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Temple lausannois désacralisé, cloche à vendre

temple St Luc

Suite à la transformation du temple de Saint-Luc en une Maison de quartier, la Ville de Lausanne cherche un acquéreur pour la cloche. Fondue en 1939, elle cloche donne la note ré3 et pèse 1’731 kg pour un diamètre de 1,44 m. Elle porte les inscriptions suivantes en majuscules : Je vous annonce une bonne nouvelle. Paroisse de St-Laurent-Pontaise. Anno Domini MCMXXXXIX. Fonderie H. Ruetschi SA Aarau. La Ville souhaiterait céder la cloche, de préférence à une institution publique ou à une église. Le transport est à la charge de l’acquéreur. Dossier à disposition, prix à discuter.

cloche st lucLes personnes intéressées sont invitées à s’adresser à:

Ville de Lausanne, domaine Cultes et Temples, 9, Place Chauderon, CP 5032, 1002 Lausanne, Tél. +41 21 315 6215 / Fax +41 21 315 6002, Courriel : nkiko.nsengimana@lausanne.ch

L’harmonisation des sonneries au XIXe siècle

harmonisation

La cathédrale de Lausanne, le temple St Etienne de Moudon, l’abbatiale de Payerne… leurs sonneries semblent figées depuis l’aube des temps. Et pourtant, il y a tout juste un siècle, ces clochers – à l’image de beaucoup  d’autres églises vaudoises – égrenaient une tout autre mélodie. A la base de ces projets: Auguste Thybaud, auto-proclamé « accordeur de cloches ».

CathédraleLa particularité de ces travaux de Thybaud, c’est qu’ils ont consisté essentiellement en une correction des cloches historiques (procédé de birinage effectué aux Ateliers de Constructions Mécaniques de Vevey) et dans l’échange entre différents clochers. Rien à voir avec l’hécatombe campanaire dans nombre de villes alémaniques, qui ont remplacé sans vergogne leurs cloches historiques par des sonneries modernes. Zurich, la ville au 38 bourdons (cloches en octave 2), ne possède plus qu’une seule sonnerie 100% historique intacte (ancienne église d’Albisrieden). Si les 7 cloches de la cathédrale de Lausanne forment aujourd’hui un accord de type « salve regina », le vénérable clocher ne renfermait jusqu’en 1898 que 5 cloches, sur un motif nettement moins classique. Quant à l’église St François, elle possédait déjà 4 cloches, mais toutes différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Les tableaux ci-dessous vous permettent de vous faire une idée de l’immense chantier mené en 1898 dans les clochers lausannois. Les cloches sont désignées par des lettres (A à M), vous permettant ainsi de suivre leur périple.

Cathédrale
Aujourd’hui
A) lab2 B) do3 F) mib3 G) >fa3< H) lab3 I) >sib3< E) do4
Avant 1898
A) lab2 B) do3 C) do3 D) ré3  E) do#4
St François
Aujourd’hui C) do3 D) mib3 J) >lab3< K) >sib3<
Avant 1898 L) [do#3] F) mi3 H)sib3 M) si3
Les cloches:
A) Marie-Madeleine, lab2, Franz Sermund, 1583, cathédrale
B) Clémence, do3, 1518, cathédrale
C) Cloche de midi, do3, 1726, cathédrale -> St François
D) Cloche des heures, ré3 -> mib3, Jean Richenet, 1674, cathédrale -> St François
E) Couvre-feu, do#4 -> do4, fin 13e- début 14e siècle, cathédrale
F) Lombarde, mi3 -> mib3, 1490, St François -> cathédrale
G) >Grande Centenaire, fa3, Jules Robert, 1898, cathédrale<
H) François, sib3 (bas) -> lab3, Isaac Jacquier, 1666, St François -> cathédrale
I) >Petite Centenaire, sib3, Jules Robert, 1898, cathédrale<
J) >lab3, Paintandre frères, 1898, St François<
K) >sib3, Paintandre frères, 1898, St François<
L) [Rose, do#3, 1508, St François -> Mont-la-Ville, fêlée durant le trajet (perdue)]
M) si3, Jean-Baptiste Pitton, 1810, St François -> Romainmôtier (existe toujours)

