Cloches – Arconciel (CH-FR) église Saint-Jacques

Les huit cloches n’avaient plus sonné ensemble depuis deux générations !

Cloche 1 Myriam 1989 134 cm 1500 kg ré 3 Paccard
Cloche 2 Jacques 1804 115 cm 1050 kg mi 3 Pierre Dreffet
Cloche 3 Maurice 1804 104 cm 760 kg fa dièse 3 Pierre Dreffet
Cloche 4 Maria 1880 101 cm 650 kg sol 3 Charles Arnoux
Cloche 5 Antonia 1880 89 cm 460 kg la 3 Charles Arnoux
Cloche 6 Carolina 1880 81 cm 330 kg si bémol 3 Charles Arnoux
Cloche 7 Johanna 1880 67 cm 190 kg ré 4 Charles Arnoux
Cloche 8 (Agonie) 1455 ? 52 cm 80 kg sol 4 Hensli Follare ?
Anc. cl.1
Josepha 1880 135 cm 1500 kg ré 3 Charles Arnoux

Le clocher a failli s’écrouler – Rarement il m’est arrivé de bénéficier d’une documentation aussi complète pour rédiger une de mes présentations. Mention au professeur Francis Python, historien, ancien président de paroisse, auteur de cette page sur le site internet paroissial. C’est suffisamment rare dans nos contrées pour être signalé (ce sont plutôt les régions germaniques qui offrent une pléthore de détails sur leur patrimoine). On apprend pour commencer que la première mention du village d’Arconciel (Arkonhyi en patois) remonte à 1082, qu’un premier curé est attesté en 1148 et qu’une église paroissiale dédiée à saint Jacques figure dans la liste établie par le Canon d’Estavayer en 1228. Ce bâtiment est endommagé par la foudre en 1558, comme l’indique l’ex-voto en molasse fixé au mur extérieur Est de la nef. Une reconstruction est menée en 1567, selon un document trouvé dans la boule du sommet du clocher. Devenue trop petite et surtout vétuste, cette église et son clocher de bois sont remplacés – après moult tergiversations relatées par le curé Astheimer – par un nouveau sanctuaire flanqué d’un clocher latéral en dur. La consécration a lieu en 1789. Le bâtiment subit des transformations et des embellissements au fil des ans : réalisation du grand autel et des tabernacles latéraux entre 1864 et 1867 ; puis, de 1879 à 1881, allongement de la nef et construction du clocher. L’édification de ce dernier ne se fait pas sans peine. On choisit d’abord de réutiliser une partie des matériaux de l’ancienne tour. Mauvais choix : le nouveau clocher menace de s’écrouler. Intervention du curé-doyen Python qui modifie les plans initiaux d’Ambroise Villard, son homologue de Farvagny. C’est ainsi que fut réalisé le massif clocher-porche néoclassique que nous connaissons aujourd’hui. Les deux colonnes du fronton furent extraites de la carrière sous forme brute. Les archives relatent que le char tiré par une quinzaine de chevaux et de bœufs fut victime d’un accident. Jusque dans les années 1980, le clocher était surmonté d’une galerie aujourd’hui disparue.

Une cloche à la date mystérieuse – MCDIV (1404) telle est la date qu’on peut déchiffrer sans peine sur le col de la petite cloche. Or cette date semble précoce à plus d’un titre. Le profil et la la calligraphie tendent plutôt à nous indiquer que nous avons affaire à une cloche de la seconde moitié du XVIe siècle. Le « I » a-t-il remplacé par erreur un « L » ? Il est vrai que 1455 paraît déjà plus réaliste. Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, souligne que la petite cloche d’Arconciel présente de grandes similitudes avec la grande cloche de la basilique Notre-Dame de Fribourg, coulée par Hensli Follare en 1456. On remarque aussi une ressemblance avec la petite cloche de Belfaux, non datée, mais dont on dit qu’elle a été coulée en 1483. Matthias Walter s’est également efforcé de déchiffrer le reste des inscriptions de la petite cloche d’Arconciel : IHS AUTEM TRANCIENS PER MEDIU ILLORUM IBAT … [fugit?] (mais Jésus, passant au milieu d’eux, s’en alla). Cette inscription se réfère au cri de bataille des troupes chrétiennes de Philippe Ier lors de leur victoire sur les Sarrasins. On trouve la même phrase sur quelques autres cloches de la région : le petit bourdon de la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg et la petite cloche de Plasselb, toutes deux œuvres des fondeurs Pierre de Montureux et Robert de Besançon en 1505.

