Quasimodo, sonneur de cloches

La cathédrale Notre-Dame de Lausanne vit sa construction débuter vers l'an 1160, dans le style roman, pour s'achever aux environs de 1235 dans la plus pure facture gothique. Un second clocher, situé au nord, vit sa construction interrompue par un incendie et ne fut jamais achevé. Suite à la Réforme en 1536, l'édifice fut l'objet d'importants remaniements, comme la destruction du cloître. Les travaux menés par Viollet-Le-Duc dès 1874 (on pense notamment au portail principal et à la tour-lanterne) donnèrent à la cathédrale l'aspect que nous lui connaissons aujourd'hui.

De haut en bas, le plénum intérieur, les solos des 7 cloches, le plénum extérieur

Les 7 cloches de la cathédrale de Lausanne possèdent une histoire auussi riche et tourmentée que l'édifice qui les héberge. Entre la Cloche du Couvre-Feu, vraisemblablement coulée entre le 13e et le 14e siècle, et les 2 cloches dites "Centenaires" pour commémorer la Révolution Vaudoise en 1898, ce ne sont pas moins de 6 siècles d'histoire campanaire qui s'offrent ici à nous. C'est en cette même année 1898 que la sonnerie prit son aspect actuel, après les importants travaux menés par Auguste Thybaud: accordage des plus petites cloches par procédé de burinage, échange avec le clocher de St François, ajout de 2 nouvelles cloches.

Cloche 1, le bourdon, "Marie-Madeleine", coulée par Franz Sermund de Berne en 1583. Note : lab2, poids 5'610kg, diamètre 208cm.
Cloche 2, "Clémence", coulée en 1518, de fondeur inconnu. Note : do3, poids 3'428kg, diamètre 173cm.
Cloche 3, "Lombarde", de fondeur inconnu, coulée en 1493, sonne tous les jours à midi. Note : mib3, poids 1'512kg, diamètre 139cm.
Cloche 4, "Grande Centenaire", coulée par Jules Robert (Nancy) en 1898. Note : fa 3, poids 838kg, diamètre 111cm.
Cloche 5, "St François", se trouvait jadis dans le clocher de l'église St-François, avant les travaux d'harmonisation. Coulée par Isaac Jaquier de Lausanne en 1666. Note : lab3, poids 699kg, diamètre 102cm.
Cloche 6, "Petite Centenaire", coulée par Jules Robert (Nancy) en 1898. Note : sib3, poids 306kg, diamètre 82cm.
Cloche 7, "Couvre-Feu", de fondeur inconnu, coulée entre le 13e et le 14e siècle. Sonnait jadis tous les soirs à 21h l'hiver et à 22h l'été (remplacée depuis 2002 par "St François"). Note : do4, diamètre 81cm.

De haut en bas, les cloches 1 à 7

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Divers détails iconographiques

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^ ^ Reconstitution du plan original avec le projet des 2 clochers

v v Les "clochistes" ne sont pas les seuls drôles d'oiseaux à s'aventurer ici

Un immense merci à M. Giulio Pistolato, intendant, pour son aimable autorisation et sa disponibilité.

Sources:
http://www.patrimoine.vd.ch/monuments-et-sites/eglises/ca...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cath%C3%A9drale_de_Lausanne

Liens:
http://www.lausanne.ch/
http://chaillylacathedrale.eerv.ch/

Construite dès l'an 1000 de notre ère sur un schéma typiquement clunisien, l'abbatiale de Payerne est considérée comme le plus grand édifice roman de Suisse. La Réforme en 1565 vit les moines expulsés, et les bâtiments bâtiments abbatiaux presque tous détruits. Longtemps utilisé à des fins de stockage, ce remarquable édifice roman est aujourd'hui régulièrement utilisé comme salle de concerts. Il est également visitable moyennant finances, de même que le musée attenant.