Légende: 
Cloche non corrigée dans son clocher d'origine 
Cloche corrigée 
Cloche déplacée 
Cloche déplacée et corrigée 
[Cloche perdue] 
>Cloche neuve<

^ ^ L’actuelle sonnerie de la cathédrale de Lausanne
v v reconstitution de l’ancienne sonnerie

Ce vaste chantier n’a pas été mené à bien sans certaines résistances. Les arguments – essentiellement financiers – des opposants ne trouvèrent grâce aux yeux du Conseil Communal de Lausanne, qui accepta la dépense devisée à 10’000 francs, financée par la Société de Développement. L’essai de la nouvelle sonnerie de la cathédrale eut lieu le 24 juin 1898 à 22h. Si l’enthousiasme fut généralement de mise, les adversaires de la première heure ne décoléraient pas. Selon La Tribune du lendemain, le test n’était guère probant et « les 10’000 francs versés dans la sacoche de M. Thybaud » auraient pu être « plus utilement employés ».

^ ^ L’actuelle sonnerie de l’église St François de Lausanne
v v reconstitution de l’ancienne sonnerie

Thybaud Orsonnens Liberté 21 septembre 1898Mais qui était au fait Auguste Thybaud ? Cet instituteur et musicien, originaire de Concise (VD), fut condamné quelques années plus tôt pour escroquerie, un chef d’accusation qui lui valut de séjourner en prison. La méfiance à l’égard de notre accordeur de cloches semble remonte à cette époque. Ses méthodes de prospection cavalières lui ont en outre valu quelquefois l’hostilité de ses interlocuteurs (cliquez ci-contre sur l’article paru dans la Liberté du 21 septembre 1898) En 1898, Thybaud racontait devant les membres de l’Association pour la Restauration de la Cathédrale St Pierre de Genève, que l’idée de corriger les cloches lui était venue après avoir assisté au burinage de timbres d’automates à musique dans les usines Paillard de Ste Croix. S’en sont suivis des essais sur diverses clochettes. Son premier test grandeur nature, Thybaud affirme l’avoir effectué à Prez-vers-Noréaz en 1873, alors que 4 nouvelles cloches venaient d’être livrées par Treboux de Vevey. La ligne nominale lab2 do3 mi3 sol3 do4 (gamme de lab majeur avec altération sur le mib) fut ainsi corrigée en lab2 do3 mib3 lab3 do4 (gamme de lab majeur), sur les conseils de Thybaud, appelé pour expertiser la sonnerie.

^ ^ L’actuelle sonnerie de l’église St Jean-Baptiste de Prez-vers-Noréaz
v v reconstitution de l’ancienne sonnerie

Si les clochers lausannois furent incontestablement le chantier le plus important et le plus complexe mené à bien par Auguste Thybaud, l’infatigable accordeur de cloches eut l’occasion de dispenser ses conseils dans nombre d’autres localités, essentiellement vaudoises, mais aussi fribourgeoises (Prez-vers-Noréaz, comme cité plus haut) et genevoises. La cathédrale de St Pierre, par exemple, passa de la gamme de mi majeur à celle de do majeur avec une basse en quarte grâce au magnifique bourdon Clémence, tandis qu’au temple voisin de la Madeleine, les 3 cloches ne furent corrigées pour former un accord majeur en fa#3 qu’en 1949 (travaux dirigés par le St Gallois Ernst Schiess). Si ces 2 gammes n’ont rien en commun, le mariage des 2 sonneries – malgré les harmoniques peu communes des cloches historiques – donne un résultat de plus charmants. Parmi les sonneries vaudoises où les travaux revêtirent une dimension emblématique, arrêtons nous quelques instants sur les exemples de Moudon et de Payerne.

