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Cloches – Le Landeron (CH-NE) église Saint-Maurice

Une grande cloche du XVIe siècle pour une sonnerie très solennelle

NomNoteKgØ (mm)FondeurAnnée
Cloche 1mib 31’5001’340Watterin1524
Cloche 2fa 31’0501’195Arnoux1881
Cloche 3Mauricesol 36201’025Kaiser1831
Cloche 4Sébastienlab 3450910Kaiser1831
Cloche 5Jeando 4200720Kaiser1831
Poids et mesures par Muff campaniste

Une bourgade médiévale, son noyau historique admirablement conservé, son église paroissiale rebâtie au XIXe siècle… et ses cloches ! Au nombre de quinze, réparties sur une demi-douzaine de sites, elles ont chacune leur histoire. Commençons aujourd’hui par les cinq cloches de l’église catholique dédiée à Saint-Maurice. Comme vous pouvez le voir dans le tableau ci-dessus, la doyenne n’est pas loin de fêter son demi-millénaire.

Le bourg du Landeron (crédit photo borghisvizzera.ch)

Le Landeron, de tous temps un îlot – Curieuse situation que celle du Landeron, doit se dire le visiteur qui contemple la pittoresque bourgade avec un œil contemporain. Ce village fortifié se trouve en effet dans une plaine, loin de tout plan d’eau qui aurait pu lui assurer un semblant de sécurité. C’est mal connaître l’histoire de la région des Trois-Lacs ! Jusqu’à la Correction des Eaux du Jura entreprise en 1868, Le Landeron se dressait sur un des rares îlots émergeant du vaste marécage de la Thielle. L’historien Jean Courvoisier relate que le nom du Landeron apparaît dans les textes au début du XIIIe siècle, associé à celui beaucoup plus ancien de Val de Nugerol, terme couvrant visiblement la région de La Neuveville à Cressier. La localité de Nugerol disparait à la suite de violents conflits entre l’évêque de Bâle et les comtes de Neuchâtel.  Pour ne pas rester sans défense, Rodolphe IV de Neuchâtel obtient du monastère de Saint-Jean la cession – au sud de Nugerol – d’un pré et d’une place dit Lamderon, en 1325, et le droit de construire une ville forte. Le tout est achevé en 1344. Très vite, la bourgeoisie se distancie de Neuchâtel, préférant développer des alliances avec Soleure. Ce rapprochement influencera considérablement la vie religieuse de la cité. Le Landeron est en effet demeuré imperméable à tous les efforts d’implantation de la Réforme. Aujourd’hui encore, Le Landeron est un îlot… un îlot catholique au milieu de ce canton réformé qu’est Neuchâtel.

Le Landeron, plan cadastral de 1682

Jean Courvoisier, toujours lui, dépeint le remarquable système défensif du Landeron, dont certaines parties sont encore visibles. Si les fossés ont été comblés, si l’ouvrage avancé au nord du bourg a perdu tout caractère militaire, on emprunte aujourd’hui encore le passage médiéval sous la tour de l’horloge. L’accès sud, lui, a été profondément modifié. La démolition en 1880 d’une partie de l’enceinte au lieu dit La Maison Rouge fait que l’ancienne entrée dite Portette ne se trouve plus dans l’alignement actuel des murs. Le Landeron a toutefois conservé une bonne partie de son charme d’antan, ne serait-ce que par riches maisons bourgeoises, ses fontaines et son hôtel de ville du XVIe siècle englobant la chapelle des Dix Mille Martyrs consacrée en 1455.


Une église hors les murs – Je vous ai parlé de Nugerol un peu plus haut. C’est dans cette localité que fut édifiée vers 1187 l’église dédiée à saint Maurice. Si Nugerol a par la suite disparu, l’église est restée debout. On apprend, dans un document de 1806, que la nef, couverte d’un berceau de bois, s’achevait à l’ouest par un pignon surmonté d’une croix de pierre et percé d’un oeil-de-boeuf.  La porte en tierspoint, cernée de colonnettes et de renvois d’eau, était surmontée d’une niche décorée. Un porche de bois, reposant sur quatre colonnes protégeait l’entrée. Au midi de la nef, s’élevaient la sacristie et la chapelle Saint-Antoine, de part et d’autre du clocher, face à la chapelle du Scapulaire, au nord. La tour, élargie par encorbellement à sa partie supérieure, s’achevait par une flèche aiguë.

Cette première église se trouvant dans un état de délabrement avancé (son clocher s’est même écroulé après que les cloches furent descendues) elle fut détruite en 1828 et les matériaux réutilisés pour la nouvelle église. Les plans de cette dernière donnèrent lieu à de nombreuses passes d’armes entre  les différents architectes. Pour des raisons financières, c’est un projet très sobre qui est finalement retenu. La nouvelle église Saint-Maurice du Landeron est consacrée le 15 juillet 1832. De l’extérieur, rien ne la distingue d’un temple réformé. C’est seulement après avoir poussé la porte qu’on se rend compte qu’on se trouve dans une église catholique. Une église à l’élégant mobilier néoclassique : Le maître autel, encadré de doubles colonnes et d’un fronton à denticules, a été dessiné par Guillaume Ritter, l’ingénieur à qui ont doit les plans de la basilique Notre-Dame de Neuchâtel. Le tableau qui orne ce grand retable (le Christ donnant la croix à saint Maurice) est l’œuvre du peintre Melchior-Paul von Deschwaden de Stans. Les colonnes des autels latéraux semblent avoir été récupérés de l’ancienne église. L’orgue du facteur Emile Dumas de Romont remplace depuis 1955 un instrument du XVIIIe siècle construit pour l’ancienne église par Possard père et fils. Cet orgue avait été transféré dans la nouvelle église par le célèbre facteur Aloys Mooser.

Une restauration d’importance est menée en 1930 par Fernand Dumas. Ce grand spécialiste de l’architecture religieuse confie au peintre Albert Gaeng la réalisation des décors polychromes, du plus bel effet (jusque là, murs et plafonds étaient blancs). Nouvelle restauration en 1987, l’architecte Charles Feigel reçoit la mission de régler des questions essentiellement techniques : chauffage au sol, installation électrique, isolation des combles et des baies.


Des cloches historiques à foison – Le Landeron possède – vous l’avez compris – un riche patrimoine bâti. Et je ne vous ai pas encore parlé des cloches ! Outre l’église Saint-Maurice que nous découvrons  aujourd’hui, on peut signaler :
– Les 5 cloches de l’église réformée : 4 cloches Ruetschi 1932 et une cloche Keller de 1868 récupérée de l’ancienne chapelle protestante).
-Les 2 cloches de la chapelle de Combes : une petite cloche de Johannes Witzig de 1721 et une grande cloche de Pierre-Isaac & Isaac-Henri Meuron de 1736.
-La cloche de la chapelle des Dix-Mille Martyrs coulée en 1466.
-La cloche de la Tour de l’Horloge, datant vraisemblablement de la seconde moitié du XVe siècle.
-L’ancienne cloche de l’école, déposée au Musée historique, coulée en 1897 par Charles Arnoux.

L’ancienne cloche de l’école. On aperçoit le cartouche du fondeur Charles Arnoux

Ces cloches, pour la plupart très intéressantes sur le plan historique, feront l’objet de présentations ultérieures.


Eglise Saint-Maurice, cloches d’hier et d’aujourd’hui – L’histoire des cloches qui ont précédé la sonnerie actuelle est très bien documentée. Entre 1524 et 1525, Nicolas Watterin de Fribourg coule quatre cloches. Deux d’entre elles sont des refontes de cloches plus anciennes. Une seule de ces quatre cloches nous est parvenue, il s’agit de la plus grande de la sonnerie actuelle. Un autre fribourgeois, Hans-Wilhelm Klely est chargé de refaire la troisième cloche en 1692. Deux ans auparavant, Jean-Baptiste et Blaise Damey de Morteau coulent une petite cloche. Gros chantier en 1756 et 1757 : Pierre-Isaac Meuron, fondeur de cloches et notaire de Saint-Sulpice, se voit passer commande de quatre cloches. Deux sont des refontes de cloches pesant 1’159 et 1’787 livres. Les cloches réalisées par Meuron pèsent 2’087, 1’208, 1’151 et 857 livres.

La grande cloche, coulée en 1524 par Nicolas Watterin de Fribourg

C’est le 12 novembre 1756 qu’est ratifiée la convention entre  ces Messieurs du Conseil et le sieur Pierre-Isaac Meuron, notaire et fondeur de cloche de Saint Sulpy, pour refondre deux cloches de la paroisses, savoir, la seconde et la troisième. La saison n’étant pas propice à la coulée, il faut attendre mai 1757 pour que le fondeur se mette au travail. Les moules sont confectionnés dans la cour du château de la ville. Les anciennes cloches sont descendues avant d’être brisées. La dicte fonte s’est faite le jour de feste de saint Jean Baptiste, à dix heures du matin ; la grande a très bien réussit, quoy qu’elle ait un peu coulé par le bas, mais la petite n’a pas pu s’achever faute de matériaux. La troisième cloche est réalisée le 23 juillet 1757 à une heure du matin (!) la quatrième voit le jour le 26 août suivant sur le coup de dix heures. Les personnes qui régnoient lors des dittes fontes sont: Messire Pierre Maurice Bellenot, Doyen et Curé, le Révérend Père Irenée Badoux, de Romont, supérieur des capucins, Révérend Père Humbert Choiot, de Praroman, religieux prédicateur, Révérend Frère Bruno Flury, de Stantz.

