Cloches – Broc (CH-FR) église Saint-Othmar

Une vénérable cloche de 1599 et ses quatre jeunes sœurs du XIXe siècle

-Cloche 1, note ré 3 -29/100, poids 1832 kg, coulée en 1878 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
-Cloche 2, note mi 3 +32/100, poids estimé à 1100 kg, attribuée à Pierre Guillet de Romont
-Cloche 3, note fa# 3 +10/100, poids 955 kg, coulée en 1878 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
-Cloche 4, note la# 3 +17/100, poids 597 kg, coulée en 1878 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
-Cloche 5, note ré# 4 -26/100, poids 250 kg, coulée en 1878 par Ruetschi (Hermann) à Aarau
Diapason : la3 = 435 Hz, déviation en 1/100 de 1/2 ton

L’ancienne église de Broc en 1877

Broc semble avoir disposé d’une église paroissiale avant même la fondation de son prieuré vers le XIe siècle. Dans son dictionnaire historique, Deillon estime que la paroisse a dû voir le jour vers l’an 850. Elle englobait jadis la rive droite de la Sarine de Corbières au nord à Lessoc au sud en passant par Bellegarde à l’est. Cette grande entité comptait alors près de 10 églises, dont celle de Broc, située sur les hauts du village. Cette église fut incendiée à une date indéterminée. Dès lors, les Brocois durent se rendre à l’église prieurale, devenue paroissiale après la fin du prieuré au début du XVIe siècle. On sait de cette église, déjà dédiée à Saint-Othmar, qu’elle fut transformée ou reconstruite en 1432 et en 1610. Le clocher – le seul élément architectural à nous être parvenu – date du début du XVIIe siècle. Mgr Marilley consacra l’actuelle église paroissiale le 29 juillet 1876. Bâti sur les plans de l’architecte cantonal Adolphe Fraisse, le nouveau sanctuaire échappa de peu au terrible incendie  qui ravagea un tiers de la localité en 1890. Fernand Dumas mena d’importantes transformations entre 1935 et 1936. Deux chapelles latérales furent créées dans le prolongement du transept en lieu et place des sacristies. L’architecte fit appel à ses amis du Groupe Saint Luc pour la décoration. François Baud sculpta la Vierge en bois doré disposée devant la fresque de Paul Landry, représentant les mystères du rosaire dans la chapelle du transept gauche. Le même peintre, associé à François Baud, décora le chœur de tonalités chaudes. Alexandre Cingria réalisa les vitraux du sanctuaire, alors que Yoki s’occupa de ceux du transept et de la nef. La croix, le tabernacle et les chandeliers sont dûs à l’orfèvre Feuillat. Le chemin de croix – série de tableaux émaillés – a été réalisé par Francis Ribas.

L’ancienne église de Broc disposait de trois cloches. Deux dataient de 1599, une troisième fut ajoutée en 1813. Cette sonnerie ne trouva pas grâce aux yeux des paroissiens de cette fin de XIXe siècle. L’abbé Badoud raconte que la deuxième cloche, dédiée à Sainte-Thérèse, donnait un son si lugubre qu’elle avait été surnommée « le Bernard de Broc ». La voix de cette cloche rappelait en effet étrangement les aboiements du brave chien secouriste, selon le curé de l’époque. Pour la nouvelle église, la paroisse choisit de passer commande à Hermann Ruetschi de 4 nouvelles cloches. Elles furent bénies le 10 avril 1878. Il fut également décidé d’ajouter à l’ensemble la plus grande des vieilles cloches. Compte tenu de la configuration du beffroi, je présume que l’ajout de cette cloche de 1599 – qui ne figure pas sur les archives de la maison Ruetschi – a été décidé sur le tard. Cette pièce historique, que j’attribue à Pierre Guillet de Romont, souffre de nombreux défauts de coulée qui masquent la plupart de ses décors. Sa sonorité n’en est pas bonheur nullement altérée.