moudon faceJusqu’en 1893, le clocher du temple St Etienne de Moudon égrenait les notes lab2 ré3 fa3 solb3 lab3. Les demi-tons étant considérés à cette époque comme une hérésie, la cloche 3 fut abaissée, alors que la 5e fut rehaussée. Nous avons donc aujourd’hui une sonnerie en lab2 ré3 mi3 sol3 sib3. Si l’accord formé par les 4 plus petites cloches permet de tinter tous les quarts d’heure les premières mesures de l’Amour est Enfant de Bohème de Bizet, on peut s’étonner du triton formé par les cloches 1 et 2 (lab2 et ré3), sachant que cet intervalle était à l’époque encore davantage prohibé que les demi-tons. Sans doute que les 4’700kg du 2e plus lourd bourdon du canton de Vaud ont dissuadé Thybaud de l’extraire du clocher pour le monter d’un demi-ton et obtenir ainsi un motif westminster classique.

^ ^ L’actuelle sonnerie du temple St Etienne de Moudon
v v Reconstitution de l’ancienne sonnerie

Payerne abbatiale absidePlus tortueux est le cas de Payerne. Avant 1895, les clochers de l’abbatiale et de l’église paroissiale donnaient les notes si2 ré3 mib3 sib3. Thybaud conseilla pour commencer de monter le sib3 à l’octave du bourdon. Le mib3, lui, prit le chemin du temple de Mézières (VD) où il sonne encore. Le clocher de l’église paroissiale de Payerne héberge aujourd’hui une cloche en fa#3, coulée en 1510, et se trouvant jadis à… Aubonne. Les 2 clochers historiques chantent maintenant un accord de si mineur (si2 ré3 fa#3 si3).

^ ^ L’actuelle sonnerie de l’abbatiale et de l’église paroissiale de Payerne

L’harmonisation des sonneries par Auguste Thybaud a modifié le paysage campanaire romand de manière irrémédiable. Si décriés puissent-ils être aujourd’hui par certains historiens, ces travaux sont témoins d’une époque. Ils représentent surtout un tournant important : le passage de la cloche en tant que simple outil sonore individuel, à celui d’instrument de musique intégré dans un ensemble harmonieux classique.

*La technique d’accordage des cloches*
Elle se pratique généralement en atelier, pour des raisons évidentes de commodité. La cloche est placée sur un tour et entre en rotation. Pour abaisser sa note – opération la plus facile – on fraise l’intérieur, dans le but d’augmenter son diamètre. C’est ainsi que procèdent aujourd’hui encore les fondeurs pour ajuster la note d’une cloche, précision d’autant plus requise lorsqu’il s’agit d’un carillon. Evidemment que de nos jours, l’électronique a remplacé les bons vieux diapasons. Monter la note d’une cloche est beaucoup plus délicat. Il s’agit de la raccourcir, autrement dit rendre son biseau moins accentué. Les clichés ci-dessous de 2 cloches du temple de la Madeleine à Genève (correction par Ernst Schiess en 1949) illustrent les 2 procédés. A gauche, la plus petite 3 des cloches, dont l’intérieur a été fraisé pour abaisser sa note. A droite, la grande cloche, raccourcie pour la remonter d’un demi-ton.
Genève Madeleine cloche 3 Genève Madeleine cloche 1

Sources:
« La musique dans le canton de Vaud au XIXe siècle », de Jacques Burdet, éditions Payot, 1971
« L’harmonisation des cloches lausannoises » par Fabienne Hoffmann.
http://www.swissisland.ch/Pages/Cloches/Juriens.html
http://www.mepayerne.ch/index.php?option=com_content&task=category&sectionid=4&id=36&Itemid=27
https://www.helveticarchives.ch/detail.aspx?ID=201509