La cloche no2, œuvre de Charles Arnoux établi à Estavayer-le-Lac, 1881

Aujourd’hui, les cloches de l’église Saint-Maurice du Landeron sont au nombre de cinq. Les trois plus petites portent la signature de Kaiser de Soleure et la date de 1831. Contrairement aux coulées sur site de 1757, les archives ne semblent conserver aucune anecdote concernant la réalisation de ces cloches, qui ont certainement été coulées à Soleure, puis acheminées par bateau. Idem pour la cloche no2, coulée par Charles Arnoux à Estavayer-le-Lac en 1881. Ses inscriptions indiquent qu’elle est la refonte d’une des cloches de 1757. On peut se désoler qu’aucune des quatre cloches Meuron ne nous soit parvenue. On se consolera toutefois en admirant la rescapée de l’ancienne sonnerie : une vénérable cloche gothique coulée par Nicolas Watterin de Fribourg et portant la date de 1424. Comme vous pouvez le constater sur l’enregistrement audio-vidéo qui accompagne cette présentation, la voix de cette vieille dame est magnifique !

Les cloches nos 3 et 4, coulées par Kaiser de Soleure en 1831

La sonnerie a bénéficié d’une importante restauration en 2014 (ferrures, battants, système de mise en volée) menée par l’entreprise Muff à Triengen (CH-LU).

Construit dans les années 1930, le temple du Landeron possède lui aussi cinq cloches

Voilà pour la première étape de la découverte du patrimoine campanaire du Landeron ! Je me réjouis d’ores et déjà de vous raconter d’autres pans d’histoire de cette pittoresque bourgade, et de vous faire entendre d’autres sons de cloches.


Sources :
« Les monuments d’art et d’histoire du canton de Neuchâtel », Jean Courvoisier, éditions Birkhauser, Bâle, 1963
« Les fondeurs de nos cloches », Léon Montandon et Alfred Chapuis, extrait des cahiers « Musée neuchâtelois », 1915
FAN – L’Express du 9 mars 1992

Quasimodo remercie :
La paroisse catholique du Landeron
Loïs Auberson, jeune citoyen et paroissien du Landeron passionné de patrimoine.
Muff campaniste, Lionel Glassier
Allan Picelli, sacristain et servant de messe à Maîche
Dominique Fatton, responsable technique du clocher de Buttes
Luc N. Ramoni, pasteur.

A la mémoire de Jean-Marie Egger, historien de la paroisse catholique du Landeron, commandeur de l’Ordre de Saint-Maurice. Merci pour nos belles rencontres, merci pour nos savoureux échanges

Cloches – Neuchâtel (CH-NE) collégiale réformée Notre-Dame

4 cloches et près de 800 ans d’histoire

-Cloche 1, Tour Sud, note sib2 +5/16, diamètre 156cm, poids environ 2’500kg, coulée en 1823 par François-Joseph Bournez aîné de Morteau
-Cloche 2, Tour Sud, note mib3 +2/16, diamètre 125cm, poids environ 1’200kg, coulée en 1786 par Claude-Joseph Livremont de Pontarlier
-Cloche 3, Tour Nord, note solb3 -1/16, diamètre 111cm, poids 775kg, coulée en 1930 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 4, Tour Sud, note la3 -2/16, diamètre 96cm, poids environ 500kg, coulée en 1503.


Elle domine la ville de Neuchâtel de son éperon rocheux depuis bientôt 800 ans… la collégiale réformée Notre-Dame vient de retrouver tout son lustre d’antan grâce à l’impressionnant chantier de restauration tout juste achevé. Un chantier long de 18 ans dont vous encourage vivement à découvrir toutes les étapes sur le site officiel des travaux. Vous constaterez que le résultat est somptueux ! C’est un superbe cadeau de Pâques pour les amateurs de patrimoine, et plus encore pour les protestants du centre-ville de Neuchâtel. La communauté a dû en effet se contenter durant quelques années du Temple du Bas, dont nous aurons l’occasion de parler un peu plus loin au travers de sa cloche jugée… un brin crispante par certaines chastes oreilles !

La voûte étoilée de la Collégiale après travaux (photo © Bernard Python)

Au travers de cette présentation, je vais m’appliquer à vous transmettre quelques anecdotes historiques au sujet des quatre cloches de la collégiale de Neuchâtel. Vous apprendrez par exemple qu’il y a moins d’un siècle, ces cloches n’étaient encore que trois, et que la petite dernière est arrivée pour une occasion bien particulière. Au travers de coupures de presse d’époque, nous verrons que les usages des cloches de la ville étaient jadis soigneusement réglementés. Je vous servirai enfin quelques tranches de vie de ceux qui leur ont donné naissance, à ces cloches : ces vaillants fondeurs, qui travaillent autrefois sur place, et à qui les dangers du métier ont parfois coûté la vie.

Le cloître rénové (photo © Yves André)

La façade de la Collégiale n’est pas la seule à avoir fait toilette. Les restaurateurs se sont également penchés au chevet du mobilier. Je pense notamment au remarquable monument des comtes et des comtesses de Neuchâtel, daté du XIVe siècle, et miraculeusement épargné à la Réforme. La sonnerie de la Collégiale a – elle aussi – bénéficié d’une cure de jouvence : les cloches historiques (nos 1, 2 et 4) ont vu leurs jougs restaurés et leurs battants et moteurs de volée changés par la maison Ruetschi. C’est justement dans le creuset de la fonderie argovienne qu’est née la benjamine de l’ensemble. Cette fameuse cloche no3 a conservé son équipement d’origine, dans un souci de la présenter aux générations futures « dans son jus ».


Premier coup de pioche au XIIe siècle

Avant de reparler plus en détail sur les cloches de Neuchâtel, de leurs histoires et de leurs fondeurs – car après tout, c’est la raison d’être de ce site, les cloches – je m’en vais vous conter brièvement son histoire, à cette collégiale de Neuchâtel. Comme vous allez le constater, le récit s’étend sur une bonne partie du deuxième millénaire. C’est en 1190 qu’Ulrich II, seigneur de Neuchâtel, donne le premier coup de pioche du chantier. Le chœur, le chevet, le bas du transept et les travées à l’est sont les premières parties à sortir de terre. A mesure que l’édifice prend forme, l’architecture évolue : du style roman rhénan pour la base et les absides, on passe au roman bourguignon. Quand la collégiale est consacrée en 1276, on constate que les parties hautes, le cloître et la tour sont de style gothique.

La collégiale à la fin du XVIIIe siècle par Abraham Girardet

A ce moment du récit, le lecteur le plus attentif se demande : « pourquoi le mot « tour » est-il au singulier ? » Il ne s’agit point d’une coquille de la part de votre humble narrateur : le deuxième clocher n’apparaît en effet que… 600 ans plus tard ! Nous sommes en 1867 et l’architecte Léo Châtelain est mandaté pour restaurer la collégiale. En ce  XIXe siècle, on ne considère plus le Moyen-Age comme une période sombre de l’Histoire. Exit l’attrait pour le néoclassicisme et le baroque, on redécouvre les beautés du roman et du gothique. On se surprend même à vouloir magnifier ces styles. Viollet-le-Duc ajoute des hourds, des créneaux et un pont-levis quand il rénove la cité de Carcassonne, il dote la cathédrale Notre-Dame de Paris d’une flèche bien plus imposante que les bâtisseurs du Moyen-Age. Animé du même esprit romantique, Léo Châtelain choisit de bâtir une seconde tour pour la collégiale de Neuchâtel. Il coiffe les deux clochers – nouveauté là aussi – de flèches de pierre plus proches du néogothique que des styles médiévaux.

Vue aérienne du château et de la Collégiale fraîchement restaurée ( photo © Lucas Vuitel

A nouveau clocher, nouvelle cloche

Mais je m’avance un peu en parlant de « clochers » au pluriel au XIXe siècle déjà. Alors que la Tour Sud possède des cloches depuis sa construction, la Tour Nord, édifiée en 1870, demeure une grande coquille vide pendant 60 ans. Arrivée en 1930, la nouvelle cloche permet donc de combler un double vide : dans la suite de notes de la sonnerie (sib2 mib3 solb3 la) mais aussi dans l’immense chambre des cloches. Il ne faut toutefois pas oublier que c’est avant tout dans un but commémoratif que cette nouvelle cloche est coulée : en cette année 1930, on commémore en effet les 400 ans de la Réforme à Neuchâtel. La nouvelle venue est accueillie avec faste au son de ses aînées. Elle parade à travers la ville sur un char, elle est exposée plusieurs plusieurs jours sous d’abondantes décorations florales, la presse locale la propulse au rang de vedette.

