisa également une horloge pour Aigle. Revendue en 1893 à l’église anglaise de Vers-L’Eglise – devenue depuis église réformée – cette mécanique a malheureusement disparu en 1964. Tragique destinée que celle de cet horloger et armurier qui périt en 1798, en pleine révolution vaudoise, non pas sous les tirs ennemis, mais suite à l’explosion du canon de son propre fusil.

Sources :
« Ormont-Dessus, Ormont-Dessous », ouvrage de divers auteurs publié en 1994.
« Le patrimoine campanaire fribourgeois », éditions Pro Fribourg, 2012
http://www.ormont-dessus.ch/Editeur/stw~19/php/19.php

Mes plus vifs remerciements à M. Jean-Paul Schorderet, campaniste, directeur de la maison Mecatal, qui m’a très aimablement convié à l’accompagner dans le clocher à l’occasion de travaux de maintenance. Merci également au Greffe municipal pour le sympathique accueil et la mise à disposition d’une intéressante documentation.

A consulter :
http://www.ormont-dessus.ch/
http://ormontsleysin.eerv.ch/

Cloches – Lutry (VD) temple

La sonnerie historique et insolite d’une pittoresque bourgade viticole vaudoise

Rarement il m’a été donné d’observer sonnerie plus insolite et plus charmante que celle de Lutry ! A commencer par la disposition peu commune des cloches (2 en façade, 2 à l’intérieur). Les deux plus petites cloches donnent la même note au coup. Très particulière est également la sonorité de la grande cloche, dont il manque un important morceau. Si on y ajoute l’âge canonique de ces nobles dames de bronze (XIVe-XVIe siècle), on peut sans hésitation affirmer que nous sommes ici en présence d’une des sonneries les plus rares et les plus précieuses de Suisse romande.

Lutry hébergea dès le XIe siècle et jusqu’à la Réforme, un des plus importants prieurés du canton. Le terrible incendie de 1344 obligea à la construction d’une nouvelle église, non plus de style roman, mais gothique. Cinq chapelles furent ajoutées à sa nef. Quelques traces de l’église romane primitives restent visibles dans l’architecture actuelle, comme la porte sous la galerie des orgues, la voûte du porche d’entrée, les étages inférieurs de la tour carrée et deux colonnes encastrées au nord de l’abside. Le chœur, propriété du cloître, avait pour patron Saint-Martin. La nef, à disposition de la paroisse, était consacrée à Saint-Clément. Suite à la Réforme, l’année 1569 vit les Bernois procéder à la démolition des anciennes chapelles et élever l’actuel clocher. Y fut placé une grosse cloche en complément des petites déjà existantes, dont deux cloches accrochées dans le Clocher des Moines. Ce dernier, situé au sud du sanctuaire, fut démoli en 1820. Les cloches furent alors montées dans le clocher actuel, où – faute de place – elles furent accrochées aux baies orientales. Les façades de l’église, entièrement décrépies au début du XXe siècle, ont bénéficié d’une restauration de 1986 à 1988. Le recrépissage et le rétablissement des décors peints (encadrements et chaînes d’angles) lui ont rendu son apparence du XVIIIe siècle. Dignes d’observation à l’intérieur : les voûtes gothiques et leurs magnifiques peintures du XVIe siècle, œuvres du peintre flamand Umbert Mareschet ; l’orgue Zimmer daté de 1791 restauré en 1975 par la manufacture Fuglister ; le stalles et la chaire. A l’extérieur, on note – au-dessus du portail – une grande fenêtre flanquée de deux petits singes de style Renaissance. Ces animaux ont probablement été taillés par le maître principal de la reconstruction de l’église, Uli II Bodmer, qui faisait partie entre 1556 et 1562 de l’importante corporation bernoise des métiers de la pierre Zum Affen (littéralement au singe). Voilà pourquoi au XVIe siècle, le singe est devenu l’animal emblème de la ville.