Remerciements à Antoine Cordoba, carillonneur à Taninges, pour les sonneries reconstituées et ses précieux conseils musicaux. Remerciements également à Matthias Walter, campanologue et président de la GCCS; Nicolas Dériaz, organiste à l’église St Germain et gardien à la cathédrale de Genève; John Brechbühl, passionné genevois de cloches

Le Zoom H4Nde sortie en pays bernois

Berne FriedenBerne, Friedenskirche

Salve Regina
lab2 do3 mib3 fa3

Ruetschi 1920-1922

 

Berne PetruskircheBerne, Petruskirche

Salve Regina complété
si2 do#3 ré#3 fa#3 sol#3
Ruetschi 1948

 

 

urtenen-égliseSchönbühl-Urtenen

Pentatonique mineur
do3 mib3 fa3 sol3 sib3
Ruetschi 1967

 

 

L’accès aux clochers, le parcours du combattant ?

L’édito de Quasimodo

On me pose souvent la question : « est-il aisé d’obtenir l’accès à un clocher? ». Je répondrais que cela dépend grandement des régions. Si je prends l’exemple du charmant pays de Fribourg (CH) que j’ai le plaisir d’habiter, je dirais que non seulement toutes les églises sont ouvertes en journée, mais aussi que certains clochers semblent eux aussi attendre avec impatience que des curieux daignent gravir les quelques marches obscures et poussiéreuses qui s’offrent à eux. Privilège non négligeable pour le passionné que je suis, puisqu’il me permet d’effectuer quelques relevés avant de passer à la seconde étape: demander une autorisation pour une sonnerie spéciale destinée à être immortalisée. « Pourquoi ne pas venir lors d’une messe? » m’est-il parfois demandé par les autorités paroissiales. Je me vois alors contraint d’expliquer que l’accès par la tribune de l’orgue (la plupart des clochers de ma région sont des clochers-porche) risquerait de troubler la cérémonie religieuse. De plus, les sacristains ont souvent l’habitude de démarrer toutes les cloches en même temps, ce qui est tout sauf idéal pour les apprécier à leur juste valeur. Dernier argument enfin: la cloche de l’Agonie. Cette coutume, très répandue dans la région fribourgeoise, consiste à garder la plus petite cloche pour l’annonce d’un décès au sein de la communauté, quand bien même ladite cloche est très souvent parfaitement accordée avec ses grandes sœurs. Toutes ces raisons font que je préfère largement la formule de la sonnerie spéciale, pour laquelle il est possible de bien spécifier le type de séquence désiré. Quand bien même on me ferait valoir qu’une sonnerie sans motif valable risquerait de perturber les riverains, je suggèrerais au président de paroisse de placarder une note à la vue de tous, mentionnant que tel et tel jour, à telle et telle heure, il sera procédé à un enregistrement des cloches, afin que la sonnerie soit visible et audible par les passionnés du monde entier. En règle générale, l’argument fait mouche.

Certes, il est des régions, comme la Suisse alémanique, où l’on est beaucoup strict avec les traditions. Rien ne sert dès lors d’insister. Mieux vaut tenter de trouver un arrangement: à quel moment est-il possible de monter dans le clocher et profiter d’un plénum sans déranger les paroissiens ? Se montrer conciliant contribue généralement à briser la glace. Il n’est dès lors pas rare de se voir proposer de sonner toutes les cloches, en lieu et place de la sonnerie partielle initialement prévue. Parmi les situations loufoques qu’il m’a été donné de vivre, il y a sans nul doute l’enregistrement de la sonnerie de l’église paroissiale de Beromünster (CH-LU), où l’accès au clocher se fait par une petite porte dissimulée dans le lambris sur le côté nord de la nef. Etant donné que mes camarades campanaires et moi-même étions attendus pour une autre sonnerie après celle-ci, nous ne pouvions nous permettre de demeurer dans le clocher jusqu’à l’issue de la messe. « Vous n’aurez qu’à sortir discrètement », nous a suggéré l’aimable sacristine. Nous avons donc attendu que l’orgue et les fidèles se soient lancés dans un magnifique cantique, avec la ferveur qui caractérise si bien ces habitants pieux de la Suisse centrale, pour pousser la porte le plus silencieusement possible. Ce qui n’a pas empêché celle-ci – retenue par un bouton-pression – de s’ouvrir avec fracas. Et les fidèles de nous dévisager avec courroux, et nous autres de nous éclipser la tête basse, nous disant tout bas que ce n’est pas sur ce coup-là que nous gagnerions notre place au paradis !

