Cloches – Marly (CH-FR) église Saints-Pierre-et-Paul

Restauration d’envergure pour cette sonnerie partiellement historique

-Cloche 1, note do#3 +22/100, poids 2’032 kg, coulée en 1645 par Jacob Kugler (Kegler le jeune) de Fribourg
-Cloche 2, note mi3 +6/100, poids 1’062 kg, coulée en 1956 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 3, note fa#3 +27/100, poids 768 kg, coulée en 1956 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 4, note la#3 -9/100, poids 600 kg, coulée en 1574 par Jacob Kegler de Fribourg
-Cloche 5, note do4 +7/00, poids 214 kg, coulée en 1742 par Joseph Klely de Fribourg

La paroisse de Marly figure parmi les plus anciennes du canton de Fribourg. Mentionnée au XIIe siècle, l’église est visitée par Mgr Georges de Saluces en 1453. L’évêque ordonne alors d’agrandir les quatre fenêtres. Dans son dictionnaire des paroisses, le Père Deillon suppose qu’il s’agissait à l’époque encore d’un édifice du Xe au XIe siècle avec des fenêtres très étroites, de 20 à 30 centimètres de largeur. Une reconstruction ou du moins agrandissement important semble avoir été mené en 1540, mais c’est à partir 1785 qu’est édifiée l’actuelle église Saints-Pierre-et-Paul. La sacristie au rez-de-chaussée du clocher correspond au chœur de l’ancien sanctuaire. Consacrée en 1787 par Mgr de François Lenzbourg, évêque de Lausanne, l’église se voit agrandie d’une travée à l’ouest en 1878. Le curé Boschung, arrivé en 1966 de Murist où l’église était neuve, émet l’idée d’un nouveau bâtiment. Certains paroissiens sont d’ailleurs acquis à la cause ! On préfère finalement – et fort heureusement – rafraîchir la vénérable construction. Une série de chantiers sont alors menés tout au long de la dernière moitié du XXe siècle. Les étapes les plus marquantes furent : le rachat du somptueux maître-autel baroque de l’abbaye d’Hauterive en 1973 ; la restauration et la valorisation en 1982 du mobilier liturgique ancien, dont les fonts baptismaux de 1511 ; l’inauguration en 1983 de l’orgue Füglister.

La sonnerie hétérogène est composée de cinq cloches coulées à quatre différentes époques. Nous avons ici une démonstration grandeur nature de l’évolution de l’art campanaire fribourgeois au travers de trois générations successives de fondeurs locaux. La cloche no4 – la plus ancienne – porte sur son col l’inscription suivante : von der hitz bin geflossen / Jacob Kegler hat mich gossen / 1574. Jacob Kegler l’ancien, originaire de Romont, est le cousin germain de Pierre Guillet, lui aussi fondeur de cloches. Venu s’établir à Fribourg, J.K. choisit de germaniser son patronyme afin de se faire admettre dans la bourgeoise privilégiée. Sa plus importante réalisation semble avoir été le bourdon de Romont en 1577, que le Bernois Franz Sermund fut appelé refaire deux ans plus tard. La cloche de Marly porte des traces d’accordage, vraisemblablement datées de 1956, date de l’agrandissement de la sonnerie. La grande cloche, datée de 1645, arbore : Jacob Kugler gosmich in Fribourg anno D. MDCXLV Jésus Maria. Tartara divino sonitu quoque fulgura franco. Ad templum gementes convoco patricos. Kugler variante de Kegler –  semble être le petit-fils de Jacob Kegler précédemment mentionné. Installé Planche-Supérieure en Basse-Ville de Fribourg, Kugler se voit attribuer en 1608 le monopole de la fonderie dans toute la seigneurie de Fribourg. Ceci concerne non seulement la fonte des cloches, mais aussi la fabrication d’armes et de goulots de fontaines. La plus petite cloche porte des ornements typiquement baroques comme une frise florale et des feuilles de laurier. On peut y lire : Collo festa, fulmina frango, defunctos plango. 1742. J. K. G. M. Il s’agit là de la signature de Joseph Klely, l’un des représentants – et même le dernier – de la lignée qui succéda aux Kegler/Kugler aux commandes de la fonderie de Fribourg. Deux cloches furent ajoutées en 1956. Offertes par de généreux paroissiens, elles arborent la signature de Ruetschi d’Aarau, mais aussi les noms de leurs principaux donateurs et de leurs parrains et marraines. Pour la cloche no2 : parrains Germain Blanchard et Pierre Portman, marraines Louise Brugger et Lucie Bays. Pour la cloche no3 : parrain Heinri de Gendre, marraine Lina Biland. Ces noms ayant été gravés après la coulée, on peut supposer que les généreux donateurs ont pris du temps à se faire connaître ! Do# mi fa# la# do… on peut s’étonner de la suite de notes égrenée par les cinq cloches après l’agrandissement de la sonnerie en 1956, et tout spécialement du triton entre les cloches 3 et 5. Les archives de la maison Ruetschi mentionnent les notes do# mi fa# la do. Mon hypothèse est la suivante : aux vues des partiels très hauts de la cloche no4, je suppose que son accordage a quelque peu raté et que la note voulue était effectivement un la. On aurait donc cherché à créer un motif de type Parsifal entre les quatre plus grandes cloches. La cloche 5, comme c’est souvent l’usage dans la région, devait être prévue pour sonner l’Agonie en solo. Mais ceci n’est évidemment qu’une théorie…

La sonnerie de Marly vient de bénéficier d’une importante restauration :
-Restauration du joug de la grande cloche et de ses ferrures.
-Nouveaux jougs pour les quatre autres cloches.
-Nouveaux battants forgés en acier doux pour les cinq cloches.
-Nouvelle centrale électronique de gestion des moteurs de volée, nouveau moteur de volée pour la grande cloche.
-Nouvelles roues de volée, nouveaux paliers.
-Révision du dispositif de tintement mécanique.
-Révision de l’électro-tinteur des angélus sur la cloche 2.
-Consolidation du plancher.
-Exposition dans le clocher des jougs en chêne des cloches 4 et 5, exposition des battants d’origine des cloches 2 et 3.

Comparatif : à gauche, la cloche 2 avec son joug en acier de 1956. A droite, le nouveau joug de chêne et ses ferrures forgées main

Sources :
Marly son histoire au fil de la Gérine, édité par la société de développement de Marly et environs
Dictionnaire historique et statistique des paroisses du canton de Fribourg volume 8, Père Apollinaire Deillon, imprimerie Saint-Paul, 1896
Le patrimoine campanaire fribourgeois, éditions Pro Fribourg, 2012
http://www.diesbach.com/sghcf/l/lenzbourg.html

Quasimodo remercie chaleureusement :
Le Conseil de paroisse de Marly, et plus spécialement M. Roland Bruegger, responsable des bâtiments.
L’entreprise MECATAL, campaniste ; son directeur Jean-Paul Schorderet et ses collaborateurs François et Olivier.
… de même que mon camarade campanaire Allan Picelli « le sonneur comtois », sacristain à Maîche.

BONUS : article paru dans le journal fribourgeois LA LIBERTE du 17 juillet 2018 (cliquer pour agrandir)

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