Bien que peu mentionnées, les cloches de  Payerne forment un ensemble campanaire à l'intérêt historique indéniable. Le bourdon fut coulé par le fondeur romontois Pierre Guillet, qui juste après la Réforme, avait fait de l'abbatiale son atelier (lui succèdera un autre fondeur, Jehan Richenet). Les 2 autres cloches sont l'oeuvre du célèbre Franz Sermund, en qualité de fondeur officiel de Leurs Excellences de Berne pour le Pays de Vaud. Notons enfin la cloche de l'église paroissiale réformée, rachetée de la ville Aubonne en 1895, dont la voix se mêle harmonieusement à celle de ses soeurs. Elle remplace une ancienne cloche de 1708, donnant la note fa3, au sujet de laquelle les archives mentionnent "un mauvais son de fer, qui la rend lugubre"

Cloche 1, note do3 (très bas), coulé en 1603 par Pierre Guillet de Payerne, diamètre 170cm, poids donné à 3'500kg
Cloche 2, dite "de 11 heures", note mib3 (bas), coulée en 1577 par Franz Sermund de Berne, diamètre 135cm
[dans le clocher de l'église paroissiale] Cloche 3, dite "des morts", note sol3, coulée en 1510 (à entendre dans la partie "bonus"de la vidéo)
Cloche 4, dite "du feu", note do4, coulée en 1577 par Franz Sermund de Berne, diamètre 70cm

La grande cloche en do3, coulée par Pierre Guillet, originaire de Romont, et cousin germain de certain Jakob Kegler l'Ancien, fondeur fribourgeois qui avait pris le parti de changer son nom en "Quillet", avant de le germaniser en "Kegler". Etabli dans l'abbatiale même, Guillet avait livré en son temps des cloches aux temples vaudois de Vevey et de Morges, de même qu'aux églises fribourgeoises de Villaraboud, de Cugy et d'Estavayer-le-Gibloux, cloches aujourd'hui disparues.

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La cloche 2 (ci-dessus) et la cloche 4 portent toutes 2 la signature de François Sermond, alias Franz Sermund, éminent fondeur bernois originaire de Bormio (I), connu avant tout pour ses imposantes réalisations pour la cathédrale de Berne (la sublime "Mittagsglocke" en sol#2) et bien sûr le magnifique bourdon en lab2 de la cathédrale de Lausanne. Parmi les autres cloches vaudoises de Sermond, citons le bourdon de Cossonay (ré3) et la cloche du château de Morges. Abraham Zender, son successeur, coulera - lui - le bourdon du temple St Martin de Vevey (sib2) et la grande cloche du temple d'Avenches (ré3). Il est à noter que la cloche 4 (photo ci-dessous) se trouvait à l'origine dans une des portes de la ville, et qu'elle n'a rejoint le clocher de l'abbatiale qu'en 1784.

Un grand merci à M. Daniel Bosshard, diacre et conservateur de l'abbatiale de Payerne, pour son chaleureux accueil.

Ravissante bourgade viticole de Lavaux, Lutry hébergea dès le 11e siècle - et jusqu'à la Réforme - un des plus importants prieurés du canton. Le terrible incendie de 1344 obligea à la construction d'une nouvelle église, non plus de style roman, mais gothique. Réforme oblige, l'année 1569 vit les Bernois procéder à la démolition des anciennes chapelles, et élever par là même l'actuel clocher. Y fut placé un "bourdon" en complément des cloches déjà présentes dans le Clocher des Moines. Ce dernier, situé au sud du sanctuaire, fut démoli en 1820. 2 de ses cloches furent alors montées dans le clocher actuel, où - faute de place - elles furent accrochées aux baies orientales.

^ ^ Plénum

v v Les 4 cloches en solo

Rarement il m'a été donné d'observer sonnerie plus insolite et plus charmante que celle de Lutry ! A commencer par la disposition peu commune des cloches (2 en façade, 2 à l'intérieur). Comme vous avez pu le remarquer sur les enregistrements ci-dessus, les 2 plus petites cloches donnent la même note fondamentale. Très particulière est également la sonorité de la grande cloche, dont il manque un important morceau à la hauteur de la pince. Si on y ajoute l'âge canonique de ces nobles dames de bronze (coulées au 14e et au 15e siècle), et le fait que leur sonorité n'a jamais été corrigée, on peut sans hésitation affirmer que nous sommes ici en présence d'une des sonneries les plus rares et les plus précieuses de Suisse romande.