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas dans cette Suisse d’habitude si stricte que l’accès aux clochers est le plus ardu. Les démarches que j’ai eu à entreprendre en France m’ont semblé être à maintes reprises être un vrai parcours du combattant. Tout d’abord parce que la mairie et le presbytère aiment se renvoyer la balle, chacun arguant que l’autorisation est du ressort de l’autre partie. Et quand enfin vous trouvez interlocuteur, celui-ci fait valoir sa crainte quand aux mille et un dangers qui vous attendent tout là-haut. Les escaliers sont raides, il manque des marches, le plancher peut céder à tout instant… que n’ai-je point entendu ! L’argument suprême étant celui des antennes GSM, capables de griller les neurones de tout imprudent qui s’en approcherait. Si vous saviez (et là, j’ouvre une parenthèse) le nombre de fois que j’ai pu filmer et photographier des cloches, le dos appuyé contre une antenne de téléphonie mobile. Les plus vilains diront que cela explique bien des choses dans mon comportement sujet parfois à de nombreuses questions de la part personnes qui ont le malheur de me fréquenter (nous refermerons là cette parenthèse avant de nous fâcher).

Même ma proposition de signer une décharge n’a pas réussi à faire fléchir le délégué aux biens culturels d’une charmante cité médiévale bretonne que – par discrétion – je ne nommerai pas. Je me suis alors dit : autant jouer le tout pour le tout. Accompagné de 2 amis, l’un organiste bien connu dans la paroisse, je suis allé frapper à la porte du presbytère. M’y a accueilli M. Le Curé, qui m’avait dans un premier temps. éconduit au téléphone. Est-ce la présence de mon ami organiste, ou est-ce parce que j’avais parcouru près de 1’000km depuis la Suisse…. toujours est-il que nous avons obtenu l’accès aux 2 clochers de la ville avec leurs sonneries spéciales ! Nous avons alors pu constater que les escaliers, quoiqu’un peu raides, étaient en excellent état, de même que le plancher; et que les antennes GSM se situaient à plusieurs mètres au-dessus des cloches, séparées de nous – qui plus est – par un plancher.

Je ne regrette point d’avoir insisté: outre le fait d’avoir eu le privilège d’enregistrer 2 belles sonneries monumentales, mes amis et moi-même avons fait la connaissance des 2 aimables sacristains, qui remplissent cet office depuis de longues années, et qui – après être redescendus au sol – nous ont raconté mille et une anecdotes autour d’un bon café chaud dans une ambiance on ne peut plus chaleureuse. Je prendrai d’ailleurs la peine de m’attarder sur ces moments de partage, qui peuvent paraître vains à certains, mais qui pour moi font partie intégrante d’une expédition campanaire réussie. Il n’y a pas que les cloches… il y a aussi toutes ces personnes qui les font vivre et prennent plaisir à leur faire donner de la voix. Je pense notamment au curé de cette petite cité bretonne, qui après s’être montré méfiant vis à vis de ses visiteurs lointains, ne peut aujourd’hui retenir sa joie de voir ses cloches sur la toile.