Feuille d’Avis de Neuchâtel du 25 octobre 1930

De telles festivités pour l’arrivée d’une cloche nous paraissent aujourd’hui d’un autre âge. En 2011, à l’occasion du millénaire de la ville de Neuchâtel, il est à nouveau question d’étoffer la sonnerie de la Collégiale. Il est vrai qu’on tenait là une occasion en or d’agrandir l’ensemble dans les aigus et d’offrir une compagne à cette pauvre cloche esseulée dans l’immense Tour Nord ! C’était oublier que de nos jours, les cloches sont trop souvent considérées comme inutiles, voire même comme sources de nuisances sonores pour les esprits les plus chagrins. Le projet d’agrandissement 2.0 de la sonnerie de la collégiale de Neuchâtel est donc demeuré – pour l’heure – vœu pieu. Un jour peut-être…

La cloche no3 est la seule occupante de la Tour Nord. Réalisée en 1930 par Ruetschi d’Aarau, elle est issue de la même coulée que les quatre cloches du temple de Corcelles NE

Il est vrai qu’une sonnerie, c’est comme un être vivant, c’est quelque chose qui évolue sans cesse. Par l’envie d’une collectivité, mais aussi par la force du destin. Peu de renseignements nous sont parvenus sur l’état de la sonnerie de la collégiale de Neuchâtel avant 1450, date à laquelle un terrible incendie détruisit une bonne partie de la ville. On sait juste qu’il y avait trois cloches et que la plus grande pesait 3’400 livres. Une nouvelle sonnerie est mise en chantier en 1452, 6’521 livres de bronze sont alors coulées. Une refonte intervient en 1503 déjà, date de la petite cloche actuelle. Une autre cloche, celle de midi – vraisemblablement la cloche no2 – doit être refaite en 1566. Sa remplaçante pèse 2’465 livres et coûte la somme de 35 écus d’or. D’autres refontes suivront, notamment en 1583 (bourdon), 1786 (cloche no2) et en 1823 (bourdon, à nouveau).

La plus petite cloche de la Collégiale est aussi la plus ancienne : elle date de 1503.

Le bourdon a perdu quelques kilos

Le 21 octobre 1949, Paul de Montmollin publiait dans la Feuille d’Avis de Neuchâtel un intéressant article intitulé La grande cloche de la Collégiale a 126 ans.


Depuis 126 ans, la grande cloche de la Collégiale annonce les cultes et préside aux sonneries de nos fêtes. En 1823, le bourdon de 1583 s’étant fêlé, la ville se devait de le remplacer. Elle s’adresse au fondeur François-Joseph Bournez, de Morteau. Rappelons ici que bon nombre des cloches de notre pays neuchâtelois, et cela jusqu’au milieu du 19me siècle, ont été fondues par des Français : les Livremont à Pontarlier, les Cupillard et les Bournez à Morteau. Les archives de la ville conservent la facture de notre fondeur ; nous y glanons les renseignements suivants : Le receveur du poids public atteste que la nouvelle cloche pèse 4133 livres. Elle coûte à raison de 12 livres. L. 4959.12. Le Conseil général consent en outre une gratification de 168 L. eu égard à la perte éprouvée par le fondeur lors d’une première fonte manquée par cause de mauvais temps survenu. Cette remarque prouverait que l’opération se faisait à pied d’œuvre, en plein air, et non dans une fonderie, à Morteau par exemple.
En paiement, Bournez reçoit la valeur de la cloche fêlée qui pesait selon le receveur 4654 livres. On tire aussi des magasins de la ville pour 51 livres de vieux cuivre et 7 canons de couleuvrines faisant 241 livres. La ville doit encore un solde de L. 676,4 à notre fondeur qui en accuse réception en ces termes : Je soussigné reconnais avoir reçu de Messieurs les Quatre Ministraux de la Ville de Neuchâtel la somme de six cent soixante seize francs quatre sols de ce Pays, faisant et y compris la gratification que le noble et vertueux Conseil général a bien voulu m’allouer, le solde entier qui me revenait de la cloche que j’ai fondue pour le temple du haut de la dite ville.
Une garantie est cependant exigée du fondeur. Elle est calculée sur la base d’un dixième du poids de la nouvelle cloche se traduisant par L. 413,6 sols, à quoi s’ajouteront les L. 168 de gratification, soit L. 561,6 sols, et le document ajoute : Comme la somme de cinq cent quatre vingt un francs 6 sols devait rester entre les mains de MM. les Quatre Ministraux, pour sûreté et garantie de la dite cloche pendant une année, je prends l’engagement de représenter cette somme dans le cas où pendant cette année d’essai, il se manifesterait quelques vices ou fractures à cette cloche, qui dût être attribué à la manière à laquelle elle a été fondue, en présentant comme garant et caution de mon présent engagement M. Jean Biolley, membre du conseil de cette ville soussigné. Ainsi fait à Neuchâtel le 27 7bre 1823. (Signé) J. Bournez. (Signé) J. Biolley comme garant et caution.
La cloche a passé heureusement le cap de l’année d’épreuve. Mieux que ça, 125 autres années ont prouvé que l’ouvrage était de bonne qualité. Soulignons encore le précieux renseignement que nous vaut le papier conservé aux archives de la ville, à savoir le poids de la cloche fêlée 4654 livres. C’est ce bourdon dont l’inscription nous avait été conservée par Chambrier, empruntée à Esaïe II, 3. Venite et ascendamus in Montem Jehovae, in domum dei Jacobi et instituet nos in viis suis. Et au-dessous : Senatus populus que neocomiensis hoc ofsus fieri fecit.
La grandeur de la cloche était limitée par les dimensions de la chambre des cloches. En 1583 comme en 1823, il était pratiquement presque impossible d’installer un bourdon plus important dans notre clocher. C’est pourquoi encore, la cloche actuelle (1 m. 56,5) de diamètre , quoique un peu plus légère que l’ancienne, a juste assez d’espace pour s’y balancer.

L’article de Paul de Montmollin est riche en enseignements ! Sachant que le poids du bourdon actuel est d’environ 2’500 kg, on peut calculer que l’ancienne livre neuchâteloise correspond à peu près à 600 grammes actuels. On peut aussi – dans la foulée – déduire le poids de l’ancien bourdon : 2’800 kg environ. La cloche disparue de Franz Sermund était donc sensiblement plus lourde que l’actuel bourdon de François-Joseph Bournez.

Le bourdon de la Collégiale, coulé par François-Joseph Bournez en 1823. Il  porte pour toute inscription  les noms des notables de la ville.

1583, un grand millésime pour un grand fondeur – Franz Sermund est considéré à juste titre comme l’un des meilleurs fondeurs de cloches de la Renaissance. A l’image des saintiers lorrains quelques siècles plus tard, ce Bernois d’adoption originaire de Bormio a laissé des traces de son art sur une importante aire géographique. L’essentiel de la production Sermund se trouve en Suisse, et particulièrement dans les cantons de Berne et de Vaud ; mais une cloche portant la griffe de notre fondeur sonne aujourd’hui encore en France, à Annecy, dans le clocher de l’église Saint-Maurice (d’autres ont disparu à la Révolution comme nous allons le voir plus loin).

Si 1579 est une belle année pour Franz Sermund avec le bourdon de la collégiale de Romont d’un poids de 5’700 kg environ, c’est indiscutablement avec le millésime 1583 qu’on trouve les meilleurs crus du maître-fondeur bernois. Cette année-là, Lausanne (Vaud est alors sous domination bernoise) lui passe commande d’un bourdon pour sa cathédrale. La belle « Marie-Madeleine » donne la note la bémol 2 et pèse 5’610 kg pour un diamètre de 208 cm. Sermund réalise aussi – à quelques mois d’intervalle – les grandes cloches des temples vaudois de Cossonay (ré3) et de Corsier (mi bémol 3). A signaler que cette dernière cloche fêla en 2013 et fut réparée par la fonderie néerlandaise Eijsbouts. 1583 est aussi l’année qui figure sur la sublime « Mittagsglocke » (cloche no2, dite « de Midi ») de la collégiale Saint-Vincent de Berne. Ce bourdon, qui donne un superbe sol#2, accuse un diamètre de 212 cm pour un poids de 6’395 kg. C’est assurément mon coup de cœur chez le génial fondeur bernois.

La « Mittagsglocke » du Berner Münster immortalisée avant sa motorisation (archives de la ville de Berne). Le poids mentionné est nettement exagéré !

Toutes les cloches de Franz Sermund ne nous sont hélas pas parvenues. Comme je vous le racontais plus haut, le bourdon que le Bernois a coulé en cette fameuse année 1583 pour la collégiale de Neuchâtel a fêlé en 1823. Mais la perte la plus cruelle est sans doute la disparition de 12 des 13 cloches que le fondeur bernois réalisa pour la ville de Colmar en 1573. La plus petite pesait 150 kg et la plus lourde 3’800 kg. L’œuvre de tout une vie anéantie par les coups de masse des Révolutionnaires…


Les Bournez, une dynastie maudite

Puisque je me suis attardé quelque peu sur le fondeur de l’ancien bourdon de la collégiale de Neuchâtel, il est tout naturel que je vous parle de l’artisan à qui ont doit l’actuelle grande cloche. Surtout qu’avec les Bournez, nous sommes sans doute en présence d’une des familles de fondeurs les plus intéressantes de par son histoire. Une histoire courte, elle s’étend à peine sur un siècle… mais une histoire marquée par deux tragédies : un meurtre et un accident mortel.