Quatre cloches trop longtemps immobiles – Si mes visites dans les clochers fribourgeois m’ont habitué à trouver des ensembles plutôt bien fournis (en général 4 ou 5 cloches) le nombre de huit cloches est hors du commun pour un village comme Arconciel. Hormis la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg, il n’y a que Bulle, Gruyères et Romont qui disposent de sonneries plus étoffées. On peut donc imaginer que les paroissiens d’Arconciel disposaient de moyens financiers conséquents et – surtout – qu’ils étaient animés d’une grande ferveur. Ce ne sont pas moins de 2’400 francs de l’époque qui furent récoltés en 1880 ! Mgr Cosandey procéda à la bénédiction de la sonnerie le 18 octobre 1881. Une plongée dans les archives du journal La Liberté du 31 octobre 1880 nous apprend que le travail du fondeur Charles Arnoux fut grandement apprécié par l’abbé Gauthier, chapelain à Belfaux, mandaté par la paroisse d’Arconciel pour son avis d’expert (voir galerie ci-dessous). Mais n’en déplaise à notre brave abbé, si les huit cloches sont toutes d’excellente qualité, on se doit de relever la justesse toute relative de l’ensemble. On est très loin de l’harmonie des sonneries diatoniques réalisés à la même époque par Gulliet pour Riaz et pour Saint-Martin en 1862, et par Paccard pour Bulle en 1905. Il n’empêche que la sonnerie d’Arconciel ne manque pas de charme avec son côté rugueux. Il est même profondément regrettable qu’une fêlure ait conduit au remplacement par Paccard (qui a certes coulé une pièce d’excellente facture) de la grande cloche Arnoux, heureusement conservée et exposée. Quand il a été question de motoriser la sonnerie il y a quelques décennies, la décision fut prise de n’utiliser plus que quatre cloches à la volée (1-3-5-7) sans doute par souci d’économie, mais peut-être aussi pour des raisons d’harmonie. Les cloches 2-4-6-8 sont donc restées longtemps immobiles, se contentant de tinter les jours de fêtes par le biais de ritournelles programmées. Le clocher contient encore l’ancienne horloge monumentale (désaffectée) signée Prêtre à Rosureux, vraisemblablement livrée en 1880. Les cloches tintaient jadis tous les quarts d’heures, mais suite aux exigences d’un certain voisinage, seules les heures et la demie sont aujourd’hui sonnées de 7h à 19h.

Une restauration soucieuse de l’Histoire – Les abonnés à ma page Facebook et à mon profil Instagram ont eu l’occasion de suivre étape par étape les longs travaux de restauration de la sonnerie d’Arconciel par l’entreprise Mecatal campaniste. Vous pouvez en retrouver certaines dans l’album ci-dessous. Ces travaux se sont déroulés sous la supervision du Service des Biens Culturels du canton de Fribourg. Certaines des cloches avaient conservé leurs jougs d’origine qui ont été restaurés. Ont surtout été remis superbement en valeur les belles têtes de jougs néo-baroques des cloches nos 2 et 3. D’autres cloches avaient hérité lors de leur motorisation de montures en acier qui ont été remplacées par du chêne. La grande cloche de 1989, qui n’a jamais connu de suspension autre que le métal, se balance maintenant elle aussi sous un joug de chêne. Les battants installés il y a une cinquantaine d’années ont été remplacés, mais par souci de conservation, les Biens Culturels ont exigé que les cloches de 1880 disposant encore de leurs battants d’origine les conservent. Le beffroi, en mauvais état, a été consolidé. Pour des raisons de statique, certaines des cloches ont vu leurs emplacements permutés. La motorisation de la volée, les électro-tinteurs, les paliers, la centrale de commande et l’automate de gestion des sonneries sont neufs. La remise en service des cloches le 8 septembre 2019 a coïncidé avec celle du four à pain historique et fut l’occasion de belles festivités (messe, apéritif, banquet, conférence de presse, visites commentées).