Cloche 1, note do#3, diamètre 155cm, poids environ 2'400kg, coulée en 1552 par Jakob Burdi de Fribourg et Amey Tyot d'Evian
Cloche 2, note la3, diamètre 112cm, poids environ 950kg, coulée en 1459 par Guillaume Fribor, alias Mercier
Cloche 3, note do#4, diamètre 81cm, poids environ 340kg, coulée vraisemblablement durant la 1ère moitié du 15e siècle.
Cloche 4, note do#4, diamètre 71cm, poids environ 220kg, coulée en 1510

La cloche 1, datée de 1552. On raconte qu'un sonneur un peu trop vigoureux l'a fait voler trop haut le soir de la St Sylvestre 1865, faisant éclater un morceau de la pince. Cela explique sa sonorité si particulière. La pièce de bronze manquante a été conservée. Espérons qu'une réparation sera un jour envisagée

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Guillaume Fribor, dit Mercier, considéré comme un des meilleurs fondeurs de sa génération, réalisa la cloche 2 en 1459. Les riches motifs de cette belle cloche, antérieure à la Réforme, contrastent avec la sobriété de la grande cloche, coulée sous domination bernoise.

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^ ^ La cloche 3

Accrochées à l'origine dans le Clocher des Moines, démoli en 1820, les cloches 3 et 4 ont la particularité de donner la même note fondamentale. Coulées respectivement durant la 1ère moitié du 15e siècle et en 1510, elles se balancent côte à côte dans les baies orientales du clocher

v v La cloche 4

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^ ^ Vue de la façade orientale du clocher, avec (de g à d) les cloches 3 et 4

v v Quelques clichés de l'intérieur du temple de Lutry. Remarquez les voûtes gothiques et leurs magnifques peintures du 16e siècle, œuvres du peintre flamand Umbert Mareschet, l'orgue Zimmer daté de 1791, le stalles et la chaire

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^^ Le portail occidental. Si on distingue encore nettement la voûte en berceau, rescapée de l'époque romane, on peut également admirer le riche tympan et les belles colonnes, exemple rare d'architecture protestante du 16e siècle.

Ce plan d'époque nous montre à quoi ressemblait jadis le temple de Lutry. Remarquez au 1er plan le Clocher des Moines, démoli en 1820 v v

Remerciements à M. Eric Ceppi, administrateur des bâtiments, pour son aimable autorisation. Merci surtout à M. Robert Cornu, ancien huissier, et aujourd'hui responsable des cloches et de l'horloge du temple de Lutry, pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Sources:
Les cloches de l'église de Lutry, par Georges Kasser, extrait de la Revue Historique Vaudoise, 1962
http://associationtemple.lutry.ch/fr/organisation.asp/4-0...
http://paroisse-protestante.lutry.ch/Temples.htm

Liens:
http://www.lutry.ch/
http://belmontlutry.eerv.ch/

Que ce soit pour ses festivals (Opéra, Rock Oz'Arènes), ou pour ses intéressants vestiges romains, la pittoresque cité d'Avenches attire  chaque année un nombre important de touristes de toutes affinités. Souvent oublié, mais pourtant remarquable, le temple, bâti au début du 18e siècle dans la plus pure tradition baroque réformée, sur les vestiges d'une église catholique romane, partiellement remaniée au 15e siècle, dont subsistent une abside et le clocher.

Tout comme le temple lui-même, la sonnerie d'Avenches fut profondément remaniée au fil des ans. Elle se compose aujourd'hui pour la volée de 4 cloches, dont 2 furent ajoutées fin 19e siècle à l'occasion des travaux d'harmonisation dirigés par l'infatigable "accordeur de cloches" Auguste Thybaud, déjà rencontré à Lausanne notamment. La plus petite cloche, l'une des plus anciennes du canton de Vaud, est aujourd'hui malheureusement muette.