Inscriptions sur les cloches
-Cloche 1 : A Saint Othmar. J’ai été bénite ainsi que mes trois sœurs par Mgr Marilley évêque de Lausanne dans la 33e année de son épiscopat et la 1e année du règne glorieux de Léon XIII. C’est moi qui donne le signal de la joie de la douleur et de la prière. Parrain : M. Sudan de Broc, Rd. curé de Sorens. Marraine : Mme Hyacinthe Mossu née Gremaud femme de M. le Syndic Anselme Mossu. Anecdote : quand il fut passé commande des cloches, le pape était Pie IX. Le souverain pontife décéda quelques heures avant la coulée. On retarda alors l’événement de plusieurs jours pour permettre de mettre les inscriptions à jour.
-Cloche 2 : Comme indiqué plus haut, cette cloche historique souffre de nombreux défauts de coulée. On peut toutefois distinguer les effigies de Saint Othmar, patron de la paroisse, et de Saint Nicolas, patron du chapitre de la collégiale de Fribourg dont dépendait la paroisse de Broc. On peut aussi distinguer une tête d’angelot et une frise aux motifs floraux sous la panse. Ce sont ces motifs qui m’ont poussé à attribuer cette cloche à Pierre Guillet. Figure enfin la date de 1599, une période durant laquelle le fondeur romontois fut actif en Gruyère. Les ferrures (d’origine) portent les intiales FMG et la date de 1600.
-Cloche 3 : Je chante sur vos berceaux, je marque tous vos pas dans la vie, j’annonce tous les événements de votre famille. Parrain : Monsieur Badoud révérend-prieur de Broc. Marraine : Mademoiselle Thérèse Andrey fille de Jean du Château d’En Bas. Note : il s’agit de la cloche chargée de sonner les baptêmes.
-Cloche 4 : Je suis la voix du Ciel qui vous appelle aux autels de Dieu. Délivrez-nous, Seigneur, de la foudre et de la tempête. Parrain : Monsieur François Sudan, fils de Jean Joseph dit au Syndic de Broc. Marraine : Mademoiselle Agnès Jacquenoud fille de Jean-Louis de Broc. Note : C’est la cloche que l’on sonnait jadis pour éloigner la foudre.
-Cloche 5 : Je crie dans vos dangers, je gémis quand vous allez mourir. Parrain : Monsieur Pierre Ruffieux fils de Antoine dit au Conrad de Broc. Marraine : Marie née Barras veuve de Joseph Barras Juge de Paix de Broc. Note : il s’agit évidemment de la Cloche de l’Agonie.

Signature de Pierre Guillet (parfaitement lisible ici) sur la grande cloche déposée de Saint-Aubin (NE) coulée en 1603, fêlée dans l’incendie de 2012

Comme indiqué plus haut, la sonnerie égrène les notes ré – mi – fa# – la# – ré# aigu. Le résultat est donc très différent de ce que la fonderie Ruetschi devait livrer. Les nouvelles cloches étaient en effet censées donner un accord parfait (ré fa# la ré). La cloche 5 est réservée à l’annonce des décès. Les cloches 1 à 4 sonnent à la volée pour les messes, elles peuvent également carillonner au moyen d’un ingénieux système de marteaux amovibles  qui se lèvent lors du carillon et s’abaissent après usage pour ne pas interférer avec les volées. Les quarts d’heure se tintent sur les cloches 4 et 3, l’heure se donne sur la cloche 1. Les cadrans et les tintements horaires sont gérés par une horloge-mère BTE 6 de Bodet. Le beffroi et les jougs des cinq cloches sont de 1878. Les ferrures de la cloche 2 portent la date de 1600.

Quasimodo remercie :
Le conseil de paroisse de Broc pour son aimable autorisation.
-Jean-Paul Schorderet, campaniste, directeur de Mécatal, pour m’avoir accueilli lors de ma première visite.
-Alexandra Pinget, conseillère paroissiale en charge des constructions, et Francis Aebischer, sacristain et carillonneur, pour leur chaleureux accueil lors de ma seconde visite et la riche documentation fournie.
Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice et à Taninges, pour son indispensable collaboration et les moments d’amitié.
-Matthias Walter, expert-campanologue à berne, pour ses précieux conseils.

 Sources :
-Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg volume 2, Père Apollinaire Deillon, imprimerie du chroniqueur suisse, 1884.
-Le patrimoine campanaire fribourgeois, éditions Pro Fribourg, 2012
-La vie brocoise, plusieurs éditions de l’année 2003, écrits de Michel Jordan.
Note sur l’église de Broc, auteur non mentionné, documentation fournie par la paroisse
http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F19448.php
http://www.broc.ch/histoire.html

Comparaison des décors entre la cloche 2 de Broc (à gauche) et la grande cloche déposée de St Aubin)

2 réflexions au sujet de « Cloches – Broc (CH-FR) église Saint-Othmar »

  1. Chappuis Philippe

    Très intéressant lien, mais la photographie de l’ancienne église du Prieuré de Broc avec la destruction de sa nef m’interpelle encore d’avantage !!
    Pouvez-vous me donner des renseignements sur cette image sa source, la date ?
    Avec mes remerciements et mes cordiales salutations !
    Dr Philippe Chappuis

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    1. Quasimodo Auteur de l’article

      Bonjour,
      Il s’agit d’une carte postale que le campaniste Jean-Paul Schorderet avait numérisée à mon intention. Vous trouverez d’autres vues de l’ancienne et du prieuré sur le site internet NOTREHISTOIRE.CH
      Bien cordialement

      Répondre

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