La grande cloche est datée de 1552. Elle est l’œuvre conjointe du fribourgeois Jakob Burdi et d’Amey Thiot d’Evian. On raconte qu’un sonneur un peu trop vigoureux l’a fait voler trop haut le soir de la St Sylvestre 1865, faisant éclater un morceau de la pince. Cela explique sa sonorité si particulière. La pièce de bronze manquante a été conservée, elle est exposée au musée local. Espérons qu’une réparation sera un jour envisagée. Guillaume Fribor-dit-Mercier, fondeur vraisemblablement originaire de la Tarentaise et établi à Genève, réalisa la cloche 2 en 1459. Les riches motifs d’inspiration allemande de cette belle cloche antérieure à la Réforme, contrastent avec la sobriété de la grande cloche, coulée sous domination bernoise. Accrochées à l’origine dans le Clocher des Moines, démoli en 1820, les cloches 3 (1ère moitié XVe) et 4 (1510) ont la particularité de donner la même note au coup. Elles se balancent côte à côte dans les baies orientales du clocher.

-Cloche 1, note do#3 -13/100, diamètre 155cm, poids environ 2’400kg, coulée en 1552 par Jakob Burdi de Fribourg et Amey Tyot d’Evian
-Cloche 2, note la3 -16/100, diamètre 112cm, poids environ 950kg, coulée en 1459 par Guillaume Fribor-dit-Mercier établi à Genève.
-Cloche 3, note do#4 -37/100, diamètre 81cm, poids environ 340kg, coulée vraisemblablement durant la 1e moitié du XVe siècle.
-Cloche 4, note do#4 -40/100, diamètre 71cm, poids environ 220kg, coulée en 1510.

Remerciements à la Municipalité de Lutry et à M. Eric Ceppi, administrateur des bâtiments. Merci surtout à M. Robert Cornuz, ancien huissier, et aujourd’hui responsable des cloches et de l’horloge du temple de Lutry, pour sa gentillesse et sa disponibilité. Un tout grand merci à Antoine, carillonneur à Saint-Maurice et à Taninges, pour son indispensable collaboration.

Sources :
Les cloches de l’église de Lutry, par Georges Kasser, extrait de la revue historique vaudoise, Vol.70 (1962)
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F18366.php
https://www.lutry.ch/vivre-a-lutry/espaces-publics-et-infrastructures/patrimoine-historique/temple-de-lutry/
http://orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1956-11-6-1/

Cloches – Savigny (CH-VD) église réformée

Quatre cloches en fa3 pour une des rares sonneries en fenêtre du canton de Vaud

Paroisse catholique jusqu’à la réforme, Savigny possède une ravissante petite église idéalement située sur les hauteurs, et dont la sonnerie se compose de quatre cloches en fenêtre

Les premières mentions de la paroisse de Savigny remontent à 1228. En témoignent le défrichement du hameau central où se dresse aujourd’hui encore l’église, devenue réformée au  XVIe siècle. Ce lieu de culte était jusque là desservi par des religieux du tiers ordre de Saint-François, alors qu’était également mentionné sur place un petit couvent de franciscains. Menacé de destruction par les habitants en 1536, le couvent vit sa cloche dépendue et mise à l’abri à Lutry, à quelques kilomètres de là.

L’église actuelle date de 1554. Elle se dresse au même emplacement qu’un ancien édifice en bois détruit par le feu en 1538. Savigny possédait autrefois deux cloches : la plus grande, pesant 880 kg et donnant le fa, fut installée en 1659 dans ce qui était alors un simple clocher-mur. En 1820, quand fut réalisé le clocher que nous connaissons aujourd’hui, y prit place une petite cloche supplémentaire. Ces deux cloches prirent le chemin d’Aarau au XXe siècle. Ruetschi les refondit pour en faire la sonnerie actuelle de quatre cloches en fenêtre, une configuration rare dans cette région.

-Cloche 1, note fa3, poids environ 720kg, coulée par Ruetschi d’Aarau en 1955
-Cloche 2, note lab3, poids environ 410kg, coulée par Ruetschi d’Aarau en 1955
-Cloche 3, note sib3, poids environ 290kg, coulée par Ruetschi d’Aarau en 1955
-Cloche 4, note do4, poids environ 210kg, coulée par Ruetschi d’Aarau en 1955

Sources :
Dictionnaire historique, géographique et statistique du Canton de Vaud (1867)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Savigny_(Vaud)

Cloches – Aigle (CH-VD) église réformée du cloître

Cette intéressante sonnerie à la ligne nominale chancelante possède une cloche gothique de 1430 remarquablement ornée