Signature de François-Joseph Bournez aîné sur le bourdon de la collégiale de Neuchâtel, sa plus importante réalisation.

Le 5 juillet 1758 vient au monde à Morteau François-Joseph Bournez. Le jeune homme a la chance d’être le parent par alliance de Cupillard, un important saintier franc-comtois chez qui il apprend le métier de fondeur de cloches. A l’âge de 22 ans, Bournez se lance à son compte et se fait vite remarquer par la qualité et la quantité de sa production… d’abord dans son coin de pays, puis en Suisse à partir 1792. L’homme s’établit en effet chez nous après la Révolution et clame à qui veut l’entendre que par la faute du nouveau régime politique de son pays, il n’a plus de cloches à couler.

Ses arguments sont sérieux, son travail est irréprochable… Bournez n’éprouve pas trop de mal à trouver de l’ouvrage par chez nous. Ce n’est que bien des années plus tard qu’on apprend la vraie raison de sa présence en Suisse : l’homme était recherché pour meurtre ! Notre fondeur est en effet accusé d’avoir égorgé son voisin et d’avoir tenté de faire disparaître le corps dans son four. Sa condamnation par contumace à vingt ans de fers et à la déchéance de la nationalité française n’empêche pas François-Joseph Bournez de mener tranquillement sa carrière de fondeur en Suisse. Il élit domicile successivement à la Chaux-de-Fonds (NE), à Domdidier (FR), à Payerne (VD) et à Siviriez (FR) où d’importantes commandes lui sont à chaque fois adressées.

En 1815 arrive la Restauration en France. Bournez bénéfice d’une amnistie et peut retourner à Morteau. Par contre, il ne parvient pas à toucher l’indemnité accordée aux émigrés spoliés, indemnité que notre fondeur-meurtrier a l’audace de solliciter. On ne connait pas la date exacte du décès de François-Joseph. On sait juste que son fils Généreux-Constant reprend les rênes de la fonderie familiale en 1825. Il la dirigera jusqu’en 1858. Suivra l’un des fils de G-C,  Emile jusqu’en 1865. Vient alors le tour du frère d’Emile, François-Joseph cadet, qui va connaître la destinée la plus tragique de toute la dynastie Bournez.

Cartouche de François-Joseph Bournez cadet sur une des cloches de la collégiale d’Estavayer-le-Lac (1872)

Ce prénom de François-Joseph est-il maudit ? ou est-ce la famille Bournez qui est née sous une mauvaise étoile ? Notre histoire, qui a débuté par un meurtre, va se terminer dans le sang. Pourtant, les signaux sont au beau fixe. François-Joseph Bournez reprend en 1865 les rênes d’une fonderie alors très prospère. Quelques années plus tôt, l’entreprise familiale ajoutait une nouvelle corde à son arc : la fabrication de pompes à incendie. En 1860, la fonderie Bournez se voit décerner la médaille d’or de l’Exposition universelle de Besançon. En 1870, François-Joseph est appelé à Estavayer-le-Lac (CH-FR) pour son plus gros chantier : six nouvelles cloches pour la collégiale Saint-Laurent. Le magnifique bourdon en la2, d’un poids de 4’200 kg, est la plus importante réalisation de la fonderie Bournez, toutes générations confondues.

En 1895, c’est le drame. François-Joseph Bournez et son fils Louis sont aux Breuleux (CH-JU) pour descendre une vieille cloche. La corde se rompt, la cloche chute et tue net un jeune charpentier de vingt ans. Louis est sérieusement blessé à l’œil, à la tête et à la main. François-Joseph parait indemne sur moment, mais choqué par ce terrible accident. il décède d’une attaque quelques jours plus tard. Ses descendants tenteront de poursuivre son travail pendant une dizaine d’années, mais avec un succès moindre. Grandeur et décadence d’une famille de fondeurs de cloches sur fond de glas.


Les Livremont, fondeurs à Pontarlier, Besançon, Thonon, etc…

Quel entrepreneur n’a pas un jour rêvé de voir ses enfants et ses petits-enfants reprendre son fonds de commerce ? Il est vrai que de nos jours, on embrasse un carrière professionnelle essentiellement par affinités et non plus pour faire plaisir à ses géniteurs comme au temps jadis. Originaires de Franche-Comté, les Livremont demeurent un exemple de ce qu’était jadis une dynastie avec son savoir-faire hérité de génération en génération. Dans cette lignée, aux XVII et XVIIIe siècle, tout le monde était fondeur de cloches ! Et tous les représentants mâles de cette famille ont laissé de beaux exemples de leur savoir-faire, que ce soit en Suisse, en Savoie ou en Franche-Comté.

Parmi les cloches les plus anciennes et toujours existantes réalisées par les Livremont, signalons la grande cloche de la Chapelle d’Abondance (F-74) datée de 1687 et portant la signature de Guillaume, Claude et Antoine bourgeois d’Evian, de Pontarlier et citoyens de Besançon. Le bourdon d’Orbe (CH-VD) d’un poids de 3’200 kg affiche comme signature GUILLAVME ET ANTOINE LIVREMOND FRERES BOVRGEOIS DE PONTARLIER ET CITOYENS DE BESANCON MONT FONDVE ET REMISE EN L’ESTAT OV JE SVIS LE 16 OCBRE 1688.

Au XVIIIe siècle, on constate la présence de deux lignées Livremont bien distinctes. Les prénoms de Jean-François et/ou de Jean-Claude bourgeois de Thonon apparaissent dans le sud de la Romandie, alors que dans les cantons de Fribourg et de Neuchâtel, on retrouve les signatures d’Antoine et/ou de Claude-Joseph avec la mention Pontarlier. Et c’est justement à Claude-Joseph Livremont que l’on doit la cloche no2 de la collégiale de Neuchâtel.

La cloche no2 de la Collégiale, coulée en 1786 par Claude-Joseph Livremont de Pontarlier. C’est au moins la quatrième version d’une cloche déjà refaite en 1452 et 1566.


Une motorisation précoce

Alors que les sonneries des cathédrales de Berne et de Fribourg sont passées à l’électrique dans les années 1940, c’est en 1937 déjà que les cloches de la ville de Neuchâtel ont cessé d’être tirées à la corde. L’événement – car c’était un événement pour l’époque – a fait l’objet d’une publication dans la Feuille d’Avis du 6 novembre 1937

Les essais qui se sont poursuivis hier pour mettre au point le nouveau système dont sont dotées, depuis quelques jours, les cloches de la Collégiale, de la tour de Diesse et du Temple du bas, et qui permet de les sonner électriquement, ont fort intrigué la population. Ces essais se sont révélés concluants et le son obtenu de cette façon est de la même qualité que celui qu’obtenaient les sonneurs professionnels. Le système en question est fort simple. Il consiste en une chaîne de motocyclette, mue par un moteur électrique d’un cheval-vapeur pour la grosse cloche de la Collégiale (d’un quart de cheval-vapeur pouf les autres cloches) et qui, par un jeu d’engrenages, met en mouvement la cloche elle-même. On obtient ainsi une imitation parfaite de la sonnerie à la main, non seulement durant la volée, mais aussi au départ comme à l’arrêt. L’appareil est d’une extrême simplicité, indéréglable, ne demande pas d’entretien et consomme une force très minime. Un graissage constant de tous les organes est assuré par une circulation automatique d’huile. Tous les axes sont sur roulement à billes. Il suffit maintenant de peser sur un bouton pour que nos cloches sonnent. Un poste de commande a été établi dans le local de la police, d’où l’on pourra actionner les cloches.

Les travaux de motorisation ont été effectués par la maison Matthey-Doret de Neuchâtel. Le système retenu fut celui de l’entreprise Bochud de Bulle, un des pionniers de l’automatisation des cloches en Suisse

Dépôt de brevet de la maison Bochud pour son système de motorisation de mise en volée des cloches (1937). Collection de Jean-Paul Schorderet.


Des cloches pour chaque occasion et pour chaque communauté

Et si nous profitions de cette présentation de l’imposante sonnerie de la collégiale pour nous intéresser aux autres cloches de la ville ? Elles sont certes de dimensions plus modestes, mais elles méritent tout de même le détour. La presse ne s’y est pas trompée en les documentant abondamment au fil des ans. Concernant leurs usages, pour commencer : Une parution officielle de 1883 dans la presse locale nous indique que les sonneries dominicales étaient fort nombreuses à Neuchâtel. Il faut dire que les cérémonies se succédaient tout au long de la matinée pour les différentes communautés. Les germanophones avaient leur propre culte en langue allemande. On remarque surtout la présence de deux communautés réformées francophones : l’Eglise nationale et l’Eglise indépendante. Cette dernière était née sous la Révolution de 1848 à Neuchâtel. Parfois, elle partageait ses lieux de culte avec l’Eglise nationale, comme ici au Temple du Bas, mais souvent elle disposait ses propres édifices (exemple avec le Temple Farel de La Chaux-de-Fonds). Il faudra attendre 1943 pour que les deux communautés protestantes se réconcilient sous la bannière de l’EREN.

