Cloches – Zurich-Albisrieden (CH-ZH) ancienne église réformée

Ce clocher contient la dernière sonnerie 100% historique de la ville de Zurich !

ZH Albisrieden alte Kirche

Zurich, la ville aux 40 bourdons… mais qu’en est-il du patrimoine historique ?

Plus c’est gros, plus c’est beau, pense-t-on souvent chez les amis des cloches, spécialement les plus jeunes. J’ai un temps été de ceux qui se rendaient chaque fin de semaine dans l’est de la Suisse dans le seul but d’immortaliser moult bourdasses dans leurs clochers rassasiés de bronze. Il aura fallu toute la pédagogie de campanologues avertis (merci Matthias, merci Pascal, merci Stefan) pour me faire comprendre que quand c’est petit, ça peut être aussi très joli, surtout quand ça ne date pas d’aujourd’hui.

Le patrimoine campanaire de la ville de Zurich a cela d’enivrant qu’il compte 40 bourdons (cloches en octave 2) pour environ 400’000 habitants. Ce chiffre vertigineux s’explique d’abord par le fait que les communautés réformées et catholiques, au coude à coude sur le plan statistique, ont longtemps voulu que leur clocher chante plus fort que celui du « concurrent ». A cela s’ajoute la rivalité entre quartiers – anciennement communes indépendantes pour la plupart – désireux d’en mettre plein la vue avec l’église la plus somptueuse qui soit. Cette course effrénée a certes rendu le paysage campanaire zurichois imposant comme nul autre. Mais – effet pervers – elle a aussi contribué à sacrifier d’intéressantes petites sonneries historiques sur l’autel du gigantisme. Les églises historiques du centre ville (Grossmünster, Fraumünster, St Peter) ont vu leurs cloches refondues à la Belle-Epoque, essentiellement par le dernier fondeur local Keller. Les quartiers périphériques, quant à eux, se sont essentiellement développés dès la fin du XIXe siècle. Devenues trop petites, leurs anciennes églises ont été – dans le meilleur des cas – désaffectées, mais hélas trop souvent rasées. Les antiques clochers qui ont réussi à subsister ont reçu de nouvelles cloches. Je m’étais penché il y a quelques années sur le cas d’Altstetten, ce quartier tout à l’ouest de Zurich, qui avait eu la bonne idée de conserver son ancienne église réformée à deux pas du nouvel édifice. Partiellement historique, la sonnerie du vénérable clocher fut malheureusement amputé d’une de ses voix. On a effectivement cru au XXe siècle que ce serait une bonne idée de faire cadeau de la plus petite cloche à une paroisse du Liechtenstein (sic).

L’ancienne église réformée d’Albisrieden est donc le seul édifice religieux de la ville de Zurich qui possède encore sa sonnerie historique intacte. Achevé en 1818, ce charmant temple au fronton néoclassique succède à une petite église de 1678, elle-même construite sur les fondations d’une chapelle consacrée en 1270. Le nouvel édifice reçut une grande cloche qui vint compléter la petite  sonnerie patiemment élaborée au fil des ans par la dynastie Füssli.

-Cloche 1, note mi3, coulée en 1818 par Wilhelm Füssli
-Cloche 2, note la3, coulée en 1722 par Johann Füssli II
-Cloche 3, note do4, coulée en 1695 par Moritz Füssli I
-Cloche 4, note fa4, coulée en 1659 par Hans Füssli III

Les Füssli, fondeurs de cloches, mais pas seulement – Le dictionnaire historique de la Suisse (DHS) nous apprend que le premier Füssli recensé à Zurich en 1357 est Conrad, valet d’un fondeur de Feldkirch (A). Mais c’est le fils de Conrad, Peter, qui est le premier ancêtre véritablement documenté de la lignée. Les Füssli coulèrent des cloches jusqu’au décès – en 1843 – de Wilhelm, artisan de la grande cloche d’Albisrieden. Durant ces cinq siècles, cette dynastie se montra très active au creuset. Rappelons que le bourdon de la cathédrale de Berne, la plus grande cloche de Suisse, fut coulé en 1611 par Peter VII associé au bernois Abraham Zender, successeur de Franz Sermund. A cela s’ajoutèrent des activités métallurgiques annexes comme la fonte de canons. Les Füssli œuvrèrent également comme mercenaires durant les guerres d’Italie et occupèrent les plus hautes fonctions dans l’Etat (membre du Grand Conseil, balli…). Une branche cousine se consacra dès le XVIIIe siècle à l’imprimerie. L’entreprise Orell Füssli, spécialisée dans la confection de billets de banque et de papiers sécurisés, en est la descendante actuelle.

Un grand merci à Stefan Mittl, expert campanologue à Zurich, pour l’organisation de cette belle étape campanaire. Remerciements à la paroisse réformée de Zurich-Albisrieden pour son aimable autorisation.

Sources :
Dictionnaire historique de la Suisse
https://de.wikipedia.org/wiki/Alte_Kirche_Albisrieden
http://www.kirchgemeinde-albisrieden.ch/

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