Cloche 1, dite "Madeleine", note ré3, diamiète 140cm, coulée en 1521. Le poids de 7000 livres, mentionné dans les archives communales, est nettement exagéré !
Cloche 2, dite "Marie", note fa3, poids 1'069kg, diamètre 117cm, coulée en 1876 par Gustave Tréboux de Vevey
Cloche 3, dite "Rebecca", note sol3, poids 760kg, diamètre 105cm, coulée en 1876 par Gustave Tréboux de Vevey
Cloche 4, dite "Suzette", note sib3, poids 355kg, diamètre 64cm, coulée en 1611, vraisemblablement par Abraham Zender de Berne, corrigée en 1876
Cloche 5, dite "Cloche du Feu", poids 100kg, diamètre 60cm, coulée au 14e siècle, désaffectée. Absente du plénum, il est aujourd'hui impossible de la faire balancer correctement, en raison des antennes GSM installées dans le clocher.

Les documents d'archives de la commune expliquent que "devant les difficultés accrues de recruter les préposés à la sonnerie des cloches", il fut procédé en 1948 à la motorisation de la sonnerie par la maison Matthey-Doret de Neuchâtel (système Bochud), pour la somme de 6'500.- Il est amusant de noter qu'en 1876, la fonte et la pose des 2 nouvelles cloches, ainsi que l'accordage de la cloche 4, n'avaient coûté que... 2'350.- !

Le clocher étant dépourvu de cadrans, le mouvement d'horloge (Baer, modifié pour avance électrique des heures) commande 2 cadrans disposés sur la façade du temple.

La cloche 1, coulée en 1521

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^ ^ La cloche 2, venue compléter la sonnerie en 1876

Les cloches 3, 4 et 5 étant malheureusment inaccessibles sans un équipement approprié (échelles, harnais de sécurité), je me bornerai à vous fournir des clichés intérieurs du beau temple d'Avenches

^ ^ Le bel orgue fut construit au 18e siècle par Samson Scherrer, à qui on doit aussi les instruments du temple St Martin de Vevey et de l'église réformée St François de Lausanne (source: http://www.orgues-et-vitraux.ch)

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Ces intéressantes peintures, antérieures à la Réforme, furent mises au jour lors de la dernière rénovation. On reconnaît notamment ci-dessous le marthyre de Ste Apolline (fin du 15e siècle)

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Le clocher roman, auquel furent ajoutées début du 16e siècle 4 échauguettes de style para-militaire

Mes plus vifs remerciements à MM. Daniel Trolliet, syndic, et Lionel Conus, secrétaire municipal, pour leur aimable autorisation. Un grand merci également à M. Gaston Perroulaz, intendant des bâtiments communaux, pour sa disponibilité.

Sources:
Eglises vaudoises anciennes en 1905, première série
Divers autres documents consultables dans le temple

http://www.commune-avenches.ch
http://vullyavenches.eerv.ch/

Ce bel immeuble lausannois est sur le point d'être rasé par des promoteurs immobiliers, plus sensibles au dessins sur nos billets de banque qu'à la beauté du patrimoine architectural. Tout cela avec la bénédiction des autorités. C'est une honte ! Surtout quand on sait quelle cage à lapin va se dresser à la place de cette splendeur

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Avant que la beauté et le style ne s'effacent pour laisser la place au "fonctionnel", dans ce que ce terme peut comporter de plus péjoratif, je vous invite à jeter un dernier coup d'oeil apitoyé sur ce bel immeuble, construit en 1895 sur les plans de l'architecte vevysan Francis Isoz, à qui ont doit également le Château d'Ouchy, la Maison Mercier, le Gymnase du Bugnon, la BCV, ou encore le Crédit Foncieur Vaudois (source: 24heures, édition du 16 janvier 2012). Les influences de la Renaissance française y côtoient avec goût les motifs Art Nouveau