Il est intéressant aussi de noter l’emploi à la fois religieux et civil des différentes cloches. La grande cloche de la Tour de Diesse – employée principalement pour tinter les heures, sonner le couvre-feu et prévenir des incendies – donnait aussi de la voix pour appeler les fidèles de la chapelle des Terreaux, dépourvue de cloches. Réciproquement, la cloche du Temple du Bas – outre le fait d’appeler les fidèles – avait pour mission d’annoncer les incendies en dehors du centre ville.

La Tour de Diesse construite à partir du Xe siècle. Son couronnement actuel date du XVIIIe siècle

Ces cloches ont toutes fait l’objet d’une présentation dans la presse locale en 1930 à l’occasion de l’arrivée de la nouvelle cloche de la collégiale. On y apprenait que la Tour de Diesse referme deux cloches : La cloche des enterrements (note do4, diamètre 77cm, poids 215 kg) coulée en 1715 par le Neuchâtelois Gédéon Guillebert et une grande cloche (note do3, diamètre 150 cm, poids environ 2’000 kg) que Livremont de Pontarlier est venu couler en 1787, autrement dit un an après avoir réalisé la cloche no2 de la collégiale. Le clocheton du Temple du Bas ne renferme qu’une cloche : un petit si bémol 3, diamètre 89 cm, poids 425 kg, coulé par Jean-Henri Guillebert en 1734.

Une cloche mal-aimée – La cloche du Temple du Bas… parlons-en, la pauvre ! Sa sonorité ne semble pas séduire toutes les oreilles neuchâteloise, à en croire le courrier de lecteurs d’un certain H.R, paru dans la Feuille d’Avis du 27 juillet 1937.

Le Conseil général a voté un crédit pour l’équipement électrique des cloches de Neuchâtel » disent les Journaux. La triste cloche du Temple du bas sonnera-t-elle moins lugubrement après cette opération ? Peut-on espérer qu’elle soit rendue moins morne et désolante en accélérant le rythme de sa sonnerie ? Sinon, il Importerait plus de remplacer cette cloche que de lui donner un « équipement électrique». Ou bien, les ondes pleurardes qu’elle déverse sur notre ville chaque matin de nos dimanches à 8 h, 9 h. et 10 h, évocatrices d’une bien triste piété, continueront-elles éternellement à nous sonner la pénitence ? Pour avoir su doter leur église d’un très heureux carillon, nos frères catholiques n’en sont pas moins assidus aux cultes que nous. La cloche du Temple du bas me fait souvent désirer que l’on nous appelle au culte, qui est un événement joyeux, par une radieuse sonnerie de clairons.
Ce ton de cloche est une laideur des matins de dimanche à Neuchâtel, et il doit donner aux passants d’autres pays l’impression d’une âme neuchâteloise d’un protestantisme hypocondriaque, et de naturels contrits, peu enclins aux accueils aimables. Ohé, l’A. D. E. N ! Les spécialistes diront s’il est possible d’obtenir un heureux résultat en adjoignant une nouvelle cloche à l’ancienne, mais je sais que le clocheton n’est pas grand, et puis, existe-t-il une cloche qui consentirait à « s’accorder » avec notre pauvre vieille et vénérable « mômière » ? Ne la traitons pas à l’électricité, elle est trop âgée. Employons plutôt le crédit voté à lui accorder, en la remplaçant, une retraite perpétuelle. Il y a quelques années, une heureuse restauration du Temple du bas a été faite, mais : Le temple, hélas, en la tourmente, a conservé dans son clocher le glas navrant qui se lamente le dimanche, pour nos péchés.

Le Temple du Bas, inauguré en 1696. Il a été nommé ainsi en opposition au « Temple du Haut », le nom donné durant un certain temps à la Collégiale (photo © neuchatelville.ch

A ce très sévère procès intenté à la pauvre cloche du Temple du Bas, Paul de Montmollin, fin connaisseur des cloches de la ville de Neuchâtel, a renchéri trois jours plus tard avec un nouveau réquisitoire, toujours dans le courrier des lecteurs de la Feuille d’Avis

La cloche du Temple du bas est douloureuse aux oreilles mathématiques de M. H. R. (voir « Feuille d’avis de Neuchâtel » du mardi 27 juillet). Douloureuse parce qu’en lieu et place des harmoniques qu’une cloche réputée réussie fait entendre en sus du ton fondamental (octave grave, tierce mineure, quinte juste), notre vieille s’obstine depuis plus de deux siècles à nous bourdonner sa septième, sa seconde que sais-je encore… Les fondeurs de notre cloche n’étalent certes pas des maîtres de l’art. Henri et G. Guillebert y allaient au petit bonheur et, si mes souvenirs sont exacts (Je n’ai pas sous les yeux les documents qu’il faudrait), G. Guillebert dut s’y reprendre à deux fois avant de satisfaire de façon relative Messieurs les Quatre Ministraux quant, après le grand Incendie, il livra pour la Tour de Diesse la petite cloche qui s’y trouve encore. Que faire ? Remplacer « la Guilleberte » par une jeune et pimpante argovienne ? Pas la peine pensons-nous. Il y aura toujours disproportion entre la masse du Temple du bas et la petite voix qui devra prendre place dans son clocheton. (La cloche actuelle a moins de 90 centimètres de diamètre). Si pourtant on veut tenter l’expérience, nous aurions à Neuchâtel même de quoi nous satisfaire.
La cloche qui s’ennuie à l’ancien hôpital de la ville est à peu près de même taille. Elle a un très beau son. Sœur de la grande cloche de la Tour de Diesse, du No 2 de la Collégiale, c’est également le bon Livremont de Pontarlier qui la fondit en 1771. Oui, mais… qui frappera désormais les heures place de l’Hôtel-de-Ville ? La cloche du Temple du bas. Pourquoi pas ? M. H. R. veut-il une belle sonnerie, qu’on appelle à la rescousse l’A. D. E. N, les mécènes et tutti quanti. Que l’on élève côté sud un clocher digne de ce nom et qu’on y installe 3 ou 4 belles cloches. Autre idée : Compléter à la Tour de Diesse la sonnerie actuelle par deux cloches et les affecter au service de notre temple. Je suspends cette rêverie estivale écrite aux sons des clochettes des vaches du pâturage voisin.

Même si Paul de Montmollin use d’arguments plus techniques que M. H.R qui a décoché la première flèche empoisonnée, on sent qu’il prend plaisir lui aussi à lancer des piques à l’intention de la pauvre petite cloche du Temple du Bas ! Ironie du sort : alors que ces deux Messieurs se sont tus depuis plusieurs décennies, emportés vers un monde meilleur où toutes les cloches sonnent toutes à l’unisson, la vénérable « Guilleberte » continue aujourd’hui encore à chanter de sa voix aigrelette. On ne peut que s’en réjouir : trop de cloches historiques ont en effet fini au creuset, victimes de pourfendeurs aux oreilles trop délicates.

La basilique de Neuchâtel dans son état d’origine vers 1920

La Basilique, cette géante au pied d’argile – Deux mots – pour être complet – des cloches de la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Neuchâtel. Autant vous le dire tout de suite, vous risquez d’être déçus ! Non pas que la sonnerie de l' »Eglise Rouge » ne soit pas harmonieuse : c’est juste que les cloches sont de dimensions très modestes aux vues de la taille de l’édifice. L’imposant clocher, haut de 53 mètres, a d’abord reçu – en même temps que son horloge – trois petites cloches civiles fixes (fa4 la4 do5) en 1912. Ces timbres portent la signature de l’horloger David Perret. C’est seulement en 1933 qu’est passé commande à la fonderie Ruetschi d’Aarau de trois cloches à la volée (fa#3 sol#3 si3) d’un poids total de 1’800 kg. Rappelons que le bourdon de la Collégiale pèse à lui seul 2’500 kg !

N’y voyez ici aucune avarice de la communauté catholique : la basilique est un véritable gouffre financier. Construite à partir de 1897 en pierre artificielle, pour des raisons d’économie, l' »Eglise Rouge » s’avère  vite fragile. En 1920 déjà, il faut retirer certains ornements tels que les pinacles qui menacent de tomber sur les passants. Les travaux de consolidation se font si coûteux au fil des décennies qu’on envisage, dans les années 80, de raser purement et simplement l’édifice. L’église sera finalement classée en 1986. Elle sera élevée au rang de basilique mineure en 2007.

L’Impartial du 5 mars 1934 relatait l’arrivée des deux plus grandes cloches de la basilique. La plus petite était arrivée pour Noël 1933.