Anciennement église Saint-Maurice, l’église du cloître d’Aigle est aujourd’hui le lieu de culte des protestants francophones de la ville. Son clocher typique de la vallée du Rhône héberge quatre cloches de différentes époques : gothique, baroque et moderne

L’église au milieu du village – Si le centre urbain d’Aigle se trouve actuellement dans le quartier du Bourg, non loin de la gare, c’est dans le quartier décentré du Cloître que se dresse l’église réformée. L’explication est à chercher dans les méandres de l’histoire : L’ancienne église Saint-Maurice desservait à l’origine un important prieuré établi à l’écart de la ville. On trouve par contre dans le centre-ville l’actuelle église catholique, dédiée à Saint-Maurice et à Saint-Nicolas-de-Flue, de même que l’église Saint-Jacques, aujourd’hui église réformée allemande, où le réformateur Guillaume Farel prêcha pour la première fois en 1526. Il faut savoir qu’Aigle fut la première terre francophone à faire partie de l’ancienne Confédération suisse et à devenir officiellement protestante sous le joug des Bernois. Le prieuré d’Aigle a peut-être été fondé par les moines de Saint-Maurice, mais le couvent de Saint-Martin d’Ainay en a également réclamé la propriété aux XIIe et XIIIe siècles. Il fut supprimé en 1528. L’église du cloître, d’abord de style roman (XIIe siècle), fut reconstruite avec de belles voûtes gothiques au XVe siècle. Des fouilles archéologiques menées en 1899 ont mis au jour une ancienne nef rectangulaire et une abside semi-circulaire. Le clocher, caractéristique de la région avec sa flèche de pierre, semble dater de la fin du XVe siècle. Notons encore les stalles du XVIe et du XVIIIe siècles, la chaire de 1901, les vitraux de la Belle-Epoque et l’orgue Metzler de 1945 réinstallé à Aigle en 1963.

Une cloche gothique richement ornée – La pièce maîtresse de la sonnerie est une magnifique cloche gothique datée de 1430. Dans son article intitulé « De l’importance du patrimoine campanaire : étude de trois motifs iconographiques ornant les cloches médiévales » publié en 2007, la campanologue vaudoise Fabienne Hoffmann l’attribue à Fribor de Genève (ndlr : Jean, père de Guillaume Fribor-dit-Mercier). Les riches ornements représentent – entre autres – la Vierge à l’Enfant, le Christ de Pitié, le Christ en Croix, Saint-Pierre, Saint-Martin et Saint-Louis. Une cloche baroque, malheureusement inaccessible, arbore la date de 1689. Ses traces d’alésage indiquent qu’elle a été accordée, vraisemblablement en 1926, date de fonte de deux nouvelles cloches par Ruetschi d’Aarau. Selon ses inscriptions, la grande cloche remplacerait une pièce gothique utilisée de 1435 à 1908. Les archives de la maison Ruetschi indiquent que la sonnerie égrène les notes mi fa# la si, sans doute le motif recherché, mais qui ne correspond de loin pas au résultat obtenu. Le vénérable beffroi arbore la date de 1606 et les intiales P.O et I.B. Le clocher contient également une horloge mécanique Léon Crot de Granges-Marnand, toujours partiellement en service.

-Cloche 1, note mi3 -21/100, coulée en 1926 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 2, note fa3 – 42/100, coulée en 1430, attribuée à Jean Fribor de Genève
-Cloche 3, note la3 -34/100, coulée en 1926 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 4, note si3 -57/100, coulée en 1689, non signée

Déposée dans la cour du château voisin se trouve une cloche déposée (car fêlée) coulée en 1779 par Gaspard Deonna de Genève

Mes plus vifs remerciements à M. le Pasteur et à l’aimable sacristine pour leur charmant accueil lors de ma visite improvisée du 4 septembre 2016 à l’occasion du culte dominical.

Sources (autres que déjà mentionnées)
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F18549.php
http://www.123chablais.com/
http://www3.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1882-11-6-1/
http://aigle.old.eerv.ch/2008/11/06/eglise-st-jacques/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Aigle_(Vaud)
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_Saint-Maurice_d’Aigle