Alors non, il n’est pas toujours aisé d’obtenir l’accès à une sonnerie. Mais ces quelques difficultés ne sont-elles pas le piment de notre belle passion ? Si les curieux s’agglutinaient devant les clochers tels des supporters devant un stade de foot, il faudrait installer des tourniquets, pratiquer des fouilles corporelles, vendre des bières… j’en frémis d’horreur ! Pitié, faites que nos clochers demeurent à tout jamais sombres et poussiéreux. Car n’est-ce pas cette part de mystère qui confère toute sa saveur à l’univers campanaire ?

Campanairement vôtre,

Quasimodo

La justice suisse donne raison aux cloches

Le bruit des cloches de l’église l’empêche de dormir, il porte plainte à Strasbourg

24heures

Par Nadine Haltiner/Zurich le 28.10.2010 à 00:00

Habitant de Gossau, Christian Frei veut que les bourdons de son village cessent de sonner la nuit.

gossauCertains le trouvent borné, d’autres admirent son courage. Dans la région zurichoise, Christian Frei ne laisse personne indifférent. Ce père de famille de 47 ans est au centre de toutes les conversations de bistrot, depuis qu’il veut faire interdire les sonneries de cloches entre 22h et 7h. Habitant non loin de l’église évangélique réformée de Gossau, l’entrepreneur affirme être privé de sommeil depuis huit ans. Débouté par le Tribunal fédéral, il fait aujourd’hui appel à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Une première. «L’église sonne chaque quart d’heure, 365 jours par année, ce qui fait 3500 coups par jour, dont 220 la nuit, explique Christian Frei, debout devant l’objet du crime. Ses cloches me réveillent deux à huit fois par nuit alors qu’elles ne servent à rien.» Soutenu par deux avocats, l’homme se base sur l’article 8 de la Convention des droits de l’homme. Il stipule que toute personne a droit au respect de sa vie privée et de son domicile. «Or, l’église entre dans ma chambre à coucher chaque soir», raconte celui qui est «sorti» de l’église il y a 25 ans. Il se réfère aussi à l’article 6 qui dit que chacun a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal. «Or, je n’ai pas été jugé de façon impartiale», assure le plaignant.

Plus fort que les avions!

avionQuand il a emménagé avec sa famille dans le village de 9000 âmes, il ignorait que l’église sonnait toute la nuit. «Nous vivions à 200 mètres et nous avons été surpris quand les cloches ont retenti à 5 heures du matin.» Enervé, il se met à appeler tous les jours à cette même heure le président de la commune pour se plaindre. Mais ce dernier lui répète qu’il est hors de question de mettre fin à une «tradition». L’entrepreneur fait mesurer le son qui pénètre dans sa chambre, lorsque la fenêtre est ouverte. 65 décibels! «C’est plus que ce qui est toléré pour les avions. Or, ces derniers n’ont plus le droit de voler après 23 heures!» Il porte plainte au Tribunal administratif de Zurich. Mais ce dernier ne veut rien savoir. Fâché, Christian Frei pousse l’affaire jusqu’au Tribunal fédéral (TF) qui le déboute à son tour. «Les juges ont estimé que les décibels n’étaient pas assez forts pour changer une culture helvétique», dit-il. D’un naturel obstiné, il mobilise alors un voisin qui vit, lui, à 50 mètres de l’église et a droit toutes les nuits à «une disco» dans sa maison.

Tribunal fédéralCette fois-ci, le TF admet que le seuil critique des décibels est atteint, mais il estime que la tradition et l’intérêt général l’emportent sur l’intérêt des particuliers. Il refuse donc d’interdire les cloches durant la nuit, arguant qu’un tel arrêt vaudrait pour tout le pays. Une décision qui réjouit le président de Gossau. «Dans notre village, la plupart des gens sont croyants, explique Jörg Kündig. Pour eux, un son de cloche n’est pas un bruit.» Campant sur ses positions, il ne voit pas la Cour européenne prendre une décision qui vaudra pour toute l’Europe. «De toute façon, cela va prendre des années», sourit le radical. En attendant, Christian Frei devra dormir avec des boules Quies. Ou déménager? «A quoi bon? conclut-il. Il y a 5000 églises en Suisses et la majorité sonne la nuit!»