Je pourrais vous noircir encore des montagnes de pages sur les cloches de la ville de Neuchâtel, tant les histoires sont nombreuses, tant les sources sont intarissables. C’est d’ailleurs ce qui m’a frappé tout au long de la rédaction de cette modeste présentation : à chaque étape de mes recherches, il s’est trouvé dans un vieux livre ou dans la presse de l’époque une savoureuse anecdote à rapporter. Tout ceci témoigne du lien étroit que les Neuchâtelois ont su tisser de tous temps avec leurs cloches. Je ne saurais d’ailleurs mettre un point final à ces quelques lignes sans un dernier courrier des lecteurs daté du 31 décembre 1929. Un témoignage hélas anonyme, mais ô combien touchant.

Alité depuis de longs mois et privé par conséquent du plaisir que procure la préparation extérieure et visible de la fête de Noël, c’est avec une grande joie que je lus l’avis de la direction des cultes de notre ville que les cloches de la Collégiale seraient sonnées mardi soir pour annoncer la nuit de Noël. Le même jour s’installaient sur la place des Halles deux « carrousels » ne se lassant point de faire entendre les indispensables ritournelles de leurs orgues de barbarie. Ces dernières se tairont-elles pendant que sonneront les cloches ? Je le crus un instant. Hélas, naïve illusion ! A 18 heures et quart, les cloches de la Collégiale se mettaient en branle, et à toute volée, dans un harmonieux concert, annonçaient la venue de Noël, message de joie, de paix et de bienveillance parmi les hommes : mais en même temps nos braves « carrousels » s’en donnaient à cœur joie et de tout leur souffle mêlaient leurs refrains de music-hall et de la Marseillaise aux sons des cloches de notre antique Collégiale. Oh ! quel mélange de musique disparate, quelle horrible cacophonie ! N’y tenant plus, j’enfonçai ma tête dans mes oreillers pour ne plus rien entendre et, sans doute avec tous les habitants du quartier, regrettai-je amèrement cette fâcheuse dualité.

Quasimodo remercie
La ville de Neuchâtel – La paroisse réformée de Neuchâtel – Fabienne Hoffmann, experte-campanologue à Lausanne – Matthias Walter, expert-campanologue à Berne – Pascal Krafft, expert-campanologue en Alsace – Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers – Damien Savoy, organiste et chef de chœur à la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Neuchâtel – Le comité et les membres de la GCCS (le reportage vidéo a été réalisé durant notre assemblée 2021).

Sources (autres que mentionnées)
« Les fondeurs de nos cloches » tiré du cahier « Musée Neuchâtelois » de janver 1915
« Les Bournez, fondeurs de cloches à Morteau » tiré du cahier « Musée Neuchâtelois » de janvier 1973
Archives de la fonderie Ruetschi
https://www.restaurationcollegialeneuchatel.ch/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Coll%C3%A9giale_de_Neuch%C3%A2tel
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9o_Ch%C3%A2telain
https://www.eren.ch/neuchatel/patrimoine-architectural/temple-du-bas/
https://www.eren.ch/neuchatel/patrimoine-architectural/collegiale/
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_r%C3%A9form%C3%A9e_%C3%A9vang%C3%A9lique_du_canton_de_Neuch%C3%A2tel
https://fr.wikipedia.org/wiki/Notre-Dame-de-l%27Assomption_de_Neuch%C3%A2tel

Cloches – La Chaux-de-Fonds (CH-NE) église du Sacré-Coeur

Le bourdon au joug rompu se balance à nouveau

-Cloche 1, note si2 +3/100, diamètre 170cm, poids 3’030kg, coulée en 1927 par Ruetschi à Aarau
-Cloche 2, note ré#3 -9/100, diamètre 136cm, poids 1’471kg, coulée en 1927 par Ruetschi à Aarau
-Cloche 3, note fa#3 -11/100, diamètre 113cm, poids 894kg, coulée en 1927 par Ruetschi à Aarau
-Cloche 4, note sol#3 -7/100, diamètre 102cm, poids 655kg, coulée en 1927 par Ruetschi à Aarau
(la3=435Hz, déviation en 1/100 de 1/2 ton)

En octobre dernier, je vous faisais vivre sur les réseaux sociaux les mésaventures du bourdon du Sacré-Coeur de la Chaux-de-Fonds, dont le joug s’était rompu. Nombre de passionnés de cloches s’étaient émus de la destinée de cette grande cloche de trois tonnes. Il me paraissait donc tout naturel de vous offrir – enfin – une présentation complète de cette grand et bel ensemble campanaire, le deuxième par ordre de poids (6’050kg) du canton de Neuchâtel après Le Locle et ses cinq cloches d’un poids total de 6’893kg. Vous trouverez également dans cet article des coupures de presse et des photos d’époque.

La galerie ci-dessous vous permet de revivre l’épisode du joug rompu du bourdon et son remplacement (captures d’écran du reportage de Canal Alpha du 10 octobre 2017 et photos fournies par la maison Ruetschi)

Le culte catholique demeura longtemps interdit à la Chaux-de-Fonds. Alors que la première église y est consacrée en 1528, la Réforme et adoptée en 1536 par la siegneurie de Valangin. Ce n’est qu’en 1834 que la paroisse catholique chaux-de-fonnière  voit le jour. Une chapelle est ainsi construite en 1841, flanquée deux ans plus tard de la cure. La proclamation en 1870 du dogme de l’infaillibilité pontificale conduit à un schisme donnant le jour à l’Eglise catholique chrétienne, appelée parfois aussi Vieille Catholique. En 1875, les catholiques romains de la Chaux-de-Fonds se retrouvent sans lieu de culte. Ils commencent par investir une grange gracieusement prêtée par un paroissien. Une nouvelle chapelle voit le jour en 1877. Devenue trop exiguë, elle sera détruite pour laisser la place à l’actuelle église du Sacré-Coeur, consacrée le 17 décembre 1927. La messe inaugurale y a lieu le lendemain

 

 

Le Sacré-Coeur est la plus grande église de la Chaux-de-Fonds et l’un des plus vastes sanctuaires du canton de Neuchâtel. Son plan basilical à trois nefs n’est pas sans rappeler Notre-Dame de Neuchâtel (la fameuse « église rouge »), à la différence près que nous n’avons ici pas de transept. La décoration est aussi moins chargée. Construit de 1925 à 1927 en pierres de taille selon des méthodes traditionnelles, ce sanctuaire néogothique – un des derniers du style à avoir été construit en Suisse – dispose d’intéressants vitraux élaborés par les ateliers fribourgeois Kirsch & Fleckner. Et c’est à un autre fribourgeois, Wolf-Giusto, que l’on doit le grand orgue, restauré en 1995 par la Manufacture d’orgues de Chézard-St.-Martin. Les artistes locaux ne sont pas en reste : les vitraux modernes sont du peintre Georges Froidevaux (1911-1968) né et décédé à la Chaux-de Fonds. C’est le peintre et tapissier chaux-de-fonnier Claude Loewer (1917-2006) qui réalisa la grande fresque colorée représentant le baptême du Christ à l’arrière de la nef. Il est intéressant de noter que l’église du Sacré-Coeur se situe Rue du Doubs, entre le temple Farel (ancienne église évangélique libre) et le temple allemand, aujourd’hui désaffecté. Les trois sonneries, disposant chacune de quatre cloches coulées par la maison Ruetschi, ont été conçues tour à tour pour s’accorder ensemble : accord complété en la bémol 3 pour le temple allemand (1881), accord majeur parfait en ré bémol 3 pour le temple Farel (1882), Salve Regina en si2 pour le Sacré-Coeur (1927).

Détails des cloches
-Cloche 1, porte l’effigie du Sacré-Coeur de Jésus. « Don de plusieurs paroissiens et paroissiennes dont le principal, celui de M. Jean Crivelli, architecte de cette église »
-Cloche 2, porte l’effigie de Marie. « Don de Mademoiselle Louise Gobet »
-Cloche 3, porte l’effigie de Saint-Joseph. « Don de Madame Augustine et M. Fortuné Barnaverain »
-Cloche 4, porte l’effigie de l’Assomption de la Vierge. « Don de Madame Marie-Thérèse et M. le Dr. Louis Jobin »

Cliquez sur la galerie archives ci-dessous ! Vous y trouverez des coupures de presse d’époque du journal local l’Impartial. Montée des cloches (article du 7 octobre 1927), bénédiction des cloches (paru le 3 octobre 1927), présentation de l’orgue (datée du 1er novembre 1927). Je vous ai également glissé une photo datée de 1926 montrant la construction de l’église, et plus spécialement l’élaboration des voûtes en ogive (Collection Bibliothèque de la ville de La Chaux-de-Fonds, Département audiovisuel). J’y ajoute enfin des photos de la montée des cloches aimablement fournies par la paroisse.