Ils ont donné de leurs deniers – Cette présentation ne serait pas complète sans la mention des parrains et marraines des cloches. Après tout, c’est grâce à eux si cette impressionnante sonnerie a pu se constituer au fil des ans ! Peut-être que certains paroissiens d’Arconciel identifieront, non sans une certaine émotion, le nom d’un ancêtre ou d’une aïeule.
-Cloche 1 (1989) l’ensemble des paroissiens d’Arconciel
-Cloche 2 (1804) Jacques Dousse et Anne Python née Biolley (d’Avaux)
-Cloche 3 (1804) Jean et Barbe Kolly
-Cloche 4 (1880) Jacques Dousse et Anne Biolley-Kolly
-Cloche 5 (1880) Antoine Dousse et Anne Python (de la Dey)
-Cloche 6 (1880) Pierre Dousse et Caroline Python-Clerc, épouse du Dr Python
-Cloche 7 (1880) Jean et Anne Python (d’Avaux)
-Ancienne cloche 1 (1880) déposée : Joseph Bulliard et Marie Python-Kolly

Qu’est-ce qui sonne à quel moment ?  La remise en service des huit cloches a été l’occasion d’un travail de réflexion sur quelles cloches sonner à quelles occasions. L’élaboration d’une nouvelle ordonnance de sonnerie a été confiée à Antoine Cordoba, carillonneur à l’abbaye de Saint-Maurice, qui s’est déjà maintes fois illustré dans ce domaine en concoctant – par exemple – l’ordonnance de la cathédrale de Verdun (16 cloches). Voici quelques extraits du programme d’Arconciel
-Messe dominicale, premier appel (30 minutes avant) : cloche 2, (2 minutes)
-Messe dominicale, second appel : cloches 7-5-4-2, (5 minutes)
-Messe solennelle, premier appel : cloche 1 (2 minutes)
-Messe solennelle, second appel : 7-6-5-3-2-1 (5 minutes)
-Messe en semaine : 6-4 (2 minutes)
-Baptême : 7-6 (3 minutes)
-Mariage : 7-5-3 (3 minutes)
-Agonie (annonce décès) : cloche 8 (1 minute) puis 1-4-7-8 pour un homme, 8-7-4-1 pour une femme (3 minutes)
-Glas entrée : 1-4-7-8 (5 minutes)
-Glas sortie : 1-2 (5 minutes)
-Angélus 7h-12h-19h : cloche 7 (1 minute)
-Grandes occasions (Fête Nationale 1er août 20h, Nouvel-An 0h…) 8-7-6-5-4-3-2-1
Toutes les séquences sont programmées pour êtres appelées au moyen d’un automate ECAT Punto SP1.VENTI installé par la maison Ecoffey. Des commandes manuelles sont également disponibles.

Quasimodo remercie chaleureusement
-La paroisse d’Arconciel, et tout spécialement sa présidente Evelyne Charrière-Corthésy et son responsable des bâtiments Dominique Currat.
-Francis Python, historien, ancien président de paroisse.
-Mecatal campaniste à Broc : Jean-Paul Schorderet, Olivier Chammartin, François Rime, Christelle Ruffieux.
-Ecoffey campaniste à Broc : Daniel et Chantal Ecoffey.
-Matthias Walter, expert-campanologue à Berne.
Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice.
-Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers.

Sources (autres que déjà mentionnées)
-Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du canton de Fribourg volume 1, Père Apollinaire Deillon, Imprimeur du Chroniqueur Suisse, 1884
https://www.arconciel.ch/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arconciel
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-2935-11-6-1/

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