fini de sonner

Curieuse machine à sonner

Cette étonnante machine à sonner, installée dans le clocher de la Kreuzkirche de Zurich-Hottingen, a fonctionné de 1905 jusqu’à son remplacement par une motorisation traditionnelle (volant-chaîne-pignon). C’est la seule fois qu’il m’a été donné d’observer un tel dispositif. Je vous serais reconnaissant de me faire savoir si vous avez eu l’occasion de voir pareille chose ailleursDSC03493 DSC03494 DSC03495 DSC03497 DSC03504 Zurich kreuzkirche ancienne motorisation

TEST : Es-tu un vrai passionné de cloches ?

fini de sonner

1 L’ascenseur n’est pas fait pour toi ! Seule une bonne volée de marches, si possibles raides et en bois, te donnent envie de faire l’ascension

2 Le mot « raisonner » s’écrit « résonner »

3 Un mouton ne porte pas de laine, mais des ferrures

4 Le cerveau, les épaules, la panse, tu connais… quand bien même tu as séché les cours d’anatomie

5 On ne cesse de te répéter que tu es complètement sonné, et tu prends cela pour un compliment

6 On ne bronze pas au solarium, mais dans une fonderie

7 Tu réussis tout ce que tu entreprends dans la vie, car tu es un battant

8 Tu n’es pas entomologiste, et pourtant les bourdons n’ont aucun secret pour toi

9 Lorsqu’on te demande ce que tu as sur les lèvres, tu réponds à coup sûr « le battant »

10 La chasse n’a pas de saison pour toi, mais tu la préfères courte

11 L’aisance, pour toi, ça s’écrit « les anses »

12 Tu adores qu’on t’administre des volées

13 Même si tu voues une passion sans borne au patrimoine séculaire, on ne peut pas dire que tu sois du genre « rétro »

14 Ton meilleur profil ? Lourd, bien sûr !

 

Résultat

Tu as répondu par l’affirmative aux 14 questions ? Félicitations, tu es aussi fêlé que l’auteur de ce test (moi, donc)

Tu as entre 9 et 14 réponses affirmatives ? Malgré quelques bémols, tu voles encore assez haut

De 4 à 8 réponses affirmatives ? Il y a quelque chose qui cloche chez toi !

De 0 à 3 bonnes réponses ? Ca fout le bourdon !

Démolition honteuse à Lausanne

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Ce bel immeuble lausannois a été rasé par des promoteurs immobiliers, plus sensibles au dessins sur nos billets de banque qu’à la beauté du patrimoine architectural. Tout cela avec la bénédiction des autorités. C’est une honte ! Surtout quand on sait quelle cage à lapin va se dresser à la place de cette splendeur

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Avant que la beauté et le style ne s’effacent pour laisser la place au « fonctionnel », dans ce que ce terme peut comporter de plus péjoratif, je vous invite à jeter un dernier coup d’oeil apitoyé sur ce bel immeuble, construit en 1895 sur les plans de l’architecte vevysan Francis Isoz, à qui ont doit également le Château d’Ouchy, la Maison Mercier, le Gymnase du Bugnon, la BCV, ou encore le Crédit Foncieur Vaudois (source: 24heures, édition du 16 janvier 2012). Les influences de la Renaissance française y côtoient avec goût les motifs Art Nouveau

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Jugé trop récent pour être d’une valeur véritablement historique, le patrimoine de la Belle-Epoque est aujourd’hui trop souvent sacrifié sur l’autel de la rentabilité. De même que nous portons aujourd’hui un jugement sévère sur les démolisseurs des fortifications médiévales de nos cités, nous devrions penser au fait que dans une ou 2 générations, nos descendants maudiront à leur tour les bâtisseurs de blocs de béton. Mais il sera hélas trop tard.
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