Quasimodo remercie:
M. l’Abbé Jean-Claude Dunand, curé modérateur de l’UP des Montagnes pour son aimable autorisation et son chaleureux accueil.
M. Maurice Perroset, responsable des bâtiments de la paroisse du Sacré-Coeur, pour les belles archives fournies
La maison Ruetschi : René Spielmann, directeur, et Tom Zingrich, campaniste
Dominique « Valdom 68 » Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers, et Allan Picelli, sacristain à Maîche, pour leur précieux concours et les moments d’amitié

Sources
http://www.imagesdupatrimoine.ch/notice/article/une-nouvelle-eglise-pour-les-catholiques-de-la-chaux-de-fonds.html
http://cdf-bibliotheques.ne.ch/bvcf/patrimoine/archives-fonds-speciaux/archives-associations/Pages/eglise-catholique-chretienne-du-canton-de-neuchatel.aspx
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-142-6-6-1/
http://www.sikart.ch/
Archives du journal l’Impartial
Archives de la chaîne de télévision Canal Alpha
Archives de la fonderie Ruetschi

Cloches – Cressier (CH-NE) église Saint-Martin

L’église néogothique a hérité des cloches de l’ancien édifice

L’église Saint-Martin de Cressier dispose d’une imposante sonnerie de six cloches. Les trois plus anciennes ont été récupérées dans la chapelle aujourd’hui démolie et dans l’ancienne église. Une pièce de la sonnerie pourrait bien avoir émigré dans un clocher voisin (enquête en cours)

Une église néogothique sur une ancienne chapelle – Entourée de maisons vigneronnes ancestrales en pierre jaune de Neuchâtel, l’église Saint-Martin de Cressier dresse sa fière silhouette blanche coiffée d’ardoise à l’emplacement d’une chapelle du début du XVIIe siècle. Ce bel édifice néogothique est devenu en 1875 le principal lieu de culte de la paroisse, en remplacement d’une église médiévale toujours existante mais désaffectée. Ce sanctuaire désacralisé, vidé de son mobilier, est situé sur une propriété privée en pleine forêt. Il fait l’objet régulier de fouilles archéologiques (voir le très bel article à ce sujet sur le site de l’université de Lausanne). Le mobilier de l’actuelle église Saint-Martin est relativement moderne. On pense notamment aux vitraux de Yoki (1969 et 1978) et au chemin de croix d’Emile Angéloz (1978). Ont toutefois été conservées : diverses pierres tombales et les stalles (1674) de la chapelle démolie. Le grand crucifix du XIIIe siècle semble avoir appartenu à l’église désaffectée.

Une sonnerie aux origines multiples – Trois des cloches sont antérieures à la nouvelle église. La plus petite, de facture gothique, n’est pas signée. On doit les deux autres à de fondeurs réputés comme Nicolas Kottelat de Delémont (1552)  et Hans-Wilhelm Klely de Fribourg (1674). Des cloches Kottelat sonnent encore dans de nombreux clochers jurassiens (Delémont, Saint-Ursanne…) de même qu’à La Neuveville, non loin de là (une cloche à la Tour Carrée et l’autre – fêlée – déposée au cimetière). Si la dynastie Klely a bénéficié d’un monopole sur la fonte des cloches à Fribourg, elle a aussi pu, dans de rares occasions comme ici, s’illustrer hors du canton. Ces cloches ancestrales se trouvaient certainement réparties entre l’ancienne église et la chapelle. La configuration tout en hauteur du beffroi (sur quatre niveaux) rend le déchiffrage des inscriptions difficile, voire périlleux. On apprend toutefois – au travers d’une mention sur une des cloches neuves – que François Humbert de Morteau a coulé en 1846 une cloche refondue par Ruetschi en 1948. Plus intéressant encore : l’article de 1917 « Les fondeurs de nos cloches » d’Alfred Chapuis et Léon Montandon fait mention de trois cloches réalisées par Franz-Ludwig Kaiser de Soleure en 1831 : deux pour l’église Saint-Maurice du Landeron et une pour Cressier. Le Landeron disposant aujourd’hui de TROIS cloches Kaiser, on peut supposer que la cloche de Cressier est allée rejoindre ses sœurs après transformation de la sonnerie en 1948 (je compte investiguer à ce sujet ces prochaines semaines).

-Cloche 1, note do#3, poids environ 2’100kg, coulée en 1947 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 2, note mi3, coulée en 1552 par Nicolas Kottelat de Delémont
-Cloche 3, note fa#3, coulée en 1674 par Hans-Wilhelm Klely de Fribourg
-Cloche 4, note sol#3, coulée en 1947 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 5, note si3, coulée en 1947 par Ruetschi d’Aarau
-Cloche 6, note ré4, vraisemblablement du XVe siècle, non signée

Mes plus vifs remerciements à M. Jean-Marie Egger, historien des paroisses de Cressier et du Landeron, pour son chaleureux accueil et les savoureux échanges. Merci aussi à M. André Dubail, sacristain, pour sa gentillesse et sa disponibilité. Merci enfin à mes excellents camarades campanaires pour leur indispensable collaboration : Antoine Cordoba, carillonneur à Saint-Maurice et Taninges ; Dominique Fatton, responsable technique des clochers de Val-de-Travers ; Guilhem Lavignotte, organiste titulaire d’Yverdon-les-Bains

Sources (autres que déjà mentionnées)
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-1197-11-6-1/
Inventaire des cloches fourni par Matthias Walter, expert-campanologue à Berne, président de la GCCS.

A consulter aussi :
http://www.cressier-ne.ch/
http://www.cath-ne.ch/paroisses-de-cressier-et-du-landeron

Cloches – Travers (CH-NE) temple réformé

P1000311

En 1228 déjà, les registres mentionnent une église paroissiale à Travers consacrée à St Côme et St Damien. Celle-ci sera peu après annexée par le prieuré voisin de Môtiers. Le bel édifice dont il est question ici comporte encore des parties du 13e ou du 14e siècle (soubassements du chœur), mais c’est au 17e siècle, après la Réforme, que l’ensemble fut rebâti. L’incendie qui ravagea la localité le 13 septembre 1865 épargna curieusement l’église, à l’exception de son clocher, qui gagna un étage lors de sa reconstruction. La nouvelle sonnerie fut coulée pour l’occasion le mois suivant déjà, comme l’indiquent les inscriptions sur les 3 cloches.

Les premières activités de la fonderie Humbert remontent à la fin du 18e siècle quand le grand-père, originaire du canton de Neuchâtel, quitte Berne pour s’établir à Morteau (F-25), où il travaille d’abord en collaboration avec le fondeur local Claude-Joseph Cupillard. François Humbert, 3e du nom, n’a que 14 ans lorsqu’en 1817, son père décède, ce qui n’empêche pas l’adolescent de reprendre les activités de la fonderie, vieille de 3 générations. Parmi ses cloches notables, on peut citer en 1838 le lab2 du temple St Etienne de Moudon (CH-VD), sa plus importante réalisation, ainsi le magnifique si2 de l’église Ste Bénigne de Pontarlier (F-25) en 1855.

Cloche 1, note do#3 +4, coulée en 1865 par François Humbert de Morteau
Cloche 2, note ré#3 +7, coulée en 1865 par François Humbert de Morteau
Cloche 3, note fa#3 +1, coulée en 1865 par François Humbert de Morteau

Analyse de la sonnerie (la3 = 435Hz, déviation en 1/16e de 1/2 ton)

Octave inférieure Prime Tierce mineure Quinte Nominal
Cloche 1 do#2 -8 do#3 +28 mi 3 +7 sol#3 +1 do#4 +4
Cloche 2 ré#2 +7 ré#3 +19 fa#3 +11 la#3 +1 ré#4 +7
Cloche 3 fa#2 -6 fa#3 +15 la3 +4 do#4 -0 fa#4 +2

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Cloche 1

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La cloche 2 et la cloche 3 (en bas à droite)

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L’horloge mécanique, désaffectée, partiellement démontée, sans doute pour les pièces de rechange

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Le choeur du temple de travers et son intéressant orgue Goll de 1897

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Vues extérieures

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Travers au lendemain de l’incendie de 1865. On remarque qu’à l’époque, le clocher était moins haut. (Photo Bruder Frères 1865. © Courrier du Val-de-Travers)

 

Mes plus vifs remerciements à Dominique « Valdom Soixante-Huit » pour l’accès au clocher, pour la sonnerie spéciale, et pour la photo d’archives.

http://www.eren.ch/qui-nous-sommes/administration/batiments/batiments-detail/uid/123
http://www.val-de-travers.ch/fr/accueil/
http://www.orgues-et-vitraux.ch/default.asp/2-0-2691-11-6-1/
http://www.swissisland.ch/
http://www.youtube.com/user/valdom68

Autres sources
« Les fondeurs de nos cloches » extraits de « Musée Neuchâtelois », par Alfred Chapuis et Léon Montandon.
« Le patrimoine campanaire fribourgeois », trimestriel 2012-1, éditions Pro Fribourg, parution no 174.

Appareil photo et caméra : Panasonic Lumix DMC-TZ31
Enregistreur audio : Zoom H4N
Logiciel d’édition sonore : Adobe Audition
Logiciel de montage vidéo : Windows Movie Maker
Logiciel d’analyse sonore : Audacity

Cloches – Chézard-St-Martin (CH-NE) temple

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Bâti sur les fondations d’une église romane, citée dès 998, le temple de Chézard-St-Martin a pris en gros sa forme actuelle en 1684, après de multiples transformations, notamment à la Réforme. Daté de 1681, le beau clocher aux baies géminées renferme une intéressante sonnerie de 4 cloches

Si le musicien risque a toutes les chances d’esquisser un grincement de dents, l’amateur de cloches historiques ne peut s’empêcher de succomber au charme de ce sympathique ensemble campagnard, rustique à souhait. La cloche 2, non signée, datée de 1640, est entourée de 2 cloches portant la griffe d’Abram-Louis Peter, fondeur neuchâtelois du 18e siècle à la production trop rare. Rappelons qu’une des 3 dernières cloches Peter encore recensées dans le canton de Neuchatel, vient de fêler dans l’incendie du temple de St Aubin. Pour commémorer le millénaire de la paroisse de Chézard-St-Martin, il fut décidé en 1998 d’agrandir la sonnerie en y ajoutant une 4e cloche.

Cloche 1, note sol#3, coulée en 1748 par Abram-Louis Peter de Neuchâtel
Cloche 2, note la3, coulée en 1640
Cloche 3, note do4, coulée en 1748 par Abram-Louis Peter de Neuchâtel
Cloche 4, note ré4, coulée en 1998 par Paccard d’Annecy

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La cloche 1, coulée en 1748 par Abram-Louis Peter, « bourgeois de Neuchâtel », comme l’indique le cartouche du fondeur

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La cloche 2, non signée, est la plus ancienne de la sonnerie. Iconographiée avec soin, elle porte la date de 1640

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Voici enfin la cloche 3 (ci-dessus), coulée comme la cloche 1 par A-L Peter en 1748; et la benjamine de la sonnerie, la cloche 4, ajoutée par Paccard en 1998 pour le millénaire de la paroisse.

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^ ^ L’ancien mouvement d’horloge, fabriqué à Lons-le-Saunier (F-39)

L’actuelle horloge-mère v v

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^ ^ L’orgue, construit par la manufacture de Chézard-St-Martin, située de l’autre côté de la rue. Le culte de dédicace de l’instrument eut lieu en 2011.

Le choeur, orné des vitraux de Paul Duckert, de l’atelier de Taizé (1970) v v

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^ ^ Les fonds baptismaux, taillés en 1633

L’encadrement de la porte sud v v

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Retrouvez l’album photo complet sur http://www.facebook.com/media/set/?set=a.436433379727141.89457.408532932517186&type=1

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Mes plus vifs remerciements à M. Jean-Claude Barbezat pour son chaleureux accueil. Merci à Dominique « Valdom68 » pour l’organisation.

Sources : http://www.eren.ch/qui-nous-sommes/administration/batiments/batiments-detail/uid/206
Liens: http://www.chezard-saint-martin.ch/
http://www.vaudruziens.ch/

Cloches – La Chaux-de-Fonds (NE) temple Farel

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Cité industrielle au prestigieux passé horloger, La Chaux-de-Fonds possède, outre son Grand-Temple déjà immortalisé sur ce site, une intéressante collection de 4 églises églises néo-gothiques: le temple de l’Abeille, l’église réformée allemande, l’église du Sacré-Coeur, et enfin le temple Farel, auquel nous allons nous intéresser ici. D’abord « église indépendante » jusqu’en 1941, ce fier édifice, survivant des tensions houleuses entre Eglise et Etat neuchâtelois, fut bâti en 1877 par les architectes Bourrit et Simmler. Il sert aujourd’hui à la fois de lieu de culte et de salle de concerts.

C’est en 1882 que les frères Ruetschi d’Aarau coulèrent les 4 cloches de l’église indépendante de la Chaux-de-Fonds, autrement dit un an après la sonnerie de l’église réformée allemande voisine, avec laquelle elle s’accorde plutôt bien (de même qu’avec le Sacré-Coeur). Nous retrouvons ici un motif très à la mode à la fin du 19e siècle, avec ces 4 cloches égrenant les notes réb3 fa3 lab3 réb4. La petite cloche, dont la chaîne d’entraînement était rompue le jour de notre visite, a été mise en branle à la force du bras par les bons soins de mon camarade Dominique « Valdom68 ». Poids total de la sonnerie : 4’540kg

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La grande cloche, ses motifs néo-gothiques et son joug en bois
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^ ^ La cloche 2
v v Les cloches 3 et 4
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Admirez la belle rosace au dessus de la splendide chaire néo-gothique, ainsi que l’imposant orgue Kuhn d’origine
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^ ^ Statue du réformateur Guillaume Farel (1489-1565), sculptée en 1933 par Jeanne Perrochet
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Une rue, 3 églises. A gauche, on aperçoit l’église du Sacré-Coeur, édifiée en 1927. Son haut clocher renferme une sonnerie de 4 cloches (si2 do#3 fa#3 sol#3). Au fond de la rue se trouve l’église réformée allemande, bâtie en 1853, et aujourd’hui désaffectée. Ses 4 cloches (lab3 sib3 do4 mib4) ne sonnent plus à la volée, mais tintent toujours les heures. Vous trouverez ci-dessous un enregistrement, réalisé au printemps 2009, du magnifque duo formé des sonneries du temple Farel et de l’église du Sacré-Coeur (sans le sol#3).
Un grand merci à M. le Pasteur Patrik Chabloz pour son aimable accueil. Remerciements également à Valdom68 pour l’organisation de cette agréable sortie campanaire

Cloches – Bémont – Brévine (NE)

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Touchante histoire que celle de la chapelle de Bémont. Peiné par la situation des vieillards et des infirmes de son hameau, trop éloigné du temple de la Brévine, le Dr. Moïse Matthey-Claudet fit don en 1698 de 1’600 livres pour financer 12 fois l’an les déplacements du pasteur. Désireux de donner une suite à cette première initiative, une centaine d’habitants du lieu entreprirent alors de faire construire un lieu de culte. C’est ainsi que fut posée en 1767 la première pierre de la chapelle de Bémont. Aujourd’hui en mains privées, ce charmant et sobre petit édifice continue d’accueillir 15 fois l’an les fidèles des environs.

Une seule cloche occupe le petit clocheton. Coulée en 1764, elle est le fruit d’une des rares collaborations entre les fondeurs franc-comtois Jean-Antoine Damey et Claude-Joseph Cupillard. Elle donne la note do4.

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On remarque ci-dessous quelques défauts dans les ornements et les inscriptions sur le cerveau

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^ ^ L’intérieur à la fois sobre et chaleureux du petit temple de Bémont

v v la clé de voûte et le clocheton

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Un grand merci à M. Jean-Philippe Huguenin, du restaurant « Chez Bichon », ainsi qu’à mon ami Dominique « Valdom68 » pour l’organisation de cette agréable sortie campanaire

http://www.labrevine.ch/
www.youtube.com/user/valdom68/

Cloches – Les Planchettes (NE)

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C’est au coeur des montagnes neuchâteloises que se cache la délicieuse petite sonnerie que je vous propose de découvrir aujourd’hui. Bâti en 1702, ce pittoresque temple au clocheton recouvert de tavillons marqua la fondation d’une nouvelle paroisse, dont les fidèles dépendaient jusqu’alors du Locle pour les uns, et des Brenets pour les autres. Il est amusant de noter que la commune politique des Planchettes, elle, ne vit le jour qu’en 1812.

Nous sommes ici en présence de 3 jolies petites cloches, représentant chacune une génération de brillants fondeurs. La plus grande, signée Jean-Baptiste et Blaise Damey, de Derrière-le-Mont (Franche-Comté), fut coulée en 1702, date de construction du temple. Vint la rejoindre en 1848, la cloche 2, oeuvre de François Humbert fils de Morteau. C’est en 1963 qu’un généreux donateur offrit à cette charmante famille campanaire une petite soeur, née dans le berceau argovien de la maison Ruetschi. A cette occasion, les 2 plus grandes cloches virent leurs notes corrigées afin de former un ensemble plus harmonieux aux oreilles des spécialistes d’alors

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La cloche 1

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Les Planchettes cloche 2.JPG

la cloche 2

Les Planchettes cloche 2 détails.JPG

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^ ^ La cloche 3

V V Le mécanisme de l’unique cadran d’horloge (Favag)

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L’intérieur du temple faisant actuellement l’objet d’importants travaux de réfection, je vous propose une sélection de clichés extérieurs : la clé de voûte de la porte principale, le cadran solaire de la façade sud, et la pompe à eau, alimentée par l’eau de pluie, toujours en fonction… très pratique pour se débarbouiller après avoir exploré le clocher !

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Remerciements à M. Roth pour son aimable autorisation, Mme Benninger pour son sympathique accueil, et M. Schaer pour ses savoureuses anecdotes. Merci également à mon éminent camarade campanaire Dominique, alias Valdom68, pour l’organisation de cette agréable sortie.

http://www.les-planchettes.ch/
http://www.vpne.ch/temples.php?id=30
http://www.youtube.com